DIOMAYE MIS À L’ÉPREUVE PAR LE PHÉNOMÈNE DU VOL DE BÉTAIL
Ce problème sape les fondements d'un secteur représente 4% du PIB national. Les pertes annuelles atteignent le chiffre vertigineux de 3,2 millions de dollars, soit 2 milliards de FCFA, malgré l'arsenal juridique mis en place sous Macky

Les fermes engagements pris par le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, pourront-ils endiguer le vol de bétail au Sénégal ? L’ancien régime avait initié plusieurs politiques dont la criminalisation du vol de bétail, ce fléau qui continue non seulement de saper les fondements de l’élevage au Sénégal, mais encore d’appauvrir les populations surtout en zone rurale et périurbaine. Faute d’une application concrète, les textes de lois n’ont pas réglé la situation.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), au Sénégal, l’élevage contribue à hauteur de 4% du Produit intérieur brut (PIB) national et 22% du PIB du Secteur primaire avec des effectifs, en 2023, estimés à plus de 4,5 millions de bovins, plus de 9,8 millions d’ovins, environ 6 millions de caprins, 1,6 million d’équidés et 946.543 porcins. L’élevage est pratiqué par environ 800.000 ménages et plus de 1,3 million d’individus, d’après la FAO. En dépit de son importance socio-économique, il fait face à des contraintes et défis majeurs dont le vol de bétail qui constitue un fléau majeur dans la sous-région. Les pertes annuelles sont estimées à 3,2 millions USD, soit 2 milliards FCFA par an. Présidant la 9ème édition de la Journée nationale de l’Élevage, placée sous le thème : «La valorisation des produits d’origine animale : un stimulateur pour la souveraineté alimentaire du Sénégal», le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a donné des instructions pour que le problème du vol de bétail, un fléau qui continue d’appauvrir les populations surtout en zone rurale et périurbaine, soit pris au sérieux, annonçant d’ailleurs des concertations nationales avec les acteurs pour «s’accorder sur une feuille de route consensuelle qui tiendra compte de la dimension holistique de la lutte contre ce désastre».
Fermeté du président Diomaye Faye sur la lutte contre le vol de bétail, avec trois sorties en deux semaines environ
Bassirou Diomaye Faye en est à sa deuxième sortie sur la question, en quelques semaines. Déjà, en Conseil des ministres du 12 février 2025, après avoir salué la contribution des éleveurs dans l’atteinte de la souveraineté alimentaire, il a rappelé au «gouvernement l’urgence de veiller à l’application effective et intégrale des dispositions du Code pastoral, en vue d’asseoir une meilleure évolution du secteur de l’élevage dans l’écosystème du secteur primaire et dans la richesse nationale». Sur ce, il avait souligné, entre autres, «l’impératif d’accentuer, sur le terrain, les dispositifs préventifs et coercitifs de lutte contre le vol de bétail». Également, en Conseil des ministres du 26 février 2025, soit cinq jours seulement avoir présidé la Journée nationale de l’élevage à Kaolack, le samedi 22 février, Bassirou Diomaye Faye a rappelé au Premier ministre, Ousmane Sonko, l’urgence de tenir, avec toutes les parties prenantes, des concertations nationales devant aboutir à des solutions opérationnelles. Mieux, il lui a donné instruction «de veiller à la finalisation, avant fin juin 2025, de tous les textes d’application du Code pastoral, en cohérence avec l’évaluation et l’actualisation de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale». Il a invité, en outre, le Gouvernement «à finaliser les études relatives au foncier pastoral, à renforcer les politiques d’amélioration génétique du cheptel et à optimiser les financements du secteur en impliquant les éleveurs, les opérateurs et les coopératives».
Macky Sall et le durcissement de la loi avec la révision du Code pénal faisant du vol de bétail, une circonstance aggravante
Sous l’ancien président de la République Macky Sall, des mesures ont été prises. La lutte contre le vol de bétail a amené le législateur sénégalais à apporter une réponse à la mesure du fléau, en durcissant la répression, à travers la loi n°2014-27 du 03 novembre 2014 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal. L’article 368 du Code pénal a été réaménagé par l’introduction d’un alinéa 3 nouveau qui fait du vol de bétail, une circonstance aggravante. Cette disposition prévoit une peine d’emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans «si le vol portant sur du bétail a été commis au préjudice d’une personne qui tire de l’exploitation dudit bétail l’essentiel de ses revenus ou qui fait de son élevage son activité principale». La loi n°2017-22 du 22 mai 2017 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal, étend le champ d’application de la répression, au-delà de ce qui a été prévu par celle de 2014. Désormais, la criminalisation va au-delà de dérober un troupeau appartenant à des éleveurs. L’Assemblée nationale a adopté, en sa séance du vendredi 12 mai 2017, la loi °65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal en modifiant les dispositions de l’article 368. Ainsi, est punie d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs, toute personne coupable de vol ou de tentative de vol commis s’il fait usage d’effraction, d’escalade, de sape ou de fausses clés, le vol est commis sur les chemins publics ou dans un moyen de transport en commun ou dans l’enceinte d’une gare, d’un port ou d’un aéroport, entre autres. Bref, la loi sur le vol de bétail exclut le «sursis» et élève la peine d’amende jusqu’au quintuple de la valeur du bétail sur lequel porte le vol et fixe un plancher d’amende de cinq cent mille (500.000) francs, y compris en cas de tentative. En décembre 2023, l’Assemblée nationale a aussi adopté la loi portant Code pastoral. Le but visé à travers cette loi est d’encadrer le pastoralisme et de favoriser la création d’un environnement favorable au développement durable des systèmes d’élevage sur l’étendue du territoire national.
El Hadji Aboubacar Biteye, président de l’association nationale de lutte contre le vol de bétail : « Associer les acteurs dans le combat »
Le président du Comité national de lutte contre le vol de bétail, El Hadji Aboubacar Bitéye, plaide pour que les acteurs soient plus associés dans les prises de décisions afin que la criminalisation du vol de bétail soit effective. «Nous avons été associés au vote de la loi sur le vol de bétail, en 2014. Sa mise en œuvre a rencontré des difficultés qui ont motivé sa réforme en 2016. On avait défini, par la suite, un programme avec l’ancien régime, sous la direction du ministre de l’Intérieur (d’alors), Abdoulaye Daouda Diallo. Malheureusement, le suivi a manqué», ditil.
Le vol de bétail a des conséquences néfastes sur les ménages en milieu rural qui s’appauvrissent davantage. Pour El Hadji Aboubacar Bitéye, il est aussi important de renforcer les Comités de vigilance, installées dans différentes communes du pays.