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3 mai 2025
Développement
MAMADOU BADIO CAMARA, UN MAGISTRAT FACE À L'HISTOIRE
Sous sa présidence, l'institution a posé des actes décisifs en déclarant inconstitutionnel le report de l'élection présidentielle, en rejetant un projet de modification de la Constitution, et en validant la candidature contestée de Bassirou Diomaye Faye
Le président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio Camara, décédé jeudi, à Dakar, à l’âge de 73 ans, a sans doute été l’un des acteurs-clés du dénouement apaisé du processus électoral ayant débouché sur l’investiture le 2 avril 2024, de Bassirou Diomaye Faye comme cinquième président du Sénégal.
La juridiction électorale s’est notamment illustrée sous son magistère par une posture équidistante et indépendante dans un contexte politique marqué par des pressions et polémiques provenant de la quasi-totalité des acteurs politiques et de la société civile.
Difficile de ne pas évoquer l’intense activité déployée aussi bien dans la validation des candidatures au scrutin que dans la garantie de la poursuite du processus dans le respect de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel sous sa présidence avait tour à tour jugé inconstitutionnel le report de l’élection présidentielle qui avait été initialement prévue le 25 février, rejeté le projet de modification de la Constitution qui devait ouvrir la voie à la tenue du scrutin en décembre et publié d’autres arrêts et décisions ayant, en fin de compte, favorisé une bonne tenue de l’élection finalement organisée le 24 mars 2024.
Auparavant, le Conseil constitutionnel avait validé la candidature de Bassirou Diomaye Faye qui était emprisonné à la prison du Cap Manuel de Dakar, alors que beaucoup d’acteurs prédisaient son rejet en partant du principe que le parti politique auquel appartient M. Faye, Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), avait été officiellement dissous.
Mamadou Badio Camara, membre du Conseil constitutionnel depuis 2021, avait été désigné par décret, le 5 septembre 2022, président de cette institution en remplacement de Papa Oumar Sakho, arrivé au terme de son mandat.
”Les politiques peuvent être féroces avec ceux qui peuvent contrecarrer leur projet”
Lors d’une récente sortie publique effectuée en France, l’ancien président de la Cour suprême du Sénégal affirmait que le Conseil constitutionnel avait signifié au président Macky Sall que la Constitution ne lui permettait pas de briguer un nouveau mandat après être resté 12 ans à la tête du pays.
”Il y a eu beaucoup de tensions, beaucoup de pression. C’est peut-être un peu normal. C’est une élection présidentielle et les enjeux sont importants. Les politiques peuvent être féroces avec tous ceux qui peuvent contredire ou contrecarrer leur projet. On a fait l’effort d’exercer notre métier de la manière la plus conforme à la Constitution Sénégal et à notre métier”, déclarait-il le 3 octobre dernier à Paris à l’édition 2024 de la Nuit du droit, un évènement organisé par le Conseil constitutionnel français. Une déclaration somme toute empreinte de sérénité, de lucidité et traduisant une capacité de résistance aux pressions.
Des vertus l’ayant sans doute motivé lors du discours prononcé le 2 avril 2024 à Diamniadio lors de l’investiture du président Bassirou Diomaye Faye. Le cinquième président de la République ‘’choix incontestable et éclatant du peuple sénégalais’’ lors de l’élection présidentielle du 24 mars, symbolise ‘’la volonté de notre peuple de changer de paradigme dans sa gouvernance et de génération dans son gouvernement’’.
Le président du Conseil constitutionnel avait également invité le chef de l’Etat à se souvenir, ‘’à l’heure où surgiront les inévitables tentations du pouvoir, l’ivresse de la puissance, les démons de la division,’’ de ‘’la main de Dieu, dont la volonté domine et détermine inéluctablement les moments que nous vivons’’.
‘’Prions que cette bénédiction divine ne cesse de tirer notre pays de tous les traquenards tendus par la main de l’homme, en particulier dans la perspective d’une exploitation prochaine, et porteuse d’espoir, du pétrole et du gaz’’, avait lancé Mamadou Badio Camara.
S’adressant au président de la République, il concluait : ‘’Vous êtes désormais le garant de la démocratie sénégalaise, du respect des institutions, des droits et libertés, gage de la stabilité de l’État et de l’unité du Peuple sénégalais, dans sa diversité. Prions que les espoirs de notre peuple, placés en vous, Monsieur le président de la République, fleurissent et portent fruits. Que Dieu Le Tout-Puissant vous assiste !’’.
Issu de la promotion de 1977 de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (actuelle ENA), Mamadou Badio Camara avait intégré le système judiciaire avant la trentaine.
Il avait occupé, de novembre 2008 à juillet 2013, les fonctions de Président de la chambre criminelle de la Cour suprême (cumulativement avec les fonctions de Secrétaire général de la Cour suprême du Sénégal). Il était aussi passé à la Cour de cassation où il avait occupé, de février 2004 à novembre 2008, le poste de Secrétaire général.
En 1993, il était le Procureur adjoint au tribunal régional hors classe de Dakar. Mais déjà en 1977, il avait été nommé Substitut du Procureur à Dakar. Mamadou Badio Camara avait également été Chargé de mission de l’Organisation internationale de la Francophonie (O.I.F) : mission d’audit organisationnel de la Cour de cassation d’Haïti (Port-au-Prince, juin 2007) et mission d’appui à la justice pénale (Port-au-Prince, juin 2008). Il avait aussi été élu membre du comité des Nations-Unies sur les disparitions forcées, le 31 mai 2011.
ADIEU AU SAGE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Les réactions se multiplient dans tout le pays, des plus hautes instances de l'État à la société civile, saluant unanimement Mamadou Badio Camara, un magistrat d'exception qui a marqué l'histoire récente du Sénégal par son courage et son intégrité
Les réactions d’acteurs politiques et de la société civile ont afflué dans les médias et sur les réseaux sociaux à la suite du rappel à Dieu, ce jeudi à Dakar, du président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio Camara à l’âge de 73 ans.
Le président Bassirou Diomaye Faye n’a pas tardé à saluer la mémoire d’un grand serviteur de l’Etat.
Dans un message publié sur le réseau social X, quelques heures après l’annonce du décès, le chef de l’Etat a notamment exprimé sa tristesse tout en présentant ses condoléances à la famille du défunt, à ses proches et à l’ensemble de la magistrature.
Alioune Tine, président du think thank, Africa Jom Center, a, sur le même réseau social, salué le rôle joué par le défunt magistrat lors de la crise politique ayant secoué le Sénégal en 2024.
