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19 avril 2025
International
LES NOUVEAUX VISAGES DU FÉMINISME SE DÉVOILENT
Né dans le sillage du mouvement ‘’Yeewu Yeewi’’ pour la libération des femmes, fondé en 1984, et dont il s’inscrit dans la continuité quarante ans après, le Collectif des féministes du Sénégal (CFS) est porté par des femmes âgées entre 25 et 40 ans.
Né dans le sillage du mouvement ‘’Yeewu Yeewi’’ pour la libération des femmes, fondé en 1984, et dont il s’inscrit dans la continuité quarante ans après, le Collectif des féministes du Sénégal (CFS) est porté par des femmes âgées entre 25 et 40 ans. Celles qui incarnent aujourd’hui le féminisme ont raconté à l’APS leur parcours et leur engagement pour la cause féminine.
De la réalisatrice à la juriste consultante en passant par la bibliothécaire archiviste, l’écrivaine scénariste et la communicante, toutes s’affichent pour prendre la parole et faire entendre leur voix sur la lutte pour les droits des femmes. La toile, l’écran et les réseaux sociaux sont les outils les plus investis.
Adama Pouye : la lutte contre les agressions sexuelles dans les transports a débuté pour elle sur Facebook et d’autre réseaux sociaux. A vingt-sept ans, la diplômée de l’Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (Ebad) s’est fait remarquer par ses post virulents sur les réseaux sociaux pour dénoncer les agressions sexuelles dans les transports en commun.
Un engagement qui sonne comme un déclic dans le parcours féministe et évolutif de Adama Pouye, débuté en 2019. C’est l’année où elle créa le mouvement ‘’Boulma rissou’’ (Ne te frottes pas à moi en wolof). Un mouvement né de cette lutte sans merci qu’elle mène avec des féministes telles que Aminata Liben Mbengue, Maïmouna Astou Yade, Amy Sakho.
Documentaliste à l’Institut français de Saint-Louis, elle s’associe lors d’une campagne de sensibilisation avec des transporteurs des bus tata Aftu (mini bus de Dakar) et de Dakar Dem Dikk (DDD), l’entreprise de transport public.
Elle met ensuite sur pied l’Association féministe ‘’Awas’’ (‘’la voix’’ en farsi iranien), avec sa sœur jumelle Marième Pouye et d’autres féministes dans le but d’élargir le champ de lutte pour les droits des femmes.
Adama a été éduquée dans un cocon familial ‘’sécurisé’’ où il y a qu’un seul homme à la maison, son père, et où on fait comprendre à toutes les possibilités qu’une fille peut avoir dans la vie.
Mais le choc eut lieu lorsqu’elle sortit du cocon familial avec des messages d’un autre son de cloche. Par exemple, il y a l’école où on demande aux filles de balayer les classes et pas les garçons. Et pour ne rien arranger, ces derniers ‘’sont mis en avant dans les gouvernements scolaires et autre instantes dirigeants’’, dénonce Adama Pouye qui assume son féminisme une fois à l’université de Dakar, à l’Ebad.
Aujourd’hui, la co-coordinatrice du collectif des féministes du Sénégal, la plus jeune d’ailleurs du bureau de douze membres de cette organisation, a lancé en 2021 un forum exclusivement féminin à Saint-Louis. Le but : promouvoir les initiatives des femmes dans la littérature, l’entreprenariat, le numérique où elles doivent s’investir et la nécessité d’avoir un cadre d’échange pour les droits des femmes.
La réalisatrice sénégalaise Mamyto Nakamura, pour qui le cinéma est un outil de plaidoyer pour parler aux femmes, est engagée dans le mouvement féministe du Sénégal, depuis 2012. Elle se sert de sa caméra pour “réparer certaines injustices faites aux femmes et plaider en leur faveur”.
En témoignent les multiples podcasts réalisés sur les articles discriminatoires du Code de la famille à l’endroit des femmes et diffusés en zone rurale de façon gratuite pour ouvrir le débat et donner aux femmes le courage de se raconter et de s’exprimer sans être jugées.
Son dernier film documentaire ‘’Au nom du sang’’ (sorti en janvier), sélectionné au prochain Festival film femme Afrique, prévu du 26 avril au 4 mai, traite du viol dans l’espace familial. Autant dire qu’il en dit long pour celle qui, aujourd’hui, suit les pas de sa mère, Fatou Diop, ”bajenu gox” (marraine de quartier), très réputée à Louga, sa ville natale.
C’est d’ailleurs là que Mamyto Nakamura officie pour faire passer ses messages. Elle qui a pris le nom de ‘’Hiros Nakamura’’, personnage de fiction de télévision américaine qui a le pouvoir de fermer les yeux et de voyager dans le temps. ‘’J’aurais aimé voyager dans le temps pour réparer certaines injustices faites aux femmes et filles’’, lance Mamyto Nakamura, qui se définit comme ‘’une féministe communautaire’’.
‘’On est toute féministe, il s’agit de s’engager ou de ne pas le faire’’, souligne celle qui s’est engagée dans cette voie pour être au service de sa communauté et faire tout pour que les femmes occupent les devants.
L’épanouissement des femmes, leur sécurité, le travail, l’autonomie financièrement, l’indépendante à travers les idées et les envies restent le fil rouge de son combat.
Même chose pour Maïmouna Astou Yade dite ‘’Maya’’, à qui le surnom de féministe radicale irait bien. Elle est la fondatrice exécutive de ‘’JGen Sénégal’’ (JGEN women global entrepreneurship), une structure créée en 2016 et qui regroupe de jeunes féministes.
Elle se classe parmi les ‘’féministes hyper radicales’’, surtout face au patriarcat, dit-elle. Son engagement pour la cause des femmes est partie d’une privation de parole en public dont elle a été victime. Mais pour Maya, ‘’on est tous féministe dans l’âme’’, même s’il faut un déclic pour l’affirmer.
Depuis 2020, la consultante, juriste de formation, s’active dans la construction du mouvement féministe au Sénégal et dans l’Afrique francophone. Elle se bat, dit-elle surtout, ‘’ pour éliminer toutes sortes de violences basées sur le genre au Sénégal’’.
La mission des femmes réunies autour de JGen Sénégal est de ‘’décoder les codes sociaux’’, et dans une approche innovante avec le collectif des féministes du Sénégal, d’aller à la rencontre des communautés pour déconstruire le mythe construit autour du féminisme.
