ANDREA ORI «ACCULE» LE SENEGAL
Le Représentant résidant du Haut-Commissariat des Nations Unis aux droits de l’homme, Andrea Ori, plaide pour que le Code de l’enfant et la loi sur le Statut des «daaras» soit adoptés
L’adoption du Code de l’enfant et de la loi sur le Statut des «daaras» est d’une impérieuse nécessité. Le Sénégal doit aussi réformer son Comité des droits de l’homme. C’est la conviction du Représentant résidant du Haut-Commissariat des Nations Unis aux droits de l’homme, Andrea Ori. Il a fait la requête hier, jeudi 25 novembre, lors d’un atelier sur la Protection transfrontalière des Droits des enfants victimes de trafic à des fins d’exploitation économique et sociale, organisé par la Direction de l’Education surveillée et la Protection sociale (Desps) du ministère de la Justice.
Le Représentant résidant du Haut-Commissariat des Nations Unis aux droits de l’homme, Andrea Ori, plaide pour que le Code de l’enfant et la loi sur le Statut des «daaras» soit adoptés. Mieux, le Comité sénégalais des droits de l’homme doit être réformé, selon lui. Il s’exprimait hier, jeudi 25 novembre 2021, lors d’un atelier sur la Protection transfrontalière des Droits des enfants victimes de trafic à des fins d’exploitation économique et sociale, organisé par la Direction de l’Education surveillée et la Protection sociale du ministère de la Justice. Parlant de ce qu’il qualifie de choix politique et non une injonction de sa part, Andrea Ori a dit que le Sénégal est le seul pays en Afrique de l’Ouest à n’avoir pas un Code de l’enfant. Et il importe, dès lors, qu’il se conforme à la législation, avant la présidentielle de 2024. La loi portant Statut des daaras doit être aussi adoptée car, juge-t-il, «l’Etat, en sa qualité de garant de l’ordre public, doit se doter de cette loi afin qu’il puisse avoir les moyens de faire des inspections et de voir le cadre de l’exerce des enseignements dans ces écoles». Il s’agira aussi, à son avis, de donner aux enfants qui fréquentent ces écoles les mêmes chances que ceux des établissements aux enseignements à base du français.
La réforme du Comité sénégalais des droits de l’homme est également une nécessité absolue, trouve Andrea Ori. «Le Comité sénégalais des droits de l’homme est depuis une dizaine d’années déclassé au Statu B, par le Secrétariat international qui gère l’accréditation de tous les mécanismes nationaux. Il importe au Sénégal de rehausser ce mécanisme au niveau A, dans lequel certaines procédures sont demandées comme la question de l’indépendance administrative et financière du comité, une plus large autonomie et le fait qu’il ne reçoit aucun ordre venant de l’exécutif. Il doit avoir une complète indépendance et être capable de faire des enquêtes sur des allégations de violations de droits de l’homme».
Le Représentant du système des Nations Unies juge que l’émergence tant chantée ne doit pas s’évaluer seulement aux kilomètres de routes construites ou encore sur les infrastructures réalisées, mais les droits humains doivent être pris en compte. Le Sénégal va assurer, prochainement, la présidence de l’Union africaine (UA). Il faut donc, dit-il, que son engagement pour les droits humains soit plus que des mots, mais des actes à poser.