”Le Conseil constitutionnel sous la présidence du juge Mamadou Badio Camara, par des décisions courageuses, avisées, circonstanciées, documentées et solidement argumentées, a non seulement sauvé l’Etat de droit et la démocratie à un moment critique de l’histoire politique du Sénégal’’, a-t-il souligné.
Il a insisté sur le fait que, par cette posture, le Conseil constitutionnel avait redoré le blason de l’institution judiciaire.
”Nous avons vécu au Sénégal, en Afrique et dans le monde un grand moment de soulagement, de catharsis politique. Un moment de remontée démocratique, de l’Etat de droit, mais surtout une marque inédite d’indépendance de la justice face à un exécutif fort, que nous devons aussi au courage et au leadership du défunt président du Conseil constitutionnel dont le nom est désormais inscrit en lettres d’or dans les annales de l’histoire politique du Sénégal’’, a salué M. Tine.
C’est à peu près le même son de cloche qui a émané du responsable au Sénégal d’Amnesty International, Seydi Gassama. Il a notamment, sur X, estimé que les décisions courageuses rendues par le Conseil constitutionnel sous la présidence de Mamadou Badio Camara avaient ‘’sauvé la démocratie sénégalaise mise en péril par le président Macky Sall et son régime’’.
”Le Sénégal vient de perdre un éminent juriste avec la disparition de Monsieur Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel. Le PUR (Parti de l’unité et du rassemblement) présente ses condoléances à toute la nation sénégalaise, à sa famille et prie pour le repos éternel de son âme’’, a, de son côté, réagi la formation politique dont le religieux, Moustapha Sy, est le président d’honneur.
Sur les ondes de la Radio futurs médias (RFM, privée), Me Malick Sall, ancien ministre de la Justice, a déclaré que M. Camara était ”un magistrat qui savait prendre ses responsabilités comme il le fallait”.
‘’Il était profondément loyal. J’ai rarement vu un magistrat aussi loyal que Mamadou Badio Camara. Il était un serviteur de l’Etat, un républicain au vrai sens du terme’’, a-t-il notamment dit.
Le député Babacar Ndiaye du parti les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef, au pouvoir) a exprimé ‘’sa profonde tristesse’’ tout en louant le parcours professionnel de l’ancien président de la Cour suprême.
Par Ibou FALL
ADJI RABY SARR, SUISSE ET PAS FINIE
Entre De Gaulle qui dégage, Macky Sall qui s'incruste chez Mo Ibrahim, et Ndèye Khady Ndiaye qui s'autoproclame "patronne du pays", l'affaire Sweet Beauté continue de nous offrir un spectacle plus rocambolesque qu'une série Netflix
L’affaire Sweet Beauté, par laquelle tout nous tombe sur la tête depuis quatre interminables années, ne fait pas que des malheureux : entre-temps, le contumax voit sa condamnation annulée, sort de prison - où il glande pour des accusations bien plus graves que la corruption de la jeunesse - et se retrouve Premier ministre. D’ailleurs, le président de la République en personne, Bassirou Diomaye Faye, face aux journalistes, l’évoque en passant, affirmant que tout le monde sait que cette affaire est un complot.
Personne n’osera lui demander de précisions : vous savez bien, l’article quatre-vingts…
Ben, c’est pile-poil le moment où, dans la presse, tombe l’annonce : l’héroïne de l’affaire Sweet Beauté, Adji Raby Sarr, que la voiture de Madiambal Diagne conduit à l’aéroport pour quitter le pays à destination de la Suisse, bannie du peuple de Pastef dont la malédiction lui prédit la pire des fins, vient d’en être une honorable citoyenne.
Voilà donc, en résumé, une dame qui, dorénavant, en bonne Helvète qui apprend les leçons de la vie, n’aura plus besoin de visa pour bien des destinations agréables… Elle risque de skier dans les Alpes, de préférence à Gstaad en hiver, engoncée dans du vison. Elle a toutes les chances d’y croiser, comme le dirait Félix Houphouët-Boigny, des gens assez sérieux pour confier leur argent aux banques suisses. L’été, elle pourra se laisser glisser sur le lac Léman avec juste un bikini pour seul habit sans que l’inénarrable Mame Matar Guèye n’en fasse une affaire nationale.
Rien que le bonheur de ça… Y’a des malédictions qu’on appelle de tous ses vœux !
Avec ses formes voluptueuses, que le fromage et le chocolat suisse ne manqueront pas de rembourrer, qui ont mis en émoi son pays natal, ça promet des émotions fortes pour l’économie mondiale si elle s’invite d’autorité au Sommet de Davos, à une réunion de la Fifa en direction de la Coupe du monde, ou du Cio qui prépare les Jeux Olympiques…
Assez divagué, revenons à nos moutons ?
Au moment où les accusations de falsifications de chiffres de la comptabilité publique - à propos desquelles le Fmi exige des éclaircissements circonstanciés - s’accompagnent des déclarations guerrières sur les exactions dont est victime le peuple du Pastef entre 2021 et 2024, Macky Sall force la porte du Conseil d’administration de la Fondation Mo Ibrahim ; celle-là même qui distribue les bons points sur le continent en matière de respect de droits de l’Homme, de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
C’est fait exprès ?
Etonnez-vous, par la suite, que l’image du Sénégal, selon Mo Ibrahim et les sommités mondiales de la bienséance, fasse un plongeon supplémentaire dans les abysses des pays les moins fréquentables. Après les agences de notation qui influencent les bailleurs de fonds, voilà que l’on risque de voir des gloses salées à l’international sur le respect des droits de l’Homme, la bonne gouvernance de ces bons messieurs du tandem «Diomaye môy Sonko»…
Quand le président Bassirou Diomaye Faye, devant un parterre de journalistes, évoque les mystérieuses actions souterraines de son prédécesseur, il sait sans doute de quoi il parle… Y’avait pas moyen de lui tirer les vers du nez sans risquer de tomber sous le coup du tristement célèbre article quatre-vingts ?
Soit dit en passant, le président de la République se sédentarise subitement depuis quelque temps : ça fait une paye que l’on ne nous annonce plus un de ses périples autour de la planète. Rien de grave, au moins ?
Il n’y a pas que les mauvaises nouvelles dans la vie : la France dégage, le Général de Gaulle aussi, pour céder un boulevard au président Mamadou Dia, le premier chef de gouvernement du Sénégal. On appelle ça, à l’époque, un président du Conseil de gouvernement. Rien à voir avec un Premier ministre : Mamadou Dia comme Léopold Sédar Senghor, en 1960, au sortir de la crise qui explose la Confédération du Mali, sont élus par les députés.
