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4 mai 2025
Développement
HARVARD DIT NON À TRUMP
L'institution refuse, dans deux lettres consultées par SenePlus, de se plier aux exigences jugées inconstitutionnelles concernant sa gestion de l'antisémitisme sur le campus, au risque de perdre des milliards de dollars de financements fédéraux
(SenePlus) - Dans un bras de fer d'une ampleur sans précédent, l'université Harvard a formellement rejeté à travers deux correspondaces adressées à l'administration et consultées par SenePlus, les exigences du gouvernement fédéral américain concernant la lutte contre l'antisémitisme sur son campus, dénonçant une tentative d'ingérence dans son autonomie académique.
Le président de Harvard, Alan M. Garber, a informé la communauté universitaire lundi que l'institution refusait de se plier aux demandes gouvernementales reçues vendredi dernier. "La prescription de l'administration va au-delà du pouvoir du gouvernement fédéral. Elle viole les droits garantis à Harvard par le Premier Amendement et dépasse les limites statutaires de l'autorité gouvernementale selon le Titre VI", écrit Garber dans sa lettre.
Les représentants juridiques de Harvard, William A. Burck et Robert K. Hur, ont officiellement notifié le gouvernement de ce refus, affirmant que "l'université ne cédera pas son indépendance ni ne renoncera à ses droits constitutionnels."
Les documents révèlent l'étendue des demandes gouvernementales, qualifiées d'"inédites" par Harvard. Parmi elles:
Une restructuration de la gouvernance visant à "réduire le pouvoir" des étudiants, professeurs non titulaires et administrateurs "plus engagés dans l'activisme que dans l'érudition"
Un audit complet des "points de vue" politiques et idéologiques au sein du corps étudiant, du corps professoral et du personnel administratif
La fermeture immédiate de tous les programmes de diversité, équité et inclusion (DEI)
Des réformes drastiques des procédures disciplinaires, notamment l'interdiction totale du port de masques lors des manifestations
L'interdiction et la sanction des organisations étudiantes ayant participé à des activités jugées antisémites depuis octobre 2023
Un contrôle gouvernemental des admissions d'étudiants étrangers pour éviter l'entrée de personnes "hostiles aux valeurs américaines"
L'enjeu est considérable : le gouvernement menace de couper des milliards de dollars de financement fédéral à Harvard si l'université ne se conforme pas. Ces fonds soutiennent des recherches cruciales dans des domaines comme la médecine, l'intelligence artificielle et les sciences quantiques.
"Pour le gouvernement, se retirer de ces partenariats maintenant risque non seulement la santé et le bien-être de millions d'individus, mais aussi la sécurité économique et la vitalité de notre nation", souligne Garber.
Cette confrontation s'inscrit dans le sillage des tensions qui agitent les campus américains depuis les événements du 7 octobre 2023 et l'escalade du conflit israélo-palestinien. Harvard, comme d'autres universités d'élite, a été secouée par d'importantes manifestations pro-palestiniennes.
Dans sa lettre, Garber affirme que Harvard s'engage à combattre l'antisémitisme et a déjà pris "de nombreuses mesures" en ce sens au cours des quinze derniers mois. L'université prévoit "d'en faire beaucoup plus", tout en refusant que "le gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, dicte ce que les universités privées peuvent enseigner."
"La liberté de pensée et de recherche, ainsi que l'engagement de longue date du gouvernement à la respecter et à la protéger, a permis aux universités de contribuer de manière vitale à une société libre", rappelle Garber.
par Thierno Bocoum
LE PIÈGE DE L'ARROGANCE AU POUVOIR
Évoquer la pression populaire sur la justice comme une forme de régulation démocratique relève d’un populisme primaire inquiétant. Ce qui est inacceptable, c’est de brandir les limites de la liberté d’expression pour faire taire les critiques
Le Premier ministre entretient une confusion constante entre des concepts pourtant fondamentaux : le peuple et les partisans, la justice et la clameur populaire, la responsabilité gouvernementale et le militantisme politique. Ce brouillage délibéré le pousse à substituer le débat par la dispute, à préférer l’affrontement à la pédagogie. Le pugilat devient son langage favori, alors que les membres du gouvernement devraient s’attacher à éclairer les citoyens.
Il s’agace, même face à ceux qui ne font que le ramener à ses devoirs. Même le silence semble l’importuner, tant il devient hypersensible à toute forme de contradiction.
Privé d’actes tangibles pour accompagner ses discours enflammés, il s’enferme dans la diversion. Il allume des contrefeux pour fuir les vraies responsabilités, au lieu d’assumer les attentes légitimes de la population.
Ce Premier ministre semble d’ores et déjà mal engagé dans ce qui prend des allures de mandat présidentiel par procuration. Il donne l’impression de n’avoir ni la mesure des défis à relever, ni l’humilité nécessaire pour s’ouvrir à des cercles de réflexion, proches ou éloignés.
Évoquer la pression populaire sur la justice comme une forme de régulation démocratique relève d’un populisme primaire inquiétant. Il conviendrait de lui demander par quel mécanisme cette pression pourrait s’exercer sans compromettre l’indépendance de la justice, dont la réactivité dépend avant tout des moyens et des réformes que l’État est censé impulser.
Se glorifier de baisses de prix liées aux fluctuations du marché mondial, sans jamais en assumer les hausses quand elles surviendront, relève d’un opportunisme simpliste. Il serait plus responsable d’expliquer les choix économiques à travers une lecture structurelle — en évoquant les subventions, les mécanismes d’ajustement, ou des mesures durables — plutôt que de se contenter d’un discours conjoncturel et simplifié.