MAMADOU SALIF SOW, SECRETAIRE D’ETAT CHARGE DES DROITS DE L’HOMME, EN REPONSE A ANDREA ORI : «L’Etat est en train de faire tout son possible pour permettre que les lois soient votées»
En réponse à l’interpellation du Représentant Haut-Commissaire des Nations Unis aux droits de l’homme, Andrea Ori, le Secrétaire d’Etat chargé des Droits humains, Mamadou Salif Sow, a souligné que les dispositions idoines sont prises par les autorités étatiques afin la législation soit respectée. «Je peux vous assurer que l’Etat est en train de faire tout son possible pour permettre à ce que les lois soient votées. Nous avons travaillé sur le Code de l’enfant. Nous l’avons partagé avec les différentes couches de la société ; mais tout ce qui touche à l’enfant est sensible au Sénégal. C’est la raison pour laquelle nous sommes en train de partager. Notre rôle est de faire en sorte que ce code soit compris et accepté par les différentes couches de la société. Nous sommes là-dessus et nous sommes en train de nous battre. Nous savons qu’avec la présidence de l’Union africaine (UA) du Sénégal, ce sont des questions sur lesquelles nous devons avoir un œil attentif. Pour ce qui concerne le Comité sénégalais des Droits de l’homme, nous sommes en train de travailler avec le président de ce dit comité. Et nous avons décidé de le changer en Commission nationale des Droits de l’homme, avec plus de moyens et d’autonomie financière».
TRAITE DES PERSONNES : 4 mineures Sierra Léonaises forcées à la prostitution, l’une d’elles porteuse du VIH
Quatre filles mineures venues de la Sierra Leone séjournent dans les structures de la Direction de l’Education surveillée et la Protection sociale (Desps), depuis une dizaine de jours. Elles ont été recueillies à Ziguinchor, après que l’une d’elles s’est échappée de leur lieu détention et a dénoncé leur bourreau à la Police. Venue participer hier, jeudi 25 novembre 2021, à l’atelier sur la Protection transfrontalière des Droits des enfants victimes de trafic à des fins d’exploitation économique, celle qui est responsable de la découverte a soutenu que ces filles mineures ont été amenées au Sénégal pour un supposé travail domestique lucratif et rémunéré à plus d’un million, selon leur convoyeur. Elles sont venues au Sénégal sans être inquiétées parce qu’elles donnaient de l’argent aux différentes frontières des pays traversés. C’est une fois à Ziguinchor qu’elles ont découvert que le travail promis était plutôt de la prostitution. L’exercice de ce travail a causé l’infection au VIH de l’une d’elles, âgée de 15 ans.
Pour la directrice de la Desps, Abibatou Youm Siby, «il faut que les passeurs soient condamnés car ayant commis des actes inhumains». Mieux, plaide-t-elle, les Forces de défense et de sécurité qui sont à la frontière doivent renforcer le dispositif de contrôle. «Ce n’est pas acceptable qu’un adulte circule avec un groupe d’enfants. Le déplacement d’un enfant est encadré». Aussi, il faut que la mobilisation atteigne la population. «A chaque fois qu’il y a des déplacements qui paraissent louches, il faut adopter le principe du signalement», a-t-elle ajouté. La directrice de la Desps trouve également que les peines doivent être appliquées, avec rigueur. «Lorsqu’on a l’impression d’être dans une zone d’impunité, c’est comme si on est dans l’encouragement des faits». La lutte contre la traite des enfants nécessite une réponse concertée. «Il faut une stratégie commune pour que tous les pays puissent avoir la même politique commune en la matière et pour l’institution d’un observatoire sous régional». Abibatou Youm Siby fait appel à la responsabilité collective de toutes les parties en charge de la protection des enfants. «Sous le prétexte de la libre circulation des personnes et des biens, il est inacceptable que des enfants soient victimes de trafic».
LAETITIA BAZZI, CHEF DE LA SECTION PROTECTION DE L’ENFANT A UNICEF :«Au Sénégal, près d’un million d’enfants ne vivent ni avec leur père ou leur mère»
«On sait, au Sénégal, que 15% des enfants ne vivent ni avec leur père ou leur mère. Ça fait à peu près 1 million. Cela ne veut pas dire que ce sont des enfants qui sont victimes de traite, mais ce sont des enfants qui sont privés de la protection de leurs parents. Raison pour laquelle le risque d’abus et d’exploitation et de maltraitance est plus élevé. Il s’agit de prévenir la séparation familiale, la maltraitance et s’assurer que tous les enfants qui sont dans cette situation d’une potentielle maltraitance ou traite puissent être identifiés, signalés et secourus et que les auteurs qui commettent ces abus puissent être sévèrement sanctionnés.»