Question impie : il n’y a pas moyen d’honorer Mamadou Dia sans dégager De Gaulle ?
Si ce n’était que ça… Ça apprend également dans la presse à quat’ sous que le célébrissime salon Sweet Beauté renaît de ses décombres. Le p’tit local à la devanture couleur de menstrues, niché à Sacré-Cœur, qui dispense jusqu’en 2021 de fracassantes thérapies contre les maux de dos insupportables, rouvre ses portes dans un quartier tout ce qu’il y a de chic. Curieusement, Ndèye Khady Ndiaye, son entreprenante proprio, n’en est pas heureuse malgré tout : il y a de cela quelques semaines, elle se trouve même une tribune pour évoquer la suite de son procès en appel qui semble s’égarer dans le dédale des affaires judiciaires délicatement refermées sans verdict définitif. Elle se fâche aussi de n’avoir pas la reconnaissance de la République, alors qu’elle juge son rôle déterminant dans l’avènement du régime Pastef : les tridents de la présidence et de la Primature n’ont pas eu un soupir de reconnaissance à son endroit, s’énerve-t-elle dans une vidéo… Toutes ces années, pourtant, Madame tient tête au régime de Macky Sall malgré ses pistolets, ses renseignements généraux, ses juges ; elle se vante même d’être capable, quand elle a besoin d’argent frais sans trace ni témoin, d’avoir au téléphone «le président»…
Allez savoir lequel.
Sa sortie pourtant détonante ne suffit pas à son bonheur : la créature divine d’exception remet ça au micro d’un influenceur qui s’indigne en même temps qu’elle de l’article publié par de vulgaires journalistes jaloux de sa réussite. Il y a surtout l’illustration par «l’ancienne photo» qui l’énerve alors qu’elle a actuellement un totem quatre fois plus grand aux Almadies… Ndèye Khady Ndiaye doit avoir des problèmes de difficulté avec le français : «pourquoi ils ne montrent pas l’ancienne nouvelle photo ?», s’agace-t-elle. Avec Sweet Beauté version 2025, prévient celle qui s’autoproclame la patronne du pays, on va voir ce qu’est «un vrai salon de beauté».
J’en ai la cinquième lombaire qui tremble.
LA FRANCE S'APPRÊTE À RECONNAÎTRE L'ÉTAT PALESTINIEN
Le président Emmanuel Macron a annoncé mercredi que la France pourrait reconnaître un État palestinien dès juin 2025, à l'occasion d'une conférence internationale coprésidée avec l'Arabie saoudite à New York
(SenePlus) - Selon l'AFP, le président français Emmanuel Macron a annoncé mercredi que la France pourrait franchir le pas de la reconnaissance d'un État palestinien "en juin", à l'occasion d'une conférence internationale qu'elle coprésidera avec l'Arabie saoudite à New York.
"On doit aller vers une reconnaissance et donc dans les prochains mois on ira", a déclaré le chef de l'État dans une interview à l'émission "C'est à vous" sur France 5, donnée à son retour d'Égypte et diffusée mercredi.
Cette initiative s'inscrit dans un cadre plus large visant une reconnaissance réciproque entre Israël et plusieurs pays. "Notre objectif c'est, quelque part en juin, avec l'Arabie saoudite de présider cette conférence où on pourrait finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs", a précisé Emmanuel Macron.
Le président français a justifié cette démarche en soulignant qu'elle permettrait d'amener certains pays défendant la Palestine à reconnaître à leur tour l'État d'Israël. "Je le ferai [...] parce que je pense qu'à un moment donné ce sera juste et parce que je veux aussi participer à une dynamique collective, qui doit permettre aussi à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que plusieurs d'entre eux ne font pas", a-t-il expliqué.
Dans une région marquée par des tensions croissantes, Emmanuel Macron a également souligné l'importance de cette initiative pour "être clair pour lutter contre ceux qui nient le droit d'Israël à exister, ce qui est le cas de l'Iran, et de nous engager sur une sécurité collective de la région".
LE GOUVERNEMENT CONFIRME LE SCANDALE À LA SÉCU
Selon le ministre du Travail Abassi Fall une instruction judiciaire est en cours concernant des détournements estimés à plus d'un milliard de francs CFA à la Caisse de Sécurité sociale. Plusieurs personnes inculpées sont déjà en détention
(SenePlus) - Dans une réponse officielle adressée au président de l'Assemblée nationale, le ministre du Travail, de l'Emploi et des Relations avec les Institutions (MTERI), Abassi Fall, a confirmé qu'une instruction judiciaire est en cours concernant les allégations de détournement à la Caisse de Sécurité sociale, estimé à plus d'un milliard de francs CFA.
Cette réponse fait suite à une question écrite posée par le député Guy Marius Sagna le 6 mars dernier, qui s'inquiétait non seulement de l'illégalité des conseils d'administration de la Caisse de Sécurité sociale et de l'IPRES, dont les mandats ont expiré depuis 2016, mais également des soupçons de malversations financières.
"Le dossier sur l'affaire du détournement à la Caisse de Sécurité sociale a d'abord été confié au juge d'instruction du 3ème cabinet qui a déjà procédé à l'audition au fond de toutes les parties concernées", précise le ministre dans sa lettre. Il ajoute que "les inculpés sont, pour la plupart, dans les liens de la détention."
Un développement juridique important est survenu le 14 mars 2025, avec l'ordonnance de dessaisissement rendue par le Procureur de la République au profit du Pôle Judiciaire Financier (PJF), désormais compétent en raison de l'importance du montant en jeu.
Concernant la gouvernance des institutions de prévoyance sociale, le ministre a assuré que le gouvernement est "préoccupé par la question du renouvellement des mandats" et qu'un processus a été enclenché depuis plusieurs mois. Ce processus a abouti à la désignation de nouveaux représentants au sein des Collèges des représentants et des Conseils d'administration des deux institutions. Le renouvellement des membres des instances dirigeantes de ces institutions devrait être finalisé avant le 1er mai 2025.
PAR Makhtar Diouf
CES AGENCES DE NOTATION FINANCIÈRE ET NOUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Les investisseurs directs étrangers et les bailleurs de fonds ont d’autres références que ces notes. On peut présumer que le Sénégal de l’après 24 mars 2024 est devenu plus attractif
Moody’s et Standard & Poors sont des Agences de Notation Financière (Anf) devenues familières aux Sénégalais depuis leur note (pas bonne) attribuée au nouveau régime. Est-ce la sanction d’une gestion catastrophique de ‘’ces incompétents’’ au pouvoir depuis près d’un an ? Des éclairages sont nécessaires.