Son modèle reste aujourd’hui la sociologue Fatou Sow, ‘‘une figure emblématique du féminisme’’ dont elle admire la posture, mais surtout la préservation de sa culture et des valeurs sénégalaises. ”A chaque fin de rencontre entre féministes, elle se précipite pour rentrer et quand on l’interpelle pour savoir pourquoi, elle répond : +Je vais aller m’occuper de ma famille+. En bonne sénégalaise et malgré son engagement, elle garde sa culture et c’est ce qui est admirable”, magnifie Maya.
Elle se donne comme ambition d’accompagner les plus jeunes pour qu’elles puissent grandir avec l’opportunité d’en apprendre plus sur le féminisme africain.
Car pour Maïmouna Astou Yade, même s’il y existe un féminisme universel, il en existe aussi qui spécifique à l’Afrique parce que les Africaines ont des priorités spécifiques.
Et ce n’est pas Amina Seck qui dira le contraire, elle qui se bat pour l’égalité femme-homme à travers l’écriture. La romancière et scénariste sénégalaise ne saurait dire comment elle est devenue féministe, mais est convaincu des raisons pour lesquelles elle est féministe. ‘’J’ai toujours défendu les droits humains depuis mon enfance. En grandissant, j’observais les femmes, les filles et plus particulièrement ma mère. J’ai donc compris qu’il y avait une inégalité qu’il fallait combattre’’, confie-t-elle à l’APS.
La fondatrice de “Les Cultur’elles” (une agence pour la promotion des arts et cultures au féminin) et organisatrice du Salon du livre féminin de Dakar fait un travail de ‘’déconstruction’’ à travers son art. ‘’Je mets en lumière toutes les femmes qui évoluent dans le milieu des arts et de la culture. Mes projets personnels (livres et scénarios) racontent les femmes aux femmes et hommes. Je forme et encadre beaucoup de personnes dans le domaine de la création (l’écriture)’’, déclare-t-elle.
Celle qui est devenue une militante pour les droits des femmes grâce à son parcours, son vécu et aux circonstances, fonde son engagement sur la paix et le respect de tous, plus particulièrement des femmes.
‘’Je n’ai pas de limite. J’évolue dans le milieu des arts, nous avons donc deux statuts dans la société, celui d’être une femme et aussi d’être artiste qui n’a que son art pour s’exprimer et vivre dans la dignité. Et nous savons tous qu’il existe toutes les formes de violence dans le milieu artistique’’, dénonce-t-elle. Amina Seck estime que le féminisme a du chemin à faire, que ce soit au Sénégal ou dans d’autres pays africains.
‘’En ce qui concerne le Sénégal, tant que le code de la famille n’est pas revu, beaucoup de combats seront vains. Ce qui serait vraiment dommage pour tout le chemin parcouru jusqu’à là sur les luttes pour les droits des femmes. Le code de la famille constitue un mur que seules les autorités peuvent briser pour donner aux femmes ce qui les sont dus’’, estime-t-elle.
Une autre féministe qui partage les mêmes conviction est Eva Rassoul Ngo Bakenekhe, pour qui le combat pour la déconstruction passe par l’éducation. La militante féministe qui se défit comme quelqu’un qui refuse de rentrer dans une moule, plaide pour une déconstruction dans l’éducation. ‘’Apprendre aux enfants à être humain’’, lance-t-elle.
La Camerounaise qui vit au Sénégal depuis une quinzaine d’années, précise que son combat se résume à voir comment faire pour que l’éducation féministe qui renvoie à l’éducation des enfants, puisse atteindre tous les enfants, aussi bien les garçons comme filles. La journaliste s’active davantage aujourd’hui dans la communication et rêve d’un monde plus ‘’humaniste’’ où l’on apprendra ‘’au garçon à être un homme accompli et à la fille de même pour arriver à un monde juste’’.
Eva Rassoul estime que le féminisme n’est différent en rien des autres combats menés dans nos sociétés. Celle qui se réclame féministe est entrée dans le mouvement pendant l’Affaire ”Adji Sarr”, l’ex-employée d’un salon de beauté qui avait accusé de viol le leader de l’ex-PASTEF, Ousmane Sonko.
‘’Féministe, je le suis depuis longtemps, parce que lorsqu’on est journaliste, il faut s’imposer dans les rédactions, et pour aller sur le terrain, toujours défendre ses positions, briser les codes’’, souligne-t-elle.
Elle regrette toutefois que parfois dans les combats des féministes, ‘’les plus grands pourfendeurs soient des femmes’’.
par Yoro Dia
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, GARDONS-NOUS DE PERDRE DU TEMPS
Les urgences ne sont ni électorales ni institutionnelles. Elles sont dans la croissance, l’emploi des jeunes, la création de richesses, la quête de la prospérité. Si le fameux « Projet » de Pastef existe, il doit être orienté vers ce nouvel horizon
Dans une précédente contribution, je soulignais que le seul risque politique que le Sénégal court est une perte de temps parce que l’Etat est debout, la République forte et la démocratie en marche. L’immense chantier de réformes institutionnelles qu’annonce le président Faye confirme qu’on va perdre du temps. Le Sénégal qui a organisé une présidentielle en moins de trois semaines, une transition entre les Présidents Sall et Faye en moins de dix jours et dont l’alternance est devenue la respiration démocratique n’a pas de problèmes institutionnels sauf si nous sommes à la quête d’institutions parfaites qui n’ont jamais existé nulle part sur terre. Les institutions deviennent « parfaites » avec le temps que nous ne leur donnons jamais au Sénégal car après chaque élection on ouvre un chantier de réformes.
Notre pays n’a pas aussi un problème électoral et l’élection du président Faye en est la parfaite illustration sans parler de celle de Barthelemy Dias à la tête de la capitale et de Serigne Mboup (société civile) à Kaolack. Lors de la dernière présidentielle aux Etats Unis, le pays de Google, de Facebook et de Twitter, c’est le vote postal qui était au cœur des débats parce que les institutions américaines remontent à la Constitution de 1789 et on en est toujours à la première République. L’histoire montre qu’il n’y a pas de lien entre reforme, « modernité » des institutions et efficacité économique sinon la révolution industrielle n’aurait pas eu lieu en Angleterre et le Japon ne serait pas à la pointe de la révolution industrielle et technologique. La création d’une CENI (Commission électorale nationale indépendante) serait un grand bond en arrière car elle est souvent l’apanage des pays en transition démocratique ou pour les nouvelles démocraties.