Ce qui est inacceptable, c’est de brandir les limites de la liberté d’expression pour faire taire les critiques, tout en orchestrant — par le biais de sa majorité parlementaire — l’amnistie d’auteurs de violences, d’incendies d’édifices publics, d’agressions verbales et d’actes de vandalisme. Cette posture incarne un double discours flagrant, entre le "Coumba am ndéyisme" et le "Coumba amoul ndéyisme".
Réduire toute forme d’opposition à de la haine personnelle est non seulement simpliste, mais hypocrite, surtout de la part de quelqu’un qui n’a jamais eu de scrupules à adresser des critiques virulentes à ses prédécesseurs sans jamais être taxé de haineux.
La multiplication de slogans, d’éléments de langage et de diversions ne suffira pas à masquer les carences manifestes en matière de gouvernance et de maîtrise des enjeux nationaux.
Thierno Bocoum est ancien parlementaire, président AGIR.
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FINANCER L'AFRIQUE AUTREMENT
L'économiste Abdou Cissé dessine les contours d'un système monétaire africain souverain, capable de financer le développement du continent sans les contraintes héritées de l'époque coloniale
Dans une interview accordée à l'émission "Décrypter l'Afrique" de la chaîne Le Média TV, l'actuaire et économiste Abdou Cissé dévoile les défis et les perspectives d'avenir du franc CFA, cette monnaie qui semble désormais "condamnée" à moyen terme.
Le débat autour de la souveraineté monétaire s'intensifie dans plusieurs pays africains. Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a récemment affirmé que son pays "ne renoncera jamais à la quête de la souveraineté intégrale et à la recherche des voies et moyens pour disposer de sa propre monnaie", qu'il s'agisse d'une monnaie commune régionale ou d'une devise nationale.
En Côte d'Ivoire, Tidjane Thiam, président du PDCI et potentiel candidat à la présidentielle, partage cette vision : "La monnaie est un attribut essentiel de la souveraineté. Une nation qui n'a pas le contrôle de sa monnaie n'est pas vraiment souveraine."
Selon Abdou Cissé, la critique du franc CFA s'inscrit dans un contexte plus large d'inégalité entre les pratiques monétaires occidentales et africaines. "Comment les banques centrales occidentales peuvent-elles créer des centaines de milliards pour sauver leurs banques en période de crise, alors que nous, Africains, sommes contraints à des politiques monétaires restrictives qui freinent notre développement ?", s'interroge-t-il.
L'économiste cite plusieurs exemples frappants : la création de 250 milliards de francs suisses pour sauver le Crédit Suisse, l'injection massive de liquidités par la Réserve Fédérale américaine lors de la crise des banques régionales en 2023, ou encore la création par la France de la Société de Financement de l'Économie Française (SFEF) en 2008 pour emprunter 60 milliards d'euros hors dette publique.
L'analyse d'Abdou Cissé va plus loin en quantifiant les préjudices causés par les politiques économiques imposées aux pays africains. Les ajustements structurels des années 1980-1995, qui ont drastiquement réduit les dépenses publiques, auraient coûté au Sénégal environ 40 000 milliards de francs CFA en potentiel économique perdu.
Quant à la dévaluation du franc CFA de 1994, elle aurait représenté un coût supplémentaire de 38 000 milliards, portant le préjudice total à près de 78 000 milliards de francs CFA - bien plus que la dette actuelle du pays estimée à 18 000 milliards.
"On passe notre temps à compter notre passif, ce qu'on doit aux autres, mais il est grand temps qu'on compte ce que les autres nous doivent", affirme Cissé.
Malgré ce tableau sombre, des innovations prometteuses commencent à apparaître. La Côte d'Ivoire, par exemple, a lancé depuis 2017 des "CFA obligations", permettant d'emprunter en devises étrangères tout en libellant la dette en francs CFA. Ce mécanisme commence à faire du franc CFA une véritable devise internationale.
Abdou Cissé préconise également la création d'une holding financière dotée d'un capital d'un milliard de dollars pour financer les économies africaines, ainsi qu'une plus grande flexibilité monétaire pour les banques centrales régionales.
Pour l'économiste, l'avenir réside dans la création de marchés financiers interconnectés à l'échelle du continent et dans la cotation des matières premières africaines dans les monnaies locales.
"Comment expliquer que c'est nous qui produisons du coton, du cacao ou du cobalt, et que ces matières premières sont cotées à Londres ou aux États-Unis ?", s'indigne-t-il.
Cette "révolution de nature financière", fondée sur des innovations monétaires, constituerait selon lui l'étape décisive vers une véritable souveraineté économique africaine, au-delà de la simple question du franc CFA.
LA LOI INTERPRÉTATIVE N’EXISTE PAS, SELON DOUDOU NDOYE
Pour l'éminent juriste, la démarche d'interprétation législative récemment adoptée par l'Assemblée nationale sur initiative du député Amadou Ba constitue une invention sans fondement dans la tradition juridique
La loi interprétative de la loi d’amnistie n’existe pas dans le langage judiciaire, selon Me Doudou Ndoye. Ce dernier, qui ne voit pas sa raison d’être, affiche son espoir de voir aboutir le recours de l’opposition parlementaire introduit au niveau du Conseil constitutionnel pour attaquer cette loi.
La loi interprétative de la loi d’amnistie n’a pas sa raison d’être, selon Me Doudou Ndoye. Cela n’existe pas dans le langage judiciaire, a fait savoir l’avocat lorsqu’il s’est agi de donner son avis sur ce nouveau texte législatif, qui a été adopté au début du mois d’avril et portant l’initiative du député Amadou Bâ.
«Je souhaiterais qu’un professeur de Droit, un avocat, un magistrat français, ivoirien, congolais, béninois, sénégalais, me disent s’ils ont déjà vu une loi qui vient dire : «Je viens interpréter ma précédente loi.» Alors, nous sommes devant un nouveau déni juridique au Sénégal. Quelqu’un qui nous crée un système juridique nouveau, qui nous apporte ça et qui dit : «Je vais voter une loi interprétative.»», déclare Me Doudou Ndoye dans l’émission «Le Grand jury» qui passait hier sur la Rfm.