J’avais écrit un article sur ces Anf (‘’ Euros, dollars, en veux-tu en voilà’’, 6/09/2021) dans ‘’Sud Quotidien’’. Il m’a paru opportun d’y revenir avec de nouvelles données.
Présentation des Anf
Les Anf (Credit Rating Agencies) sont créées aux Etats-Unis au début du 20èmesiècle avec la clientèle de grandes entreprises. Après la grande crise de 1929 leurs services sont orientés en direction des Etats. Les trois plus grandes Anf sont américaines : la pionnière Moody’s (de John Moody), Standard & Poors (de Henry Poors) qui interviennent en Afrique, et Fichte (de John Fichte). Elles contrôlent 95 pour cent du marché financier. Des Anf de moindre envergure sont présentes en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, dont les clients sont des entreprises. Bloomfield opère à Abidjan avec représentation à Douala au Cameroun.
L’Anf intervient sur l’endettement sur les marchés financiers internationaux, surtout sur le marché des obligations. Elle se place entre l’emprunteur (une firme ou un Etat) et un prêteur potentiel appelé investisseur. Lorsqu’un Etat désireux de financer des projets émet une obligation sur les marchés financiers, l’Anf se base sur une évaluation de son degré de solvabilité : situation économique, financière, remboursement de dettes antérieures, stabilité politique. Elle donne une note censée indiquer son aptitude à rembourser le prêt sollicité, et à décider les investisseurs directs.
L’Anf est payée par l’émetteur d’obligation lorsque c’est une entreprise, parfois par l’investisseur qui cherche à placer ses liquidités dans un lieu sûr. Elle vend ses notes à la presse financière et à des institutions comme Bloomberg (agence d’informations financières et économiques) qui les publient.
Les notes des Anf sont données en lettres selon le système de notation en vigueur dans le système américain d’enseignement. Elles se présentent dans l’ordre décroissant, de ‘’excellent’’ à ‘’médiocre’’(en équivalent numérique à peu près de 20 à 1).
Bien des déboires ont jalonné le parcours de ces Anf dans leurs notations de grandes entreprises et de gouvernements.
En 2001, la firme américaine d’énergie Enron, après avoir reçu une bonne note tombe en faillite 4 jours après. En 2003, la banqueroute de World Com est précédée d’une bonne note. En 2003, Parmalat (société laitière italienne du groupe français Lactalis) est déclarée en faillite après une bonne note 18 jours avant. En septembre 2008, la banque américaine Lehman Brothers est en faillite après la bonne note A- de Standard&Poors. La même note est attribuée à la compagnie d’Assurance AIG qui n’est sauvée de la faillite que par un renflouement financier.
Certains financiers prêteurs sont actionnaires dans le capital des Anf, ce qui donne lieu à des conflits d’intérêts. Lorsqu’une firme paie les services d’une Anf, ce n’est pas pour recevoir une mauvaise note. Ce qui pose des doutes sur l’objectivité de ces notations.
Les Anf ont été accusées de grande responsabilité dans la crise financière des années 1990 ayant affecté des pays asiatiques (Corée Sud, Indonésie, Thailande). Les Anf sont aussi culpabilisées dans la crise financière de 2008-2009, en donnant de bonnes notes à des établissements financiers fautifs de la crise des ‘’subprimes’’ (crédits hypothécaires consentis à des personnes sans garantie).
Les Anf n’ont pas bonne presse en Europe, accusées d’avoir arbitrairement dégradé certains pays. La Commission économique de l’Union européenne envisage de créer sa propre Agence de notation financière.
Pourquoi alors le maintien de ces Anf ? Pour certains Européens, c’est parce qu’elles sont américaines. Elles font preuve d’un part pris flagrant en faveur des gouvernements américains. Leurs erreurs ne sont pas sanctionnées, car elles prétendent n’exprimer que des opinions, passibles de la liberté d’expression, comme le leur garantit le premier amendement de la Constitution.
S’y ajoute que bon nombre d’institutions financières (compagnies d’assurance, fonds de pensions, banques commerciales …) pour intervenir sur le marché des dettes sont tenues d’exiger de leurs clients d’être notés par les Anf.
En juin 2010, Obama, décide d’introduire un peu de discipline dans le comportement spéculatif des institutions financières, dont les Anf. Son projet de loi introduit au Sénat par le député Barney Frank et le sénateur Chris Dodd, est adopté comme ‘’Frank- Dodd Act’ qui s’attaque aux conflits d’intérêt. Mais cette pratique ne concerne que les entreprises et non les gouvernements. Le Frank-Dodd Act reconnaît que les notations des Anf sont de nature commerciale sans rapport avec la liberté d’expression et que le chaos financier créé devrait relever de la responsabilité civile. Mais aucune mesure n’est prise à cet effet.
Une méthode de notation inadéquate
La méthode de notation utilisée par les Anf consiste à ne tenir compte que des seules caractéristiques économiques les plus stables, les plus permanentes du pays emprunteur. Ce qui néglige les changements les plus récents survenus dans le paysage économique et politique. C’est la méthode dite ‘’Notation étalée sur le cycle’’ (through the cycle rating)
La méthode différente est dite ‘’Evaluation ponctuelle’’ (Point-in time-rating) qui intègre les caractéristiques permanentes et les changements. Elle permet une notation basée sur une évaluation stable et exacte. C’est la méthode utilisée par les banques pour apprécier le degré de solvabilité de leurs emprunteurs. On comprend ainsi que le dernier eurobond du Sénégal en 2025 ait été souscrit entièrement par la banque américaine J P Morgan.
Il est reproché aux Anf de continuer à utiliser la première méthode, avec retard à l’allumage, ne tenant compte que des informations qui leur viennent des pays via le Fmi, la Bm et d’autres sources.