Face aux urgences économiques et sociales, ce grand chantier de la reforme institutionnelle s’apparente à une arme de distraction massive qui ne fera que l’affaire des rentiers de la tension électorale permanente qui doivent leur survie qu’à cette démocratie du Sisyphe ( éternel retour sur les règles du jeu). Dans un pays où le pouvoir par le biais d’un ministre de l’Intérieur (partisan ou pas) peut organiser des élections présidentielles et les perdre comme en 2000, 2012 et 2024, c’est un anachronisme politique que de vouloir faire un bond en arrière que de vouloir créer une CENI. J’ai toujours pensé que c’était une tragédie que le cerveau de notre classe politique avec des hommes si brillants soit tout le temps piraté par la question électorale.
L’émergence est dans l’inversion de la courbe du débat comme l’a fait le Premier ministre Abdou Mbaye sur la question de la monnaie. Les urgences ne sont ni électorales ni institutionnelles. Elles sont ailleurs, notamment dans la croissance, dans l’emploi des jeunes, dans la création de richesses, dans la quête de la prospérité. Et quand un pays se mobilise pour la prospérité ou l’émergence, il n’a pas le temps et l’énergie à perdre sur le débat sans fin sur les institutions car la Grande Bretagne, le Japon et les Etats Unis montrent tous les jours qu’on peut avoir des institutions archaïques qui remontent au Roi Jean sans terre pour la Grande Bretagne ( 1166-1216), à l’ère du Meji pour le Japon ( 1868) et à la révolution américaine de 1776 et avoir une grande efficacité économique et industrielle. Le Sénégal va avoir son premier baril de pétrole cette année, le nouvel horizon est économique et l’exception démocratique doit avoir l’ambition de devenir l’exception économique. Si le fameux « Projet » de Pastef existe, il doit être orienté vers ce nouvel horizon. Quand le Président Macky Sall lançait le PSE, le Sénégal n’avait que de l’arachide et des phosphates mais les résultats du PSE sont concrets. Le « Projet » a la chance d’avoir le carburant mais un contexte favorable pour accélérer la marche vers l’émergence si et seulement le Président Faye ne se trompe pas de priorité en tombant dans le piège des rentiers de la tension et avec une claire conscience de sa mission historique qui est tout sauf dans la réforme institutionnelle.
En tout cas, les vents sont favorables mais « il n’y pas de vents favorables pour celui qui ne sait pas naviguer », disait Sénèque. Espérons pour le Sénégal que le « Projet » est une bonne feuille de route pour nous mener à bon port mais il faudrait au préalable ne pas se tromper de port, d’objectifs et des priorités. La priorité étant à mon avis l’économie et la croissance. La démocratie est la compétition des réponses que les citoyens se posent. Les jeunes qui sont l’essentiel de la population ne posent pas des questions sur les réformes institutionnelles mais sur l’emploi qui ne peut être réglé par l’Etat dont la mission doit se limiter à créer les conditions favorables à la création de richesses. « Les Sénégalais sont fatigués et la vie est chère » dit le président. La solution n’est pas les réformes institutionnelles mais de mettre la question économique au centre en chassant les juristes du temple pour les remplacer par les « marchands » avec les assises de l’économie. Les marchands créateurs de richesses qui ont permis à tous les pays émergents de passer de l’indigence à l’émergence, « du tiers monde à Premier monde » comme Singapour ou la Chine.
Nous avons un Etat de droit et des institutions solides comme l’a prouvé la dernière présidentielle. C’est pourquoi, je pense aussi qu’il n’est ni nécessaire et encore moins convenable pour le pouvoir exécutif de prendre l’initiative d’organiser des « assises de la justice » pour « redorer le blason » de la justice. On ne saurait se baser sur des décisions de justice qui n’ont pas été favorables à Pastef dans l’opposition pour dire que le blason de la justice a été terni car beaucoup d’autres lui ont été favorables. Les dernières décisions du Conseil Constitutionnel où le président Badio Camara a été aussi loin que le juge Marshall qui a imposé le contrôle de la constitutionalité des lois aux Etats Unis en 1803 dans l’affaire Marbury vs Madison et la longue guérilla judicaire des affaires Sonko ont fini de prouver l’indépendance des juges qui selon que vous soyez Etat ou opposant vous donnent raison ou vous déboutent confirmant ainsi que la justice, le seul service de l’Etat qui porte le nom d’une vertu n’a pas point qu’on redore son blason qui n’a jamais été aussi étincelant.
par Elgas
GAMBIE : SPECTRE ET SCEPTRE DE L’EXCISION
Face au tollé soulevé par une proposition de loi autorisant l’excision, le Parlement gambien a décidé de suspendre les discussions. Une victoire en trompe-l’œil, qui illustre l’impuissance des dispositifs législatifs et politiques à contrer certains cons
En octobre 2023, plusieurs chercheurs planchaient, à Genève, sur les « révolutions conservatrices ». J’en fus, à l’initiative du politiste français Jean-François Bayart, avec des chercheurs et des universitaires venus de tous les coins du globe – tous témoins de cette énergie amère qui traverse le monde sans épargner aucun acquis civilisationnel.
De Bolsonaro à Poutine
La formule de « révolutions conservatrices » s’est ainsi imposée. Elle est devenue quasi générique tant elle dépeint, non sans quelques faiblesses, la propension de nombre de séquences politiques actuelles à mettre à mal des pactes ou des progrès sociaux durement acquis. Ce qui achève ainsi de montrer que le progressisme n’est pas un horizon naturel béni par le temps, et qui démontre que toute turbulence politique, géopolitique, sociale ou sociétale peut détricoter des avancées majeures des droits humains, partout dans le monde, et grever tout particulièrement ceux des minorités.
Le mésusage le plus commun en la matière est de considérer que l’Europe est épargnée par ce fléau, que le reste du monde reste le fief de barbaries toujours à l’affût pour damer le pion aux fragiles acquis de la démocratie. C’est oublier, qu’il s’agisse de la question LGBT, de l’arrivée (ou du retour) des pouvoirs conservateurs (Trump, Bolsonaro, Orban, Meloni), ou encore de la place grandissante qu’occupe la Russie de Poutine – lequel fournit une matrice à l’idée d’un nécessaire retour à certaines « valeurs » – que l’Europe reste l’épicentre de la théorisation d’un conservatisme de bon aloi.