Me Ndoye affiche par ailleurs son espoir de voir aboutir le recours introduit par l’opposition parlementaire au niveau du Conseil constitutionnel.
«Je ne peux pas prétendre que le Conseil constitutionnel se dira incompétent. Celui qui le pense, il pense, il ne fait que penser. Le Conseil constitutionnel jugera et dira ce qu’il en sera», soutient l’avocat.
Me Doudou Ndoye a également manifesté son désaccord avec le Président Bassirou Diomaye Faye. Cela fait suite aux propos du chef de l’Etat qui estime que le Peuple a le droit de mettre la pression sur la Justice.
Me Ndoye juge «insensée» l’idée de remplacer le Conseil constitutionnel par une Cour constitutionnelle.
«Le mot «Cour constitutionnelle», l’appellation «Cour constitutionnelle» n’a aucun intérêt. Ce qu’il y a comme intérêt, c’est la mission, ce n’est pas le nom. Le nom n’a aucun intérêt. Ce que nous avons à faire, ce que les membres du Conseil constitutionnel ont à faire pour le bien du Sénégal, c’est ça qui est important», plaide Me Ndoye.
Ce dernier n’est pas pour que le président de la République continue de siéger au sein du Conseil supérieur de la Magistrature. «Si j’avais un choix à faire, je dirais que le chef de l’Etat ne serait pas membre du Conseil supérieur de la Magistrature.» Tel est l’avis tranché de Me Doudou Ndoye sur la question relative à l’organisation et la composition du Conseil supérieur de la Magistrature (Csm). Mais l’avocat tient tout de même à préciser que le chef de l’Etat aura son mot à dire par rapport aux décisions du Csm.
«Toute décision du Conseil supérieur de la magistrature lui sera soumise afin qu’il puisse contrôler et apporter son visa avant qu’elle ne soit appliquée», fait remarquer Me Ndoye. Ce dernier parle de cette nuance qui, selon lui, vise à préserver l’équilibre entre indépendance judiciaire et autorité institutionnelle, tout en posant les jalons d’une refonte plus ambitieuse de la fonction présidentielle. «Je veux à la tête du Sénégal un véritable chef d’Etat», a-t-il affirmé, insistant sur la nécessité de réformes structurelles fortes.
Me Ndoye a opposé un refus catégorique à la possibilité d’ouvrir le Conseil supérieur de la Magistrature à d’autres composantes de la société. «Non. Absolument pas !», répond-il, sec. Le Csm est une institution spécialisée qui doit rester entre les mains de ceux qui en connaissent les arcanes. «Le magistrat est le magistrat. Le magistrat est un corps ferme, un corps qu’on doit respecter», argue-t-il, avant de dire que le Csm est taillé exclusivement pour les magistrats.
«Le Conseil supérieur de la Magistrature, qui s’occupe de la carrière des magistrats, ne peut être constitué que par des magistrats, tout comme l’Assemblée nationale ne peut être composée que de députés», avance Me Ndoye.
Indépendance de la Justice
Le débat sur l’indépendance de la Justice et le rôle du président de la République dans la gouvernance judiciaire est relancé par l’avocat à un moment où les attentes citoyennes en matière de réforme institutionnelle sont de plus en plus pressantes.
Me Doudou Ndoye a par ailleurs une pensée pieuse à l’endroit de Me Koureychi Bâ et Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel, qui viennent de quitter ce monde. Il leur a rendu un vibrant hommage pour le service qu’ils ont rendu à la Justice sénégalaise.
PAS DE BOL POUR J-P SENGHOR
Le Directeur exécutif du Conseil national à la sécurité alimentaire vient d'être limogé sans successeur désigné, laissant l'institution sous tutelle directe de la Primature. Une situation critique alors que près de 500 000 Sénégalais risquent la famine
Le Directeur exécutif du Conseil national à la sécurité alimentaire (Cnsa) vient d’être limogé sans avoir été remplacé, et la tutelle placée sous les ordres directs de la Primature. Le personnel, qui n’a pas perçu son salaire de mars, ni les moyens de travail, est inquiet de la menace de licenciements massifs. D’où une grosse vague d’inquiétude et de découragement.
Une structure créée par décret a été dissoute par un arrêté ministériel. Son responsable, nommé par arrêté du Premier ministre, limogé par une «note de service» du ministre-Secrétaire général du gouvernement. C’est la mise en pratique, par l’Etat-Pastef, de la politique de notre ancienne «Tata Mimi», d’accélérer la cadence politique. Cela permet d’éviter les lourdeurs administratives et les rigueurs de la loi, on peut présumer.
Pour faire passer la pilule, le Premier ministre a commencé par dissoudre le Secrétariat exécutif du Conseil national à la sécurité alimentaire. De ce fait, le Directeur exécutif se retrouve sans fonction, et la note de service le limogeant ne pourrait pas être dénoncé et attaqué. Entretemps, le personnel du Conseil national à la sécurité alimentaire (Cnsa) se trouve à se tourner les pouces, en attendant la nomination d’un nouveau responsable, appelé à remplacer M. Jean-Pierre Senghor, le directeur sorti. En plus de ne pas être payé, ce personnel n’a plus les moyens de réaliser les enquêtes de terrain sur la situation de la sécurité alimentaire dans le pays. Or, ces enquêtes sont vitales pour prévenir des cas de malnutrition, ou même pire.