L’Afrique et les Anf
C’est à partir de 2000 que les gouvernements africains sont poussés vers les Anf. L’argument est que l’aide au développement et les prêts concessionnels (avec faible taux d’intérêt) ont fortement baissé, et dans la nouvelle situation de mondialisation, l’alternative pour le financement des projets est le recours aux marchés financiers des titres obligataires. Les prêteurs ne peuvent plus être seulement les banques, mais aussi d’autres intervenants, avec intermédiation des Anf.
es pays africains commencent à s’endetter en termes de euro-obligation, ou euro-bond mais en fait en dollars. L’euro-obligation est une dette remboursable avec une certaine maturité à un certain taux d’intérêt. Ce type de dette est plus flexible, moins contraignant que la dette des bailleurs traditionnels comme le Fmi et la Bm avec leur lenteur et leurs conditionnalités. Surtout qu’avec les réductions et annulations de dettes qui ont suivi la crise de la dette des années 1980, le niveau d’endettement ayant baissé, pour financer des infrastructures, les pays africains ont opté pour les euro-bonds jusqu’à 20 pour cent de leur endettement total.
L’Etat du Sénégal se lance sur le marché des euro-bonds en 2009 avec 7 opérations à ce jour : 2 sous Wade, avec un taux d’intérêt de 9,25 pour cent ; 4 sous Macky dont 1 avec un taux d’intérêt record de 5, 375 pour cent ; 1 sous Diomaye, au taux de 7,75 pour cent.
Les notes des deux Anf qui interviennent sur le Sénégal se présentent ainsi :
Avec Moody’s :
Sous Wade, une seule note B1 en 2011.
Sous Macky, les notes sont : B1 en 2014 ; Ba3 en 2017, 2020 et 2022.
Sous Diomaye, la note est B1 en octobre 2024, et B3 en février 2025.
Avec Standard & Poors :
Sous Wade (2000,2006,2009,2010) la note est B+
Sous Macky (2013,2018,2019) la note est B+
Sous Diomaye, la note est B+ en octobre 2024, et B en février 2025.
Le niveau d’endettement le plus élevé en eurobond est réalisé sous Macky, avec aussi le taux d’intérêt le plus bas en 2021. C‘est avec lui que les notes des Anf sont ‘’meilleures’’ (en fait moins mauvaises). Cela tient à la confiance due à deux raisons : le Sénégal est perçu comme un prochain exportateur de pétrole et de gaz ; les clignotants économiques conjoncturels présentés sont au vert, rassurants.
Le rapport de la Cour des Comptes en février 2025 révèle que les statistiques présentées sous Macky étaient faussées. Ce qui explique la dégradation de la note du Sénégal par les Anf sous le régime Diomaye qui a hérité de cette situation financière désastreuse.
Les pays africains sont mal notés par les Anf, abonnés à la tranche des B. Les notes du Sénégal se situent en moyenne entre 8 et 9 sur 20.
L’exception est constituée par le Botswana qui flirte avec la note A2, grâce à ses exportations d’or et de diamant.
Le Nigeria et le Kenya ont rejeté les notes qui leur ont été attribuées par Moody’s, estimant que ces agences n’ont pas une claire compréhension de leur situation économique qui n’est pas aussi alarmante.
La Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (Addis Abeba) reproche aux Anf de décourager les investissements étrangers en Afrique et recommande de mettre en place une Anf africaine.
La Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced, Genève) est aussi très critique à l’égard des Anf suspectées de discrimination à l’encontre des pays en développement.
Les institutions de Bretton-Woods ne figurent pas parmi les critiques des Anf. La Banque mondiale crée en 2002 le mécanisme ‘’Doing Business’’ avec l’objectif de comprendre et améliorer l’environnement réglementaire des affaires. Il s’agit d’attribuer des notes aux Etats et d’établir un classement annuel sur lequel se baseront des investisseurs. Comme le font les Anf. En 2021 la Banque mondiale met fin au projet ‘’Doing Business’’ qui faisait doublon et concurrence avec les Anf. La Banque mondiale est cliente de Moody’s pour ses levées de fonds. Le FMI suggère seulement aux Anf d’améliorer leurs procédures.
Moody’s comporte plusieurs divisions dont une collabore avec le Bureau d’Etudes Mc Kinsey qui a confectionné d’inutiles et coûteux Plans Emergents à 37 pays africains. Le Plan Sénégal Emergent avait permis à Mc Kinsey d’encaisser du Sénégal 2,5 milliards F cfa. Pour quels résultats ?
Et maintenant
Les Anf avec leurs notes ne doivent ni faire peur, ni alimenter la politique politicienne. Elles ne sont pas aussi importantes et décisives. Les investisseurs directs étrangers et les bailleurs de fonds ont d’autres références que ces notes. On peut présumer que le Sénégal de l’après 24 mars 2024 est devenu plus attractif.
La dette est inséparable de la vie des gouvernements et des entreprises. Les dettes souveraines des pays les plus développés sont de l’ampleur de leur produit intérieur brut, mais ils sont considérés solvables. Les plus grandes entreprises du monde affichent au Passif du Bilan des postes ‘’Dettes à long, moyen et court terme’’ qui financent des investissements dont la rentabilité figure au Compte d’Exploitation.
Les pays africains aussi sont solvables. Walter Wriston, un influent directeur de Citibank l’avait laissé entendre : Countries don’t go out of business (‘’Les pays ne tombent pas en faillite’’). Parce que les infrastructures, la productivité de la population, les ressources naturelles ne quittent pas le pays. Ainsi l’Actif excède le Passif. Les bailleurs de fonds ne perdent pas de vue les ressources naturelles des pays pour s’y engager.
La dette ne devrait financer que des opérations rentables, en rapport direct avec le développement. Ce qui doit aller de pair avec la rationalisation des dépenses publiques, la chasse aux ‘’faux frais’’ et la mobilisation autant que possible des ressources internes.
Dans leurs rapports avec l’extérieur, la sagesse africaine doit être en sentinelle de vigilance :
Lorsqu’on est tiré à la traîne pour marcher on ne choisit pas son chemin et sa destination.
Ou encore :
Lorsque quelqu’un te prête des yeux, tu ne peux regarder que dans la direction qu’il t’indique.
par Aminata Touré
MACKY SALL COOPTÉ PAR MO IBRAHIM, UN POISSON D'AVRIL ?
Soit la Fondation ignore la réalité de la gouvernance sous Macky, révélant une grave défaillance dans ses vérifications préalables ; soit il s'agit d'un arrangement entre élites qui compromet sérieusement la crédibilité de l'indice Ibrahim
Lorsque j’ai appris que Macky Sall siégerait au Conseil d’Administration de la Fondation Ibrahim qui a bâti sa renommée sur la promotion de la bonne gouvernance sur le continent, j’ai d’abord cru à un poisson d’Avril.