Féministes et connectés
Loin de ces fractures inter-occidentales et dans une Gambie en butte à une précarité sociale et institutionnelle, la funeste énergie du monde a fait escale à Banjul. Une proposition de loi autorisant l’excision a été présentée au Parlement. Si l’indignation a été immédiate et si le projet a été finalement mis en sourdine, la discussion acharnée à laquelle il a donné lieu laisse un goût d’inachevé.
Face à un rejet massif et bruyant dans les sphères féministes et connectées s’est aussi manifesté, en contrepoint, un soutien sans complexe, de moins en moins souterrain et de plus en plus assumé sur la place publique nationale. Une loi pénalisant l’excision avait été votée en 2015 ; c’est elle l’ennemie attaquée par ce projet de révocation. Face au tollé, le projet n’a pas été enterré, juste mis en suspens. Victoire partielle, minimale, et presque en trompe-l’œil, tant elle fait l’impasse sur une réalité qui montre l’impuissance de nos dispositifs législatifs et politiques à contrer certains ancrages traditionnels.
Trompe-l’œil, parce que ce projet de loi est une outrance tant il veut institutionnaliser une pratique déjà répandue en obtenant une bénédiction parlementaire. L’excision – c’est un fait établi – est largement pratiquée en Gambie, au mépris de la loi. Par des circuits clandestins, avec l’assentiment des populations au nom de traditions pluriséculaires, nombreuses sont les filles mutilées et qui continuent de l’être. Elles rejoignent de nombreuses Africaines, des millions, victimes de cette violence.
Ingérences occidentales
Ce constat est doublement inquiétant tant il semblait acquis, pour beaucoup, que les luttes féministes, l’arsenal législatif, les caravanes de sensibilisation n’avaient pas mis fin à cette réalité. Qu’elle s’est même rebiffée, portée par la dynamique des révolutions conservatrices et par la popularité d’un discours qui s’élève contre les ingérences et les injonctions occidentales en redonnant une vitalité à la contre-offensive. Portée, aussi, par l’exploitation habile des canaux institutionnels pour réaliser des coups de force au service d’idées rétrogrades. Cette défaite condamne de nombreuses femmes à être confrontées à des dispositifs informels (et potentiellement formels) de négation de leurs droits les plus élémentaires.
L’excision, son spectre et son sceptre en Gambie vont au-delà de la séquence qui se joue. Nous prenons l’ombre pour la proie. Signe d’une démission collective presque consentie, à enfourcher le cheval d’un combat qu’on ne pourra pas toujours différer : gagner les cœurs et les consciences des Gambiens et pas seulement les leurs, pour que s’impose l’évidence du combat contre l’excision.
Par Mouhamadou BA
COÛT DE MACKY SALL AUX CONTRIBUABLES SÉNÉGALAIS
Les problèmes financiers ne font plus partie des tracasseries des ex-présidents grâce au décret 2013-125 du 17 janvier 2013 que Macky Sall avait lui-même signé. Le désormais ancien chef de l'État coûtera 120 millions FCFA/an
A la fin de leur mandat, les ex-présidents de la République ne redeviennent pas des citoyens comme les autres. Les problèmes financiers ne font plus partie des tracasseries des ex-présidents grâce au décret 2013-125 du 17 janvier 2013 que Macky Sall avait lui-même signé. Un décret qui leur garantit une généreuse pension, maison de fonction, salaire mensuel, personnel affecté à leur service, assurance maladie pour eux et leur femme et une série d’avantages jusqu’à leur décès. Le décret numéro 2013-125 attribue à tout ancien président un traitement mensuel de 10 millions de FCFA. En guise de dispositif de soutien, mentionne le même communiqué, l’Etat du Sénégal octroie une assurancemaladie étendue au conjoint, deux véhicules, un téléphone fixe, un logement et du mobilier d’ameublement. Selon la présidence, «en cas de renoncement au logement affecté, tout ancien président de la République perçoit une indemnité compensatrice d’un montant mensuel net de 4, 5 millions francs CFA». En plus de cela, «l’Etat du Sénégal prend en charge, à hauteur de 40 millions francs CFA par an, le coût des billets d’avions de chaque ancien président de la République et de son (ses) conjoint(s)». «Tout ancien chef de l’Etat qui décide de s’établir hors du Sénégal peut s’attacher les services de quatre collaborateurs de son choix. Ces derniers sont rémunérés dans les mêmes conditions que les personnels affectés dans les postes diplomatiques et consulaires du Sénégal».
• Macky coûtera 120 millions FCFA/an : Un ex-chef d’Etat du Sénégal a également droit à un aide de camp, des gendarmes pour la sécurité de son logement, deux gardes du corps, un agent du protocole, deux assistantes, un standardiste, un cuisinier, une lingère et un jardinier. Tout ce personnel est directement sous contrat et payé par l’Etat du Sénégal. En tout cas, si on se fie au décret, douze mois d’indemnités mensuelles d’un ex-chef d’Etat sénégalais font 120 millions francs CFA. Rappelons que le président Wade a renoncé au logement de l’Etat. Ce qui lui donne droit à l’indemnité de logement mensuel de 4,5 millions F CFA, soit 54 millions par an.
•Les avantages des anciens présidents français : En France, un document intitulé «rapport et propositions» sur «la situation des anciens présidents de la République» commandité par le président Hollande, en mars 2016, considère comme «revenu inconditionnel» la pension mensuelle payée en espèces à Chirac, d’Estaing et Sarkozy. Les autres avantages attachés à leur statut alimentent la rubrique «dispositif de soutien» qui varie selon que les bénéficiaires l’acceptent ou pas. Tout ancien président est membre du Conseil constitutionnel à condition qu’il accepte d’exercer la fonction. Valéry Giscard d’Estaing a accepté de l’être. Cela lui donne droit à un revenu annuel supplémentaire 113 millions de FCFA. Sarkozy et Chirac jouissent d’une pension brute annuelle de 42 millions de francs (soit 3,5 millions de francs par mois).