Cette situation se produit au moment où, selon les derniers résultats provisoires recueillis par le Cadre harmonisé sur la situation alimentaire au Sénégal, environ 484 069 personnes, soit 2, 6% de la population nationale, encourent un risque de famine. Ce risque sera aggravé en période de soudure dans les départements de Goudiry et Salémata, dans la région de Kédougou. Les mois de juin, juillet et août seront également cruciaux pour d’autres départements, en plus des deux cités. Le Secnsa a d’ailleurs demandé de préparer au plus vite une assistance alimentaire à la population concernée. Il a aussi alerté sur le risque que la situation de détresse qui frappe ces populations ne s’étende sur d’autres parties du pays.
On peut, dans ces conditions, se demander l’urgence qu’il y a à remplacer le Directeur exécutif Jean-Pierre Senghor, sans lui avoir au préalable trouvé un remplaçant. A croire que les autorités politiques n’auraient pas la même perspective des urgences nationales.
Jean-Pierre Senghor a pris fonction au Conseil national à la sécurité alimentaire en 2017, en provenance du Prodac dont il venait d’être débarqué. Malgré des résultats mitigés, l’ingénieur agro-économiste a pu faire du Commissariat à la sécurité alimentaire un instrument fiable dont les travaux font référence auprès de partenaires tels que le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss), le Programme alimentaire mondial (Pam) ou la Fao. Selon des employés du Cnsa, le Cilss s’est même inspiré de leurs logiciels et de leurs méthodes de travail dans ses collectes de données. Et des pays comme le Bénin et d’autres ont envoyé des délégations au Sénégal pour copier les méthodes de travail du Commissariat dont «le leadership dans la lutte contre l’insécurité alimentaire est loué dans toute la sous-région».
Les employés, qui s’expriment ainsi, souhaitent être fixés rapidement sur leur sort, et surtout sur les coupes sombres qui vont s’opérer en leur sein. En effet, M. Senghor, en partant, aurait confié à des proches qu’il lui avait été demandé, par sa tutelle, de mettre fin à des contrats spéciaux de certains employés, ainsi qu’à certains Contrats à durée déterminée (Cdd). Est-ce sa lenteur à s’exécuter qui serait la cause du blocage des salaires, ainsi que du financement des enquêtes ? La conséquence en est un gros sentiment d’inquiétude face à l’insécurité alimentaire.
LES GRANDS CHANTIERS DU DIALOGUE NATIONAL
De la transformation de la CENA en CENI à l'inscription automatique des électeurs, en passant par la révision du système de parrainage, des réformes d'envergure s'annoncent. Diomaye souhaite adapter le cadre institutionnel avant les prochaines échéances
Le ministère de l'Intérieur et de la Sécurité publique prépare activement la journée du dialogue national sur le système politique. Les services de Jean Baptiste Tine ont d'ailleurs envoyé à l'opposition les termes de référence de l'événement, non sans solliciter leur feedback par rapport à l'organisation de l'activité et aux propositions de réformes.
Le processus devant aboutir au dialogue national sur le système politique est enclenché. En effet, le ministère de l'Intérieur a déjà envoyé au coordonnateur du Front pour la Défense de la République (FDR) les termes de référence de la rencontre. Dans le document daté du 7 avril 2025, il est demandé à Khalifa Ababacar Sall et ses camarades de faire des observations sur le document ainsi que des propositions ou recommandations de réformes avant la fin de ce mois d'avril.
Il a été également noté qu'un Comité de pilotage dirigera les travaux, avec pour mission d'organiser et de coordonner les concertations ; de faciliter la médiation et le consensus entre les parties ; et de rédiger un rapport général des travaux. Le ministère de l'Intérieur précise également que le lieu et la période des rencontres seront communiqués ultérieurement.
Revenant aux termes de référence, le ministre Jean Baptiste Tine et ses services rappellent que la stabilité et la longévité de la démocratie sénégalaise reposent sur l'organisation régulière des élections, l'implication de l'ensemble des acteurs à travers un processus largement consensuel et la capacité de résilience du système politique.
Toutefois, soulignent-ils, aussi performant soit-il, le système politique au Sénégal doit être continuellement évalué et amélioré, en prenant en compte les dysfonctionnements observés, les mutations technologiques, l'évolution démographique et les bonnes pratiques démocratiques internationales. Il est aussi rappelé que depuis l'adoption du Code électoral consensuel de 1992, la concertation entre les parties prenantes est devenue une tradition pour la fixation du cadre institutionnel régissant l'organisation des élections au Sénégal.
Jean Baptiste Tine et Cie relèvent d'ailleurs que le Chef de l'État est conscient de la nécessité de préserver et de renforcer cette tradition démocratique. C'est pourquoi, précisent-ils, le Président Bassirou Diomaye Faye a appelé à un Dialogue national inclusif portant sur l'environnement institutionnel relatif aux questions politiques et électorales.
Toujours, selon le ministère de l'Intérieur, les échéances à venir, qui impliquent de rendre plus transparente et inclusive l'assise institutionnelle, sont: les élections territoriales en 2027, l'élection présidentielle en 2029 ; et les élections législatives en 2029. Il est donc essentiel, souligne-t-il, de mettre en place un cadre de concertation favorisant des échanges ouverts et constructifs sur les réformes institutionnelles.
Réformes majeures en vue
Au titre de ces réformes institutionnelles majeures, le président de la République, lors de l'adresse à la Nation du 3 avril 2024, a relancé le débat sur la nécessité de remplacer la Commission électorale nationale autonome (CENA) par une Commission électorale nationale indépendante (CENI). Mieux, note-t-on, ces concertations seront l'occasion de discuter de l'amélioration du cadre institutionnel du système politique au Sénégal ainsi que de la réforme et l'amélioration du système électoral sénégalais.