Pour rappel, la fondation Ibrahim créée par le milliardaire anglo-soudanais Mohamed Ibrahim (qui a fait fortune dans les télécommunications) a lancé avec succès l’indice Ibrahim de la Gouvernance en Afrique. Communément appelé IAG, il s’agit d’un outil théorique de mesure de la performance des 54 pays africains en matière de Gouvernance.
Alors que nous sommes en plein scandale de la dette cachée de 4000 milliards sans compter les nombreux scandales à milliards dont celui des fonds Covid que je ne me lasserai jamais de rappeler, le principal responsable de ces pratiques de mal-gouvernance maximales dans son propre pays, Macky Sall himself va attribuer bonus et des malus en matière de bonne gouvernance.
Nous sommes ici face à deux hypothèses :
1/ ou la Fondation Ibrahim ne connait absolument rien de la situation de la gouvernance sous Macky Sall, ce qui serait une faute grave dans son processus de “due diligence” et de vérification préalable.
2/ ou alors, tristement, il s’agit du fameux service-camarade entre riches qui porte sérieusement atteinte à la crédibilité de l’indice de bonne gouvernance Ibrahim.
En état de cause, shoking ! comme on dit au pays d’adoption de Sir Mo Ibrahim.
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LA MAJORITÉ PARLEMENTAIRE SUR LE GRILL
Des pratiques "dignes d'un surveillant de camp" plutôt que de la deuxième personnalité de l'État. Dans une conférence de presse au vitriol, Thierno Alassane Sall a détaillé les entorses au règlement ayant conduit l'opposition à boycotter la venue de Sonko
(SenePlus) - Ce mercredi 9 avril, l'opposition parlementaire a annoncé sa décision de boycotter la séance prévue initialement demain à l'Assemblée nationale. Lors d'une conférence de presse, le député Thierno Alassane Sall a exposé les raisons de cette décision inédite dans l'histoire parlementaire sénégalaise.
"Par respect pour nos électeurs et pour l'opinion nationale, nous avons décidé de cette séance d'information afin que nul n'ignore le sens et le bien-fondé de notre démarche", a déclaré le leader de la République des Valeurs, entouré de ses collègues députés de l'opposition.
Selon lui, deux raisons principales motivent ce boycott. La première concerne "des violations répétées et délibérées du règlement intérieur" par la majorité sous l'impulsion du président de l'Assemblée nationale, qui agirait "comme le président du groupe parlementaire Pastef". L'opposition dénonce notamment le non-respect de la loi sur la parité dans la composition du bureau de l'Assemblée nationale.
Le député accuse également le président de l'institution de refuser "quasi systématiquement" la parole aux députés d'opposition lorsqu'ils font appel au règlement intérieur. "Le président de l'Assemblée nationale manque de la plus élémentaire courtoisie et se prend pour un surveillant de camp plutôt que pour la deuxième personnalité de l'État", a-t-il affirmé.
La seconde raison du boycott concerne l'attitude du Premier ministre lors des séances de questions d'actualité. D'après Thierno Alassane Sall, ces séances, au lieu d'être "de grands moments d'échange d'idées", se transforment en "séances d'invectives, de jurons et de menaces" contre les députés d'opposition.
L'opposition dénonce par ailleurs un déséquilibre dans le temps de parole, avec 8 minutes accordées au Premier ministre contre seulement 4 minutes pour les députés, et la suppression du "deuxième tour" qui permettait traditionnellement aux parlementaires de répliquer. "Cela constitue non seulement un recul par rapport à la tradition de l'Assemblée nationale mais une atteinte délibérée à l'équilibre des pouvoirs", a souligné le député.
Thierno Alassane Sall a conclu en affirmant que les députés de l'opposition restent "absolument disponibles à poursuivre l'exercice" à condition que "le Premier ministre respecte les règles du jeu et prenne en considération l'ensemble des députés, y compris de son propre camp, en tant qu'élus représentants du peuple sénégalais".
Cette crise parlementaire intervient dans un climat de tensions politiques croissantes au Sénégal, alors que la majorité Pastef, dirigée par le Premier ministre Ousmane Sonko, fait face à une opposition qui, bien que minoritaire, entend faire entendre sa voix.
SONKO-OUATTARA, LE FACE-À-FACE DES VISIONS RIVALES
La visite d'Ousmane Sonko en Côte d'Ivoire s'inscrit dans une période délicate où les critiques envers l'ancien président Macky Sall, proche d'Alassane Ouattara, ont refroidi les relations entre les deux pays
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, s’apprête à effectuer une visite officielle en Côte d’Ivoire, prévue dans la première quinzaine d’avril 2025. Ce déplacement, le troisième à l’étranger depuis sa nomination, mais le premier en territoire ivoirien, revêt un caractère éminemment politique. Il s’inscrit dans un contexte de recomposition des rapports de force en Afrique de l’Ouest, marqué par la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), les tensions persistantes entre la Côte d’Ivoire et ses voisins sahéliens, et la méfiance croissante d’Abidjan vis-à-vis des nouvelles orientations diplomatiques de Dakar.
Ousmane Sonko, qui n’a jusqu’à présent jamais voyagé en dehors du continent africain depuis sa prise de fonctions, semble vouloir poser les jalons d’une nouvelle ère diplomatique, tout en tentant de rééquilibrer une relation ivoiro-sénégalaise fragilisée par les bouleversements internes des deux pays et les dynamiques géopolitiques régionales.
Des relations à réparer
La visite du chef du gouvernement sénégalais survient dans un contexte marqué par des tensions larvées entre Dakar et Abidjan. L’arrivée au pouvoir du tandem Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko a bouleversé les équilibres diplomatiques hérités de l’ère Macky Sall. En effet, selon Afrique Intelligences, les attaques de la nouvelle administration à l'endroit de Macky Sall et de son entourage ont particulièrement irrité Abidjan. Depuis son départ de la présidence, le patron de l'Alliance pour la République (APR) est resté très proche d'Alassane Ouattara, avec qui il est en contact régulier. Il avait discrètement séjourné à Abidjan au mois d'août 2024 et a encore été reçu à déjeuner par Alassane Ouattara dans sa résidence de Mougins, dans le sud de la France, le 28 mars, cette année .
D’après des sources diplomatiques, la Côte d’Ivoire aurait peu goûté aux attaques répétées contre l’ancien président sénégalais et ses proches. À Abidjan, certains considèrent que Dakar cherche à solder des comptes internes sur la scène régionale, ce qui pourrait nuire à l’esprit de coopération. Une autre source de crispation tient à l’absence de soutien ivoirien à la candidature d’Amadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). Ouattara aurait préféré soutenir le Mauritanien Sidi Ould Tah, une décision interprétée à Dakar comme un signal politique, voire une manœuvre influencée par Macky Sall en coulisses, renseigne la même source.