• Les pensions d’ex-chefs d’Etat américains et d’ailleurs : Aux Etats-Unis, le Former Présidents Act de 1958 accorde à tout ancien chef d’Etat un revenu annuel brut de 150 000 dollars (81 millions FCFA, soit 6,7 millions de FCFA par mois), en plus du salaire d’un secrétaire équivalant à 96 000 dollars (51,8 millions de FCFA). Dans le rapport sur la situation des anciens présidents français, Didier Migaud et Jean-Marc Sauvé, respectivement premier président de la Cour des comptes et vice-président du Conseil d’Etat, ont fait une «comparaison internationale» relative aux «revenus inconditionnels». Ce traitement équivaut au salaire mensuel et aux «dispositifs de soutien» aux anciens chefs d’Etat dans treize pays européens et nord-américains. Toutefois, selon les auteurs de ce rapport, «les différences de situation selon les pays et la disparité des informations obtenues ont conduit à ne retenir, pour les évaluations ci-après, que des montants nets»
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
POUR LES 100 JOURS DE DIOMAYE FAYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Vider définitivement le contentieux entre l’Etat et Karim. Documenter toutes les violences des dernières années. Ériger un monument à la mémoire de victimes de cette période. Quid d'un « ministère de l’Afrique » ?
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 04/04/2024
Dans son premier discours à la nation, le 26 mars, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye déclarait notamment ceci :
« En m’élisant président de la République, le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture pour donner corps à l’immense espoir suscité par notre projet et pour donner corps à ses aspirations ».
Et d’indiquer ses priorités : combattre la corruption, refonder les institutions, œuvrer à l’intégration africaine, répondre aux attentes des jeunes et des femmes et alléger le cout de la vie, tout en prioritisant la réconciliation nationale.
Priorité des priorités : la mise en place du gouvernement qui aura en charge la mise en œuvre du premier programme prioritaire du président de la République.
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye ne pourra évidemment pas répondre en 100 jours à toutes les attentes. Les cinq années de son mandat n’y suffiront d’ailleurs pas.
Il pourrait cependant prendre des initiatives fortes en rapport avec ses convictions concernant chacun des domaines prioritaires de son programme de gouvernement.
Ce serait là l’indication d’une volonté de gouverner avec les forces vives du pays et de gérer de manière sobre. On fera attention à l’intitulé des ministères pour en refléter les contenus programmatiques ou les orientations stratégiques.
Que n’érige-t-il pas par exemple un « ministère de l’Afrique et des Affaires étrangères » à la place du traditionnel « ministère des Affaires étrangères » ? Manière de manière de marquer la rupture politique que le régime du Pastef introduit et son engagement déterminé en faveur du panafricanisme
Refonder les institutions.
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a annoncé la refondation des institutions au nombre de ses priorités.
Il s’agit là effectivement d’un chantier prioritaire et important puisqu’il a pour objet à la fois de normaliser le fonctionnement des institutions de la République, de les refonder effectivement et en même temps de promouvoir les principes républicains et démocratiques renforçant les libertés individuelles tout en fondant le vivre-ensemble et la réconciliation nationale.
Le candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye a signé avec l’organisation citoyenne Sursaut National le Pacte National de Bonne Gouvernance basé sur les conclusions des Assises Nationales et les recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI).
Il lui ne reste plus qu’à les mettre en œuvre pour assurer à la fois la séparation et l’équilibre des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif, la déconcentration des pouvoirs du Président de la République et la fin de l’hyper présidentialisme, l’indépendance de l’administration publique de la politique, la promotion du service public et de l’intérêt général, l’égalité entre tous les citoyens et l’équité entre les hommes et les femmes.
Lutter efficacement contre la corruption
Le développement effréné de la corruption à tous les niveaux de l’administration publique du fait notamment des premiers responsables de l’Etat et des entreprises publiques, est l’une des principales raisons de la révolte des Sénégalais contre l’ancien régime et de leur adhésion au Pastef.
Rien ne devrait plus entraver la lutte contre corruption maintenant que « le coude » de l’ancien président ne pèse plus sur les nombreux dossiers d’enquête établis par les corps de contrôle au cours de ces dernières années.
Le nouveau régime sera jugé par le peuple sur la manière dont la lutte sera menée : on devra sonner la fin de l’impunité et combattre la corruption active et passive, les détournements de deniers publics et l’enrichissement illicite.
On n’épargnera personne. On devra à ce propos vider définitivement le contentieux entre l’Etat et M. Karim Wade dont l’amende de 138 milliards de francs CFA par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) est encore en suspens.
Quid de la réconciliation nationale ?
La vérité est le préalable à toute réconciliation comme on le sait.
Il faudra nommer les responsables de ces actes. Il faudra recueillir les témoignages de victimes et les aveux des bourreaux. C’est alors seulement que le processus de réconciliation pourra s’enclencher, que les bourreaux et les victimes pourront se parler pour demander réparation ou accorder le pardon.
C’est à travers tout ce processus que la Nation toute entière pourra se sentir reconciliée avec elle-même. On pourra alors ériger un monument à la mémoire de victimes de cette période sombre de notre histoire pour en perpétuer le souvenir.
Quid de l’allégement du coût de la vie ?
L’augmentation vertigineuse du coût du loyer à Dakar et la hausse régulière des prix des denrées alimentaires partout à travers le pays ont une cause : le laisser faire libéral de ces vingt dernières années qui a réduit drastiquement l’intervention de l’Etat dans le secteur immobilier et pour l’importation et la distribution des produits alimentaires de première nécessité laissé libre cours aux opérateurs privés.
En attendant que ses politiques visant la souveraineté alimentaire et l’industrialisation aboutissent, le Président de la République doit dès à présent introduire la main de l’Etat dans les secteurs de l’immobilier et de la distribution des produits alimentaires de première nécessité.
Pourquoi ne pas ordonner dès à présent la fusion de l’OHLM et la SICAP en une seule entreprise dédiée à la fourniture de logements à prix réduits à Dakar et dans toutes les capitales régionales ? On dotera la nouvelle entreprise d’un capital financier et foncier conséquent et on lui assignera des objectifs de performance précis.
Pour ce qui est de la distribution des produits alimentaires et de première nécessité, pourquoi ne pas revenir au dispositif des années 1970 à 1990, avec une société de distribution alimentaire (SONADIS) qui importe et distribue une certaine quantité de produits pour réguler les prix sur le marché ?
On renforcera dans le même temps l’action du Contrôle économique sur le terrain.
Et de l’emploi des jeunes ?
Il est vrai que la création d’emplois est tributaire du développement économique.
Il est tout aussi vrai cependant que l’Etat peut prendre l’initiative de la création d’emplois quand l’économie n’est pas en capacité de le faire.
C’est ainsi qu’en pleine dépression économique, en 1933, alors que l’Amérique était en proie à un chômage de masse et que la faim sévissait même, le président Franklin D. Roosevelt a initié le New Deal qui a créé à travers une série d’agences de travaux d’intérêt public, en quelques années plus de 20 millions d’emplois.