Les discussions porteront en effet sur : «le contenu à donner au statut de l'opposition et de son chef; le débat sur l'inscription automatique sur le fichier électoral dès l'établissement de la carte nationale d'identité biométrique CEDEAO et dès l'âge de la majorité ; la révision du système de parrainage ; l'examen du rôle des autorités en charge des élections et des médias; la place de la justice dans le processus électoral; la rationalisation du calendrier républicain; la rationalisation en profondeur des partis politiques; l'encadrement du financement des partis politiques; et la révision du Code électoral.
Il sera aussi question de l'étude sur les spécifications techniques du bulletin unique ; de l'opportunité de procéder à un audit du fichier électoral ; de la numérisation du processus électoral; et du vote des personnes en détention».
Auparavant, Jean Baptiste Tine et ses hommes avaient soutenu que l'architecture institutionnelle gouvernant le système politique et les élections au Sénégal doit régulièrement être repensée à l'aune des mutations politiques, des crises protéiformes et des dysfonctionnements constatés lors des échéances électorales.
Un système, quel qu'il soit, précisent-ils, doit nécessairement questionner en permanence ses fondations afin de s'adapter à la temporalité politique changeante. Et ce constat impose la tenue d'un Dialogue national sur le système, ont-ils fait savoir.
SONKO DÉFEND LE LIMOGEAGE DE POLICIERS POLITISÉS
"Recrutés sur des bases politiques" selon Ousmane Sonko, 312 policiers adjoints volontaires ont été "libérés" fin mars par le ministère de l'Intérieur. Le Premier ministre a défendu cette décision controversée lundi devant les députés
Les 312 policiers adjoints volontaires (PAV) ‘’libérés’’ le 28 mars dernier par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique avaient été recrutés sur ‘’des bases politiques’’, a dénoncé le Premier ministre, Ousmane Sonko, lundi, à Dakar.
‘’Les contrats de la première cohorte des PAV de la septième génération ayant expiré, 312 de ses éléments ont été libérés suivant [une] décision […] du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique du 28 mars 2025’’, a annoncé, la semaine dernière, la division de la communication de la Police nationale.
‘’Ces policiers ont été recrutés sur des bases politiques. Certains d’entre eux […] ne pouvaient même pas écrire leur nom’’, a soutenu Ousmane Sonko lorsqu’il a été interrogé sur ce sujet par le député non-inscrit Pape Djibril Fall.
Selon lui, la Police nationale a proposé à son ministère de tutelle de ‘’libérer’’ 312 policiers adjoints volontaires.
‘’Ce n’est pas l’autorité politique qui a pris cette décision, c’est leur propre hiérarchie qui a fait la proposition en soulignant que ces personnes ne remplissaient pas les critères requis pour intégrer la Police nationale’’, a argué Ousmane Sonko devant les députés réunis pour poser des questions d’actualité aux membres du gouvernement.
Il affirme que, ‘’malheureusement, l’opposition’’ aborde ce sujet ‘’à des fins politiques, sous prétexte qu’il s’agit’’ d’une question ‘’sensible’’.
‘’Pensez-vous que ces personnes […] peuvent sortir demain pour se battre contre les forces de défense et de sécurité ?’’ a dit Ousmane Sonko en s’adressant à Pape Djibril Fall.
Les députés ont interrogé le Premier ministre et d’autres membres du gouvernement sur plusieurs sujets d’actualité, la deuxième fois depuis la prise de fonctions de la 15e législature.
THIAAT, LE DERNIER SURVOLTÉ
Dernier gardien de la flamme de "Y en a marre", il prend les rênes d'une organisation en quête de renouveau. Tandis que ses compagnons ont divergé, le rappeur kaolackois compte raviver l'esprit contestataire qui a forgé la renommée du collectif sénégalais
Parmi les membres fondateurs de Y en a marre, Thiaat est peut-être le seul qui garde toujours la fibre originelle du début. Porté hier à la tête de cette emblématique organisation citoyenne, le passionné activiste aura pour mission manifestement de donner un nouveau souffle à ce mouvement qui a perdu de sa superbe dans le dédale des mutations politiques.
Y en a marre n'est plus un mouvement à présenter au Sénégal et en Afrique. Créé en 2011 pour protester contre la cherté de la vie et les dérives autoritaires du régime du président Abdoulaye Wade, Fadel Barro, Kilifeu, Thiaat, Aliou Sané, Malal Talla et compagnie ont été au cœur des combats citoyens de ces dernières. Leur engagement a même fait tache d'huile en Afrique en inspirant d'autres mouvements citoyens comme Balai Citoyen du Burkina ou encore Filimbi du Congo. Mais force est de constater que si leur influence est indéniable dans l'échiquier politico-social du pays, le mouvement a perdu sa vigueur, de sa tonicité et sa propension d'antan à mettre la pression sur l'Etat et à donner le tempo dans la société civile.
Y en a marre manque visiblement de passion. Sauf pour Thiaat. Le rappeur, membre fondateur du mouvement, est peut-être le seul qui laisse entrevoir dans sa démarche clarté, la clarté de ses prises de position et la vigueur de ses critiques, la «saveur originelle» de Y en a marre. Le natif de Kaolack demeure un Y en a marriste pur jus, contrairement à certains de ses camarades, à commencer par son «frère de sang», Kilifeu qui est devenu PCA et a décidé de soutenir le nouveau régime.
L'activiste marque en effet son ancrage dans la société et compte rester un contre-pouvoir. D'ailleurs, ces derniers jours, l'insubmersible activiste a fait des sorties au vitriol pour fustiger la loi interprétative qui a fait couler beaucoup d'encre. Une prise de position qui lui vaut même d'être voué aux gémonies par les militants du Pastef dans les réseaux sociaux. Des critiques qui laissent de marbre apparemment Thiaat qui a pris ses distances avec le tandem Diomaye-Sonko tout en gardant sa subversion légendaire.