Le malaise AES-Abidjan en toile de fond
La réorientation diplomatique sénégalaise, marquée par un rapprochement affirmé avec les régimes militaires de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger), est un autre point de friction. Bien que Dakar maintienne officiellement une ligne de neutralité bienveillante, sa volonté de dialoguer avec les juntes et de relancer la coopération sécuritaire et commerciale avec l’AES inquiète Abidjan. En effet, la Côte d’Ivoire entretient des relations notoirement difficiles avec le Mali et le Burkina Faso.
Le souvenir de l’affaire des 49 soldats ivoiriens détenus à Bamako en 2022-2023 reste vivace. Ces militaires avaient été accusés de « tentative de déstabilisation » du gouvernement malien et condamnés à 20 ans de prison avant d’être graciés par le colonel Assimi Goïta. Cette crise, qui aura duré près de six mois, a laissé des traces profondes, d’autant qu’elle avait mobilisé plusieurs chefs d’État ouest-africains, sans pour autant apaiser les tensions entre Bamako et Abidjan.
Autre épicentre de crispation: la frontière ivoiro-burkinabè, aujourd’hui considérée comme l’une des plus inflammables de la sous-région. En l’espace de deux ans, plusieurs incidents ont renforcé la méfiance entre les deux capitales. Le dernier en date, en février 2025, concerne l’arrestation de trois agents ivoiriens des eaux et forêts par les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils burkinabè, sur un site d’orpaillage contesté à Kalamon. L’affaire a ravivé le spectre de l’incident de 2023, au cours duquel deux gendarmes ivoiriens avaient été détenus plusieurs mois à Ouagadougou.
Une visite stratégique à plusieurs niveaux
C’est dans ce contexte régional sous tension que s’inscrit la visite d’Ousmane Sonko. Pour les autorités sénégalaises, il s’agit à la fois de rassurer Abidjan sur les intentions réelles du Sénégal dans le Sahel, et de préserver les acquis historiques de la coopération ivoiro-sénégalaise. Sur les dossiers économiques, les deux pays entretiennent des relations denses, avec de nombreux échanges commerciaux, des investissements croisés et des communautés importantes de ressortissants installés de part et d’autre.
Mais cette visite sera aussi l’occasion pour Sonko d’envoyer un message politique clair : celui d’un Sénégal souverain dans ses choix diplomatiques, soucieux de son positionnement régional, mais décidé à sortir des tutelles implicites. Le Premier ministre, qui a fait de la refondation des relations internationales une priorité, souhaite replacer le Sénégal comme acteur pivot entre les blocs de l’Afrique de l’Ouest, à équidistance des alliances traditionnelles comme la CEDEAO et des forces émergentes comme l’AES.
Pour rappel, au lendemain de l'élection de Bassirou Diomaye Faye, le chef de l'État ivoirien avait été l'un des premiers présidents africains à s'entretenir avec lui par téléphone. Un échange qui avait été facilité par Macky Sall en personne. Dans la foulée, Bassirou Diomaye Faye avait effectué une visite officielle dans la capitale économique ivoirienne au mois de mai.
Franc CFA : une fracture monétaire entre prudence ivoirienne et rupture sénégalaise
Au-delà des sensibilités politiques et des repositionnements géostratégiques, la question monétaire cristallise l’une des plus profondes divergences entre Dakar et Abidjan. Depuis leur accession au pouvoir, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont clairement affiché leur volonté de rompre avec le franc CFA, qu’ils considèrent comme un symbole persistant de domination postcoloniale et un frein à la souveraineté économique.
Le projet, encore à l’état d’intention, oscille entre deux options : rejoindre une monnaie unique régionale comme l’ECO, en gestation depuis plusieurs années, ou créer une monnaie nationale souveraine, arrimée à un panier de devises plus représentatif des échanges commerciaux réels du Sénégal. Lors de leur campagne électorale, les deux dirigeants ont répété que la souveraineté monétaire faisait partie intégrante de leur programme de rupture, au même titre que la réforme des institutions ou la refondation de la justice sociale.
Cette position tranche nettement avec la prudence – pour ne pas dire l’orthodoxie – adoptée depuis plusieurs années par la Côte d’Ivoire, pilier économique et politique de l’UEMOA. Le président Alassane Ouattara, fervent défenseur du franc CFA, n’a cessé de rappeler l’attachement de son pays à cette monnaie, qu’il considère comme un facteur de stabilité et de performance macroéconomique. Dans une déclaration restée célèbre, prononcée le 15 février 2019 à l’issue d’un entretien avec le président français à Paris, Ouattara – alors président en exercice de la Conférence des Chefs d’État de l’UEMOA – avait vertement tancé les détracteurs du franc CFA : « J’ai entendu beaucoup de déclarations sur le franc CFA (…) Je ne comprends pas ce faux débat (…) Le franc CFA est notre monnaie, c’est la monnaie de pays qui l’ont librement choisie (…) Cette monnaie est solide, elle est appréciée, elle est bien gérée (…) Les huit économies qui la composent sont parmi les meilleures en performance économique (…) Nous sommes très heureux d’avoir cette monnaie qui est stabilisante pour nos économies. »
Cette sortie, au ton ferme, illustre l’approche conservatrice d’Abidjan en matière de politique monétaire. Pour Ouattara et une partie des élites économiques ivoiriennes, le maintien dans la zone franc garantit un cadre macroéconomique stable, qui attire les investissements étrangers, limite l’inflation et facilite l’accès aux marchés financiers internationaux.
Du côté sénégalais, à l’inverse, les critiques se fondent sur l’argument selon lequel le franc CFA, arrimé à l’euro, prive les économies ouest-africaines de leviers d’ajustement, empêche toute politique monétaire proactive et consacre une dépendance vis-à-vis des institutions françaises, notamment via la présence du Trésor public français dans le processus de garantie.
Cette divergence n’est pas nouvelle, mais elle prend désormais une dimension plus aigüe, car le Sénégal est gouverné par une équipe politique qui fait de la souveraineté monétaire un marqueur idéologique fort. La Côte d’Ivoire, en revanche, entend préserver un statu quo jugé favorable à sa croissance.