De la même manière le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye pourrait lancer une initiative nationale (DEFAR SA REEV ?) qui pourrait créer des centaines de milliers d’emplois à travers différentes agences (Service National de Proximité, Agence pour l’Environnement, AGETIP restructurée), par exemple dans les secteurs de l’entretien des infrastructures et des routes, de l’environnement, de la protection de la nature (dont la Grande Muraille Verte) et pour éradiquer l’insalubrité, l’encombrement et l’occupation anarchique des rues et espaces publiques à travers tout le territoire national.
Cette initiative pourrait être financée par les économies réalisées par la réduction du train de vie de l’Etat que la refondation des institutions permettra.
In fine, le président Bassirou Diomaye Diakhaye Faye devra rompre avec la doxa politique et économique et prendre dès les premiers jours de son régime des initiatives audacieuses pour lancer le programme d’activités prioritaires qui déterminera l’orientation et le succès de son quinquennat.
MACRON POINTE LA RESPONSABILITÉ DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSIS AU RWANDA
Selon le chef de l'État français, "la France aurait pu arrêter les massacres, mais n'en a pas eu la volonté". Cette déclaration marque un nouveau tournant dans le traitement de cette page controversée de l'histoire
(SenePlus) - Dans un message qui sera publié ce dimanche 7 avril à l'occasion du 30e anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda, Emmanuel Macron ira plus loin que par le passé dans la reconnaissance du rôle de la France, selon des informations rapportées par la présidence française à l'Agence France-Presse (AFP).
Le chef de l'Etat français, qui ne pourra se rendre aux commémorations à Kigali en raison d'un agenda chargé, estimera ainsi que "la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n'en a pas eu la volonté", a rapporté l'Elysée à l'AFP.
Cette déclaration marque un tournant par rapport aux précédents discours du président français sur cette question extrêmement sensible. En mai 2021 à Kigali déjà, Emmanuel Macron avait reconnu les "responsabilités" de la France dans le génocide, qui a fait au moins 800.000 morts entre avril et juillet 1994. Mais il n'avait alors pas évoqué explicitement l'hypothèse selon laquelle la France aurait pu stopper le génocide.
Son nouveau message ira donc plus loin dans la reconnaissance du rôle de la France. "Le chef de l'État rappellera notamment que, quand la phase d'extermination totale contre les Tutsi a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d'agir", a précisé la présidence française.
Cette prise de position d'Emmanuel Macron a été saluée par les associations de défense de la mémoire du génocide rwandais. "Le message rapporté jeudi 'va encore plus loin que le rapport Duclert et que la déclaration qu'il a faite à Kigali'", s'est félicité Marcel Kabanda, président de Ibuka France.
Le rapport d'historiens dirigé par Vincent Duclert avait déjà conclu en 2021 à des "responsabilités lourdes et accablantes" de la France dans le génocide. Emmanuel Macron semble donc aller encore plus loin dans la reconnaissance du rôle de Paris, cherchant selon les observateurs à tourner définitivement la page de cette période tragique.
D'après l'Elysée, le chef de l'Etat réaffirmera dimanche le soutien de la France au peuple rwandais, tout en réitérant l'importance du devoir de mémoire, particulièrement auprès des jeunes générations françaises. Ses propos devraient être suivis de près et marquer encore davantage un rapprochement avec Kigali.
POUR SORTIR DE LA TUTELLE MONÉTAIRE
Alors que le Sénégal relance le débat sur le franc CFA, l'économiste Kako Nubukpo préconise quatre mesures d'urgence : mettre fin à sa dénomination coloniale, abandonner la garantie française, réviser la gouvernance de la zone franc...
Lors d'un entretien accordé à Radio France Internationale, Kako Nubukpo, commissaire à l'UEMOA en charge du département de l'agriculture, des ressources en eau et de l'environnement, a plaidé pour une relance du processus de réforme du franc CFA, la monnaie utilisée dans quatorze pays d'Afrique de l'Ouest.
Saluant la décision du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye de remettre cette question sur la table, Nubukpo a déclaré: "C'est important parce que le débat sur le CFA a longtemps été interdit. Et le retour de ce débat, au fond, c'est un peu comme le retour du refoulé. Et quand c'est porté par les autorités en charge du destin des nations, c'est tout de suite beaucoup plus sérieux et beaucoup plus important."
Selon l'économiste togolais, quatre mesures doivent être prises rapidement. Premièrement, "changer le nom de la monnaie" car "pour les jeunes Africains, CFA, c'est toujours Colonie Française d'Afrique." Deuxièmement, revoir la garantie apportée par la France, qu'il juge inutile. "À mon avis, il faut l'abandonner parce qu'elle n'a jamais vraiment servi," a-t-il affirmé.
Troisièmement, Nubukpo préconise de "revoir la gouvernance au sein de la zone franc" et "fusionner les deux traités" régissant actuellement l'espace économique et monétaire ouest-africain, afin de permettre "une meilleure articulation politique monétaire, politique budgétaire."
Enfin, la question cruciale du régime de change de la future monnaie unique doit être discutée "d'emblée avec la CEDEAO", l'organisation régionale regroupant quinze pays d'Afrique de l'Ouest.
Pour relancer les discussions, l'économiste a appelé à l'organisation de "nouveaux états généraux de l'eco" en mai 2025, à l'occasion du 50e anniversaire de la CEDEAO. "Ce serait très bien qu'on puisse avoir une deuxième édition des états généraux de l'eco," a-t-il lancé, suggérant que le Sénégal pourrait accueillir cet événement majeur.
Bien que perturbés par la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les coups d'État dans la région, les efforts visant à remplacer le franc CFA par une monnaie commune à l'ensemble de la CEDEAO semblaient au point mort ces dernières années. L'appel renouvelé de Kako Nubukpo pourrait insuffler une nouvelle dynamique à ce processus aux enjeux économiques et politiques considérables pour l'Afrique de l'Ouest.
L'ALTERNANCE AU SÉNÉGAL FAIT RÊVER LES OPPOSITIONS EN AFRIQUE
Avec son accession surprise au pouvoir, Diomaye Faye illustre un contre-modèle en Afrique. Alors que la moyenne d'âge des présidents dépasse les 66 ans, le Sénégalais de 44 ans prouve qu'il existe une autre voie que la perpetuation de vieux dirigeants
(SenePlus) - Le 24 mars dernier, Bassirou Diomaye Faye est élu président du Sénégal à seulement 44 ans, deux semaines après être sorti de prison. Sa victoire suscite l'espoir des oppositions dans d'autres pays d'Afrique où des dirigeants âgés sont au pouvoir depuis des décennies.