Il faut signaler aussi qu'il avait sorti en décembre un clip «doulnaliste» qui fustigeait le manque de neutralité de certains médias qui, selon lui, ne sont plus dans l'équilibrisme journalistique mais plutôt dans une sorte de manichéisme qui remet en cause la fiabilité des informations.
Y en a marre a certes connu une évolution, l'emblématique coordonnateur Fadel Barro est devenu acteur politique. Le rappeur Kilifeu, qui avait été suspendu après ses déboires judiciaires, soutient la mouvance présidentielle. Les seuls leaders gardiens du temple qui restent sont Aliou Sane, Mala Talla et Thiaat. Et parmi ces trois, ce dernier est sans doute le dernier survolté, avec une passion invariable, malgré les soubresauts politiques et l'avènement d'autres dynamiques sociales et activistes-influenceurs.
Devenant le nouveau Coordonnateur de Y en marre, Thiat aura à cœur à déteindre sa vivacité sur cette organisation citoyenne, au creux de la vague et qui aura besoin d'un nouveau souffle pour se mouvoir dans l'espace public. Thiaat est peut-être le survivant désigné....
Par Hamidou ANNE
NOUS VOUS APPELONS À UN MINIMUM DE DÉCENCE…
Pour tenter d’ensevelir, aux yeux de nos compatriotes, la fierté que représente Macky Sall, célébré à juste raison partout dans le monde, ils ont choisi l’ignominie de la calomnie… ne réussissant qu’à ajouter au déshonneur le mépris des Sénégalais
Un groupe de 56 personnes désignées «universitaires» ou «intellectuels», mais en réalité quelques esprits chagrins de Pastef, ont fustigé l’entrée du président Macky Sall au Conseil de la Fondation Mo Ibrahim. Ils ont poussé le ridicule et l’indécence jusqu’à publier un texte dans la presse, disséminant rage, haine et aigreur, face à la multiplication des honneurs faits au président Macky Sall, ancien président de la République de tous les Sénégalais, et donc honneurs destinés au Sénégal, leur pays..
Dans ce texte, l’impudeur rejoint la perfidie, tant le propos est vaseux, la démarche inélégante et le fond contraire à la retenue et à la décence. Mais il ne s’agit que de la continuation de la petite guerre fangeuse menée par ces hommes et femmes depuis des années contre le président Macky Sall, son autorité, son bilan et ses succès retentissants tant nationaux qu’internationaux. Ces militants du chaos, déguisés en intellectuels pétitionnaires, ne daignent guère quitter l’estrade après la fin du meeting. Ils poursuivent leur prestation de très mauvais goût, pour se couvrir ainsi de ridicule.
Ils oublient que le temps des joutes électorales est derrière nous ; place désormais, pour le pouvoir en place qu’ils soutiennent, à la perpétuation de l’œuvre de Macky Sall. Le prolongement du Brt, du Ter ; la réalisation de milliers de kilomètres de routes et de centaines de kilomètres d’autoroutes ; la construction d’hôpitaux de dernière génération et d’universités répondant aux standards internationaux ; la promotion à des niveaux sans précédent de l’équité territoriale et de l’inclusion sociale, entre autres chantiers prioritaires, qui attendent le régime actuel.
Comme frappés d’une grande déception, car leur guide égaré, Ousmane Sonko, n’est pas au Palais, les pétitionnaires revanchards causent et ragent toujours… Ils sont devenus l’incarnation d’une parole creuse et vidée de son sens car avachie et banale
Tout le monde aura remarqué que le groupe des 222 universitaires, auteurs des pétitions intempestives dont celle de mars 2024 dénonçant la loi portant amnistie et appelant à son abrogation pure et simple en cas d’alternance, a fondu comme neige au soleil. Il ne reste qu’une nuée de fantassins téméraires, préposés aux basses besognes, pendant que l’autre partie de la troupe se terre dans le confort de l’arrièregarde, préférant faire le choix de la guerre par procuration.
Le parti Pastef a encore trahi sa parole et renoncé sans convaincre à l’abrogation de la loi d’amnistie. A la place, sa majorité à l’Assemblée nationale a voté une loi inique dite d’interprétation dont la seule volonté est d’absoudre les casseurs pour pointer du doigt les Forces de défense et de sécurité, armure républicaine face au projet insurrectionnel de Ousmane Sonko. Face à cette manœuvre, qui relève d’une ruse avec les principes et les engagements d’hier, résonne le silence gêné des pétitionnaires…
Les pétitionnaires portent une immense responsabilité dans les événements de ces dernières années, par leur lâcheté, leur attitude excessivement partisane visant à dégrader l’image de l’intellectuel dont l’honneur réside dans la sacralisation de la vérité scientifique, de la mesure et de la hauteur, loin de l’esprit de cour et de la soumission à la loi de la rue et aux dogmes des réseaux sociaux.
Où étaient ces intellectuels quand l’université Cheikh Anta Diop a été profanée par des hordes sauvages ? Ont-ils écrit la moindre ligne quand ce temple du savoir a été incendié par des groupes qui répondaient du parti Pastef et exécutaient ses appels permanents à l’insurrection ? Ceux qui n’ont pas osé sortir de leur réserve lorsque le lieu de fabrication et de dissémination du savoir était attaqué, caillassé et brûlé ne peuvent décemment se draper du manteau de l’intellectuel ou de la toge de l’universitaire, tant ils ont cédé à la compromission.
Face aux arrestations et emprisonnements tous azimuts d’activistes, de militants politiques, de journalistes, de chefs d’entreprise, ces intellectuels ont pris la tangente, préférant s’emmurer dans le refuge du silence coupable.