L'ombre de la rencontre Sonko-Thiam
Par ailleurs, un autre élément, plus discret mais politiquement significatif, pourrait expliquer la prudence d’Abidjan face à la nouvelle posture de Dakar. En octobre 2024, Ousmane Sonko avait reçu à huis clos Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principal opposant au président Alassane Ouattara. Cette rencontre, qui n’a jamais été officiellement médiatisée, a néanmoins été perçue comme un geste d’ouverture à l’égard d’un acteur stratégique dans le paysage politique ivoirien, à quelques mois d’une présidentielle décisive.
Tidjane Thiam, ancien patron du Crédit Suisse et personnalité respectée dans les milieux financiers internationaux, est aujourd’hui le candidat naturel du PDCI pour la présidentielle d’octobre 2025.
Le lien entre Thiam et le Sénégal n’est pas que circonstanciel. Son père, Amadou Thiam, était un journaliste sénégalais de renom, né à Dakar en 1923, diplômé de l’Institut international de journalisme de Strasbourg, qui s’est installé en Côte d’Ivoire en 1947. Il bénéficiait de la nationalité française à l’époque coloniale, avant d’adopter la nationalité ivoirienne. Il est aussi le frère cadet de Habib Thiam, ancien Premier ministre du Sénégal sous les présidences de Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf. Ce pan d’histoire familiale renforce un ancrage affectif et symbolique fortentre Tidjane Thiam et le Sénégal, et pourrait expliquer en partie les affinités politiques actuelles.
Ce rapprochement, même s’il ne relève d’aucune alliance formelle, n’a pas manqué de faire sourciller le palais présidentiel ivoirien. Dans un contexte où chaque geste diplomatique est scruté, la rencontre Sonko–Thiam, combinée à la montée en puissance du discours souverainiste à Dakar, alimente une forme de méfiance croissante chez certains proches d’Alassane Ouattara, soucieux de préserver l’équilibre politique interne à l’approche d’échéances électorales déterminantes.
Pourtant sa candidature est menacée, elle est récemment contestée en justice. Une militante de son parti remet en cause sa légitimité. Mercredi 2 avril, des députés et militants du PDCI ont manifesté devant le palais de justice d’Abidjan. Ils dénoncent une manœuvre politique visant à l’empêcher de se présenter.
Depuis quelques semaines, un débat sur la nationalité de Tidjane Thiam agite la scène politique de la Côte d'Ivoire. En février, il avait annoncé renoncer à sa nationalité française, qui lui avait été accordée en 1987. Une mesure qui a pris effet par décret le 20 mars dernier. Mais, pour ses détracteurs, Tidjane Thiam a entre-temps perdu sa nationalité ivoirienne.
La diplomatie de proximité comme priorité
Il est également notable que Sonko, depuis son arrivée à la primature, n’a effectué aucune visite hors du continent africain. Ses priorités sont régionales. Après une première tournée discrète dans les capitales voisines, puis un passage à Addis-Abeba pour les réunions de l’Union africaine, c’est vers Abidjan qu’il dirige maintenant son attention. Une diplomatie de proximité assumée, cohérente avec la vision panafricaniste qu’il défend depuis des années.
Pour beaucoup d’observateurs, la rencontre prévue avec Alassane Ouattara sera donc lourde de symboles. Elle permettra de tester la capacité des deux hommes à dépasser les différends récents, à retrouver une base de confiance et à poser les bases d’un partenariat rénové.
Dans une Afrique de l’Ouest à la croisée des chemins, où les lignes diplomatiques se déplacent vite, cette visite pourrait être l’un des marqueurs les plus significatifs de la nouvelle ère sénégalaise. À condition que les non-dits soient mis sur la table, et que les susceptibilités politiques cèdent la place à une logique de coopération pragmatique.
POURQUOI 600 POLICIERS ONT ÉTÉ REMERCIÉS
Ces agents, embauchés en 2021 "hors des procédures habituelles", avaient provoqué des grincements de dents dans l'armée en raison de leurs salaires avantageux
C'est une mesure qui en a surpris plus d'un. Comment, dans un pays qui fait face à tant de défis sur le plan sécuritaire, on peut se permettre de libérer autant de policiers d'un coup ? ‘’EnQuête’’ a essayé de comprendre. Selon des sources bien informées, il n'y a rien d'anormal. Il se trouve juste que ces éléments rattachés au Groupement mobile d'intervention (GMI) avaient des contrats de quatre ans.
Recrutés en 2021, dans un contexte marqué par une profonde crise, la tutelle a tout simplement décidé de libérer ces 600 éléments, avec l'arrivée à terme de leurs contrats. La décision a été rendue publique hier. Dans un document parcouru par ‘’EnQuête’’, le ministre de l'Intérieur décide : “Pour compter de la date de signature de la présente décision, il est mis fin au contrat de la première cohorte des policiers adjoints volontaires de la 7e génération (PAV7) dont les noms figurent sur la liste en annexe.”
Aussitôt pris, aussitôt exécuté. Dans une note, le commandant du GMI par intérim, Jean Méan, a notifié cette décision de libération de la première cohorte. “La première cohorte des policiers adjoints volontaires de la 7e génération a été libérée pour fin de contrat, conformément à la décision du ministre de I'Intérieur et de la sécurité publique, jointe en annexe, dont les noms des concernés y sont cités. À cet effet, vous demanderai-je de prendre toutes les diligences nécessaires pour notifier pour procéder à la notification, selon la procédure en vigueur”, enjoint le commandant du Groupement mobile d'intervention.
Par ailleurs, souligne le chef du GMI à l'intention des chefs de service, il faudra veiller à ce que tous les actes ou procès-verbaux de notification soient préparés et transmis au secrétariat de l'État-major de la direction dans les plus brefs délais.
Nous sources ont tenu à préciser qu'en fait, cette mesure était attendue, vu les conditions dans lesquels ces hommes ont été recrutés, ce qui n'avait pas fait l'unanimité. “En fait, c’est depuis 2021 que Macky Sall avait instauré cela. Ils sont en fin de contrat et l'État ne veut pas les renouveler. C’est compréhensible à mon avis, d'autant plus que la mesure de les intégrer dans les FDS avait créé des grincements de dents du côté de l’armée, du fait que leurs salaires dépassaient la solde des soldats. Ils étaient payés hors des procédures habituelles”, souligne notre interlocuteur.
Le policier adjoint volontaire, selon le texte fondateur de ce corps, est une jeune personne de nationalité sénégalaise, âgée de 21 ans au moins et de 40 ans au plus, au 1er janvier de l'année de recrutement. Le recrutement, qui se fait sur la base d'un contrat de quatre ans, est ouvert à tous les candidats civils et militaires.