Un espoir venu du Sénégal
Selon un reportage de l'AFP, la victoire de M. Faye fait rêver les oppositions et la jeunesse au Tchad, au Cameroun, au Bénin ou au Togo, "lassées des règnes interminables de leurs chefs d'Etat indéboulonnables". Au Cameroun, le slogan "Bassirou Diomaye Faye avait deux ans quand Paul Biya est devenu président" devient viral sur les réseaux sociaux. A 91 ans, ce dernier dirige en effet le pays depuis 41 ans.
Autre dirigeant africain dans sa ligne de mire, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 81 ans, qui règne sur la Guinée équatoriale depuis 44 ans. À l'inverse, la moyenne d'âge des chefs d'État africains est de 66 ans alors qu'en 2021, la moitié de la population du continent avait moins de 18,6 ans selon l'ONU.
Un espoir mais aussi des mises en garde
Cet espoir se propage sur les réseaux et dans les médias indépendants d'opposition, à l'instar d'Equinoxe Radio au Cameroun. Cependant, certains tempèrent, à l'image de Max Kemkoye, figure de l'opposition tchadienne, qui souligne à l'AFP que "la lutte politique en Afrique francophone nécessite endurance et cohérence" face aux "dictatures appuyées par les ex-puissances coloniales".
D'autres relèvent la répression féroce des opposants, comme au Tchad où Mahamat Idriss Déby Itno a pris le pouvoir à la mort de son père en 2021. "Diomaye et Sonko seraient tchadiens, il y a bien longtemps qu’ils seraient morts", déclare ainsi Avocksouma Djona Atchénémou. Au Bénin, l'opposant Nourou Dine Saka Saley estime également que "Bassirou Faye n’aurait jamais eu sa chance".
Un message d'espoir malgré tout
Malgré ces mises en garde, Faye et Sonko demeurent des figures porteuses d'espoir pour les oppositions qui rêvent d'alternance. "Je suis certaine que le peuple togolais sera libéré un jour comme au Sénégal", espère ainsi une opposante à Lomé. Même son de cloche chez l'Ougandais Bobi Wine, qui appelle à donner leur chance aux "jeunes générations de leaders" plutôt qu'aux "despotes fatigués".
La victoire du jeune président sénégalais démontre que l'alternance est possible en Afrique par des voies pacifiques et politiques. Reste à voir si elle saura inspirer durablement les peuples du continent.
ELGAS DÉCRYPTE L'ALTERNANCE AU-DELÀ DES DISCOURS CONVENUS
Les ruptures sont incarnées par des pratiques sur le long-terme. Ce qu’on appelle système est souvent un fantasme collectif que la conquête du pouvoir cible. La notion de panafricanisme de gauche est une habile trouvaille - ENTRETIEN
Elgas revient avec recul et nuance dans cet entretien sur l'élection de Diomaye Faye et sur la véritable portée de cette alternance politique. Il interroge notamment l'idée d'une rupture définitive avec l'héritage de Senghor et replace le débat sur l'indépendance du Sénégal dans une perspective historique plus large.
Seneweb : La victoire de Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle a été présentée au Sénégal aussi bien qu'ailleurs comme une rupture avec l’ère inaugurée par Léopold Sédar Senghor. Partagez-vous ce point de vue ?
Elgas : Cela me semble être une lecture paresseuse, facile et rapide. Elle est du reste un récit que font pro domo les dégagistes, en oubliant une donnée majeure : les ruptures sont incarnées par des pratiques sur le long-terme ; les annonces sont souvent des prophéties trahies et c’est bien là quelque chose de factuel. Un Etat, c’est d’abord une continuité institutionnelle. Toute alternance est porteuse de rupture, de nouveauté, de nouveaux horizons, certes l’illusion d’une pureté nouvelle est contraire à ce qui fait la force des administrations, leur capacité à survivre à toutes tempêtes. Attribuer un quelconque magistère presqu’éternel à Senghor, comme substance d’un système inchangé, c’est accréditer l’idée que tout était plus ou moins condamné d’avance et les dés pipés. Une nation, un pays, un Etat évoluent, souvent dans une lenteur institutionnelle imperceptible. Les marqueurs de l’ère Senghor, si jamais on devait arriver à les nommer – bicéphalisme avec Dia, centralité étatique, socialisme – ne sont pas restés structurants pendant les magistères suivants. Et si on reste dans une telle optique, c’est déresponsabiliser les gouvernants. Ce qu’on appelle système est souvent un fantasme collectif que la conquête du pouvoir cible et que son exercice réhabilite immanquablement d’où d’ailleurs le sentiment de statu quo. Bassirou Diomaye Faye a été bien élu, comme le furent avant lui Wade et Sall. Il lui reste de poser les actes d’une rupture avec les pratiques malfaisantes. Ce sont elles plus que le système, le nid des problèmes qui s’endurcissent avec le temps. Cela me paraît résolument plus pertinent que de pourchasser l’héritage de Senghor, c’est s’acharner sur l’ombre et pas la proie, préférer le confort des symboles à l’inconfort des faits.
Certains de ses partisans en commentant son élection ont déclaré : le Sénégal prend enfin son indépendance. Y a-t-il une part de réalité ?
C’est encore là la manifestation des euphories compréhensibles mais ivres et illusionnées. C’est presque nihiliste de supposer que les tous les hommes des régimes successifs, les intellectuels, les universitaires, les religieux, les artistes, les citoyens, n’ont jamais rien fait et se complaisaient dans une position d’allégeance. L’indépendance ne se proclame pas, elle se vit. Dans l’état actuel de notre économie, des flux de capitaux qui soutiennent encore l’édifice économique, d’un informel émietté qui ne donne pas de ressources majeures à l’Etat, les ambitions de souveraineté doivent répondre à un travail méthodique de longue haleine et à une habileté pour créer les conditions locales de la prospérité. Étant entendu qu’aucune autarcie, aucun isolement, aucune rupture avec le monde, et le flux des échanges, n’a jamais créé nulle part au monde, les conditions d’un essor. L’histoire regorge d’exemples de ce genre, les cités-Etats médiévales les plus développées étaient celles ouvertes au commerce du monde. Tout enclavement réduit la portée des échanges. La notion d’indépendance devrait du reste être étudiée dans sa symbolique au Sénégal, avec la notion de « surga », qui montre la prévalence d’une dépendance interne qui, inéluctablement, influe dans les consciences. L’indépendance est un horizon, sans illusion d’enfermement. On ne l’acquiert pas par un vote seul, fût-il démocratique mais par une ingénierie politique.