En ce moment, de nombreux Sénégalais sont victimes d’une interdiction illégale de sortie du territoire, qui n’est basée sur aucun acte légal ou réglementaire. Mansour Faye, maire de Saint-Louis, ancien ministre, fait à nouveau l’objet d’une interdiction de voyage par une administration foulant aux pieds une décision de Justice rendue en sa faveur par la plus suprême de notre institution judiciaire, sans que la plume des pétitionnaires ne soit trempée dans l’encre de l’indignation, de la défense de la liberté, pilier essentiel de la République. En effet, le jeudi 10 avril, alors qu’il était muni d’une décision du juge de la Cour suprême, la police lui a interdit à nouveau de voyager au mépris de l’Etat de Droit. Là encore, les promoteurs de ce même Etat de Droit, dans un texte du 23 février 2021, intitulé «La crise de l’Etat de Droit au Sénégal», sont subitement devenus aphones.
Le 4 avril, un propos d’une dangerosité extrême a été tenu, demandant que l’on exerce une pression populaire sur les magistrats. Motus et bouche cousue de nos pétitionnaires, en totale rupture avec leurs principes maintes fois proclamés en matière de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la Justice.
Ces pétitionnaires, durant les douze années du régime du Président Macky Sall, ont constamment milité pour la sortie du président de la République du Conseil supérieur de la Magistrature. Aujourd’hui que le régime qu’ils soutiennent revient sur cette promesse, les mêmes universitaires font semblant de ne rien entendre et de ne rien voir, trahissant leurs engagements d’hier au nom d’une invitation à la soupe du pouvoir.
Ces pétitionnaires déguisés en intellectuels sont en vérité des experts des vérités alternatives et de la duplicité. Sinon, Abdoul Aziz Diouf, Benoît Tine, Pape Samba Ndiaye, entre autres, auraient assumé leurs titres de militants du Pastef et de membres de la majorité actuelle, car nommés à divers postes de responsabilité étatique depuis le 2 avril 2024.
Mais que demander à des universitaires jadis encagoulés, désormais obligés de montrer leur mauvaise foi au grand jour et de persister pour plaire à leurs maîtres, dans la calomnie et la médisance ?
Les attaques indignes contre le Président Macky Sall, digne fils du Sénégal et parmi les leaders d’une Afrique moderne et conquérante, sont vaines et le resteront. Le symbole donne à penser, disait le philosophe Paul Ricœur. En effet, quand cette tribune d’une grossièreté inqualifiable était publiée, le président Macky Sall, au Sommet de la Fédération pour la paix universelle, à l’invitation du Sunhak Peace Prize, délivrait à Séoul, dans la lointaine Corée du Sud, une leçon inaugurale sur les enjeux de la réforme de la gouvernance économique mondiale. Il y réitérait ses combats sur une nécessaire réforme des mécanismes de la dette, pour permettre aux pays du Sud de relever le défi de la mobilisation des ressources en vue du financement de leurs économies.
Le président Sall promouvait la paix quand des esprits chétifs s’en prenaient à son honorabilité. Ils se déshonorent et menacent ainsi de déshonorer notre pays.
L’acharnement sans précédent de la dame désormais estampillée du sceau de la girouette nationale, puis d’une cohorte de plumitifs, révèle une nouvelle fois l’incurie de ce régime et de ses suppôts qui, incapables de répondre aux préoccupations les plus élémentaires des Sénégalais, s’emmurent dans le déni, le reniement, l’apitoiement et la vulgarité.
Un minimum de décence est requis, tant le spectacle qu’ils donnent de notre pays est regrettable.
Pour tenter d’ensevelir, aux yeux de nos compatriotes, la fierté que représente le président Macky Sall, célébré à juste raison partout dans le monde, ils ont choisi l’ignominie de la calomnie… ne réussissant qu’à ajouter au déshonneur le mépris des Sénégalais.
Par Fatou Warkha SAMBE
LE VIOL, UN CRIME TOUJOURS BANALISE
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est cette étrange tendance de la société à accorder plus d’empathie aux bourreaux qu’aux victimes
Le viol est un crime. Un crime violent, dévastateur, qui ne laisse aucune victime indemne. Il détruit le corps, bouleverse l’esprit, érode l’estime de soi, fracture les liens familiaux et sociaux. Il peut engendrer des troubles post-traumatiques, des dépressions chroniques, de l’isolement, voire des pensées suicidaires. Et pourtant, malgré cette gravité, le viol est aujourd’hui traité comme un sujet de débat banalisé. Un fait dont chacun peut se saisir sans en comprendre ni la portée ni la douleur.
La sensibilité du sujet n’impose plus, hélas, une quelconque retenue ou maîtrise avant de s’exprimer. Dès qu’un cas de viol émerge, c’est une course à l’opinion. Comme des vautours, beaucoup se précipitent sur l’affaire, non pas pour comprendre ou compatir, mais pour juger, spéculer, et surtout jeter l’opprobre sur celle qui a osé parler. Le réflexe est trop souvent de protéger l’agresseur présumé et de culpabiliser la victime, comme si son malheur était suspect, comme si sa souffrance devait être justifiée.
La loi n°2020-05 du 10 janvier 2020, qui a renforcé la législation existante en criminalisant explicitement les actes de pédophilie et de viol, a été adoptée dans un contexte d’urgence sociale. Cette avancée législative, bien que salutaire, ne résulte ni d’un éveil soudain des institutions ni d’un simple élan humanitaire. Elle est le fruit de longues luttes menées par les organisations féminines et féministes, mais aussi -et surtout- d’une série de faits divers dramatiques, notamment des cas de viols suivis de meurtres, qui ont profondément choqué l’opinion publique. Le meurtre de Bineta Camara en 2019, tout comme d’autres affaires similaires à Thiès ou Kaolack, a mis à nu l’inaction chronique de l’Etat face à ces violences sexuelles, forçant ainsi l’Exécutif à réagir sous la pression populaire.
Nous étions tous d’accord : le viol et la pédophilie sont des réalités au Sénégal. Cette loi, bien que tardive, était devenue inévitable face à l’horreur répétée de faits divers qui mettaient en lumière notre incapacité à protéger les femmes. Mais si l’on ne prête pas attention au discours qui émerge aujourd’- hui, nous risquons de perdre ces acquis fragiles. Une partie de la population sénégalaise semble frappée d’amnésie collective : on oublie si vite la situation dramatique qui a précédé cette loi, les cris des familles brisées, l’indignation populaire et les mobilisations sans relâche des militantes. Aujourd’hui, ce que nous constatons, c’est une banalisation inquiétante du viol dans les discours publics. La manière dont les gens s’expriment sur ces sujets témoigne soit d’une ignorance totale, soit d’un mépris qui ne dit pas son nom. Cela révèle à quel point une clarification est nécessaire.
Le viol, selon la loi sénégalaise, est défini à l’article 320 du Code pénal comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur une personne par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise». Cependant, un flou persiste autour de cette notion, alimenté par des ambiguïtés juridiques, des résistances sociales et un traitement inadéquat des victimes.
Si l’on se base sur cette définition, il devient évident que la question de la virginité de la victime n’a aucune pertinence. Pourtant, dans les discussions publiques et même parfois dans les procédures, cette question revient comme un critère d’authenticité ou de gravité du viol, ce qui constitue une forme grave de stigmatisation. Cette logique perversement morale continue d’alimenter la stigmatisation des survivantes et empêche une prise en charge objective et juste des cas de violences sexuelles.
De plus, les gens semblent largement ignorer le rôle crucial du certificat médical dans la procédure. Ce document ne sert pas à juger de la moralité ou de l’historique sexuel de la victime, mais à établir des preuves médicales de violences subies : lésions, traumatismes, traces d’Adn, etc. Il est un outil juridique permettant d’appuyer la plainte et de protéger les droits de la victime.
La banalisation actuelle du viol dans l’espace public est aussi le fruit d’une histoire récente qui a profondément marqué le pays. En effet, le viol s’est invité au cœur du débat politique et médiatique national, exposé à travers une affaire très médiatisée impliquant une figure politique influente. Pendant des mois, cette affaire a polarisé l’opinion, éclipsant les enjeux de fond et réduisant les violences sexuelles à un terrain de querelles partisanes. Cette politisation du viol a contribué à brouiller les repères et à affaiblir la gravité perçue de ce crime. En lieu et place d’un débat sur la protection des femmes, nous avons assisté à une lutte d’influence où les paroles des victimes ont été minimisées. Cette séquence a laissé des séquelles durables : aujourd’hui, évoquer un cas de viol dans l’espace public suscite davantage de suspicion que de solidarité.
La culture patriarcale profondément ancrée dans la société sénégalaise joue un rôle-clé dans la persistance de ce flou. Les stéréotypes de genre, le manque de sensibilisation et le tabou entourant les violences sexuelles participent à la banalisation du viol. Souvent, la victime est perçue comme responsable, qu’elle ait provoqué l’agression par son comportement, sa tenue vestimentaire ou sa manière d’interagir. C’est une culture du silence qui protège l’agresseur et culpabilise la victime.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est cette étrange tendance de la société à accorder plus d’empathie aux bourreaux qu’aux victimes. On observe de plus en plus fréquemment des familles d’auteurs présumés de viol se présenter devant la presse, non pas pour exprimer leur compassion envers la victime, mais pour dénoncer des complots, accuser d’autres femmes ou chercher à discréditer la parole de celle qui accuse.
Il n’est pas rare de voir émerger des élans de solidarité en faveur de l’accusé : des campagnes de soutien, des collectes de fonds, des hashtags de réhabilitation. Cette inversion morale inquiète. Car, en réalité, il est extrêmement difficile d’inculper une personne de viol si elle n’a rien à se reprocher. Le système judiciaire, déjà lent et lourd, exige des preuves tangibles. Si la procédure aboutit, c’est que des éléments solides ont été retenus.
Par ailleurs, l’un des arguments les plus fréquemment brandis pour discréditer les victimes est celui des fausses accusations. Il faut pourtant rappeler que les fausses accusations de viol représentent une minorité infime des cas. Les études internationales sérieuses, notamment celles de l’Onu ou d’Amnesty International, estiment qu’elles représentent entre 2 et 8% des plaintes. En d’autres termes, plus de 90% des accusations sont fondés.
Les femmes victimes de viol, déjà souvent isolées par la violence qu’elles ont subie, doivent aussi faire face à la stigmatisation sociale. La peur du jugement, de la non-reconnaissance de leur souffrance et le manque de soutien font que de nombreuses victimes choisissent de ne pas porter plainte. Elles se retrouvent dans une situation de vulnérabilité encore plus grande, ce qui perpétue la culture de l’impunité et de la souffrance silencieuse.
Le flou persistant autour de la notion de viol au Sénégal appelle non seulement à une réforme juridique plus rigoureuse, mais surtout à un changement profond des mentalités. Il est urgent d’éduquer sur le consentement, de déconstruire les stéréotypes qui culpabilisent les victimes et de créer des espaces de parole et de protection.
La société tout entière doit se sentir concernée. Cela commence par écouter, croire, accompagner, mais surtout par refuser de banaliser.
Nous devons refuser collectivement ce glissement vers l’indifférence. Il est temps d’agir, chacun à son niveau, pour bâtir une société qui protège les corps, respecte les voix et rend justice aux silences trop longtemps ignorés. Le viol n’est pas une simple question de définition juridique : il est le reflet de résistances sociales, d’un manque de conscience collective et d’une justice souvent inadaptée aux réalités des victimes. Tant que ce flou persistera, les femmes continueront à être les premières victimes de la violence et du silence. Ce flou ne doit plus couvrir nos silences : il est temps de faire la lumière, ensemble.