Le nouveau président s’est présenté dans Le Monde comme un “panafricaniste africain de gauche”. Ce qui fait un peu penser à Cheikh Anta Diop. Parmi les soutiens de M. Faye figure Dialo Diop, membre fondateur du Rassemblement National Démocratique (RND), le dernier parti politique créé par Cheikh Anta Diop. L’élection de ce nouveau président est-elle une forme de revanche de Cheikh Anta Diop sur Senghor?
Il y a bien longtemps que Cheikh Anta Diop a pris sa revanche sur Senghor. Il bénéficie d’une aura bien plus grande et il est plus cité. Mais attention également à ne pas épouser des récits tout faits. Wade comme Macky Sall ont revendiqué un ancrage panafricain, et Senghor davantage avec le FESMAN, les NEAS et il a fait de la capitale Dakar, le refuge et le havre d’un dialogue avec les Haïtiens entre autres. Il ne faut pas toujours dans une dynamique conflictuelle de segmentation du panafricanisme. Senghor est déjà condamné par le tribunal de l’histoire, mais ensevelir tout son héritage serait contre productif et bien injuste. La notion de panafricanisme de gauche est une habile trouvaille, c’est un pléonasme, parce que le panafricanisme est du côté de la justice, de la solidarité et de l’égalité. Mais très souvent, au pouvoir, il a trahi, l’exemple de Sékou Touré étant le plus emblématique des glissements où le pouvoir devient autoritaire, répressif, fermé à l’ouverture et ne gardant plus du panafricanisme comme identité vidée. La vigilance doit être de mise pour que les mots comme l’histoire ne soient pas tronqués.
Y a-t-il nécessité selon vous de réhabiliter Senghor et sa pensée ?
Senghor est présenté ou caricaturé comme le symbole de la soumission à la France ou jugé trop universel. La nouvelle ère qui s’ouvre sera-t-elle synonyme de repli identitaire comme certains le craignent ou plutôt de rééquilibrage ?
Je n’ai aucun catastrophisme avec le régime qui arrive. Je lui souhaite de réussir, tout en étant conscient que cela sera dur au vu des attentes. Je ne crains ni repli, ni racornissement de notre identité. Il serait bien vain de nier que Senghor avait des relations énamourées avec la France et que cela a influé dans sa gouvernance. Tout comme il faut se garder de condamnation définitive, il faut se garder de promettre l’échec au nouveau régime. Senghor ne doit pas être l’obsession du nouveau régime, ce serait une terrible erreur. Il a reçu un plébiscite, avec une plateforme formidable pour construire, il serait mal inspiré de s’assombrir avec l’énergie sombre de la rancœur. La terre espérée de l’homme c’est l’avenir, pas farfouiller dans les tombes.
Enfin, votre dernier essai s’intitulait « Les Bons Ressentiments ». Ces bons ressentiments ont-ils été palpables dans la séquence politique que nous venons de vivre ?
Je ne parlerai pas de bons ressentiments. Tout est prématuré pour l’instant pour statuer. Je parlerai de révolutions conservatrices. C’est ce qui a cours partout sur le globe. La défiance contre des élites, et le retour souhaité à des valeurs anciennes. C’est un bouleversement tant le conservatisme a toujours été populaire avec un État qui osait l’impopularité d’aller à rebours. Ce qui change c'est que le conservatisme est porté par l’Etat qui devient une caisse de résonance et pas de régulation de la foule. Beaucoup s’en réjouissent. J’ai plein de doute, pour dire le moins.
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DÉMOCRATISER LES DROITS, AU-DELÀ DES INSTITUTIONS
Fin de l'hyper-présidentialisme, indépendance réelle de la justice, déconcentration des pouvoirs... Les chantiers ne manquent pas. Mais la refondation la plus urgente pourrait bien être celle d'un nouveau du contrat social
A l'orée d'une nouvelle ère politique, à quoi doit ressembler la refondation démocratique au Sénégal ? C'est la question brûlante qui a nourri les échanges de ce cinquième épisode de la série "Où va le Sénégal" animée par Florian Bobin, en compagnie de trois figures intellectuelles de premier plan : Marie-Pierre Sarr, Samba Ndiaye et Ndiabou Touré.
Trois années de violences et de dérives autoritaires ont profondément ébranlé l'État de droit sénégalais. Les droits les plus fondamentaux ont été bafoués, du droit de manifester à la liberté d'expression, en passant par l'indépendance de la justice foulée aux pieds. "Une crise de l'État de droit entraîne une crise de la société, c'est évident", Martèle Marie-Pierre Sarr.
Pourtant, même dans les heures les plus sombres, une lueur d'espoir est née : la naissance d'une conscience citoyenne vis-à-vis du droit. "Le droit s'est installé dans la tête du Sénégalais ordinaire", souligne Ndiabou Touré. Un regain de vigilance salutaire, qui a permis de déjouer la stratégie de normalisation des dérives du pouvoir sortant.
Mais l'heure est désormais à la reconstruction. Pour Samba Ndiaye, les réformes institutionnelles à venir ne doivent pas se limiter à un simple habillage mais insuffler une véritable régénération éthique. "Il ne faut pas céder au fétichisme des institutions, insiste-t-il. C'est en repensant nos valeurs fondatrices que nous rebâtirons un État de droit pérenne."
Fin de l'hyper-présidentialisme, indépendance réelle de la justice, déconcentration des pouvoirs... Les chantiers ne manquent pas. Mais la refondation la plus urgente pourrait bien être celle d'un nouveau du contrat social, un projet rassembleur puisant dans l'âme plurielle de la Nation.
"C'est notre métissage culturel et notre diversité qui font notre force, estime Ndiabou Touré. Nous devons réinvestir ce terreau de paix pour bâtir les fondations d'une démocratie apaisée."
Passé le cap des élections, la route vers une démocratisation effective du droit s'annonce semée d'embûches. Mais la société civile, qui démontre toute sa vitalité, compte bien garder un œil vigilant sur la concrétisation des promesses de changement.