LA SÉRIE NOIRE DES ACCIDENTS DE LA ROUTE CONTINUE
Chaque semaine apporte son lot de drames et de vies brisées. Le dernier bilan est effrayant : près de 40 morts en un mois. Face à cette hécatombe, l'État semble paralysé, incapable de mettre en œuvre des mesures efficaces
Les accidents de la route sont encore redevenus, ces temps-ci, un véritable cauchemar pour la population sénégalaise. La route tue plus que les autres moyens de transports. Le dernier accident mortel en date est celui survenu avant-hier, samedi, à la sortie de Koumpentoum en allant vers Koungheul, aux environs de 6h35 : une collision entre un bus et un minicar a fait 20 victimes dont 6 personnes qui ont perdu la vie sur le coup, 8 blessés graves et 6 blessés légers. L’un des 8 blessés graves succombera, portant le bilan à 7 morts. Dans ce mois-ci, la série noire a emporté près d’une quarantaine de personnes sur les routes du Sénégal. Et malgré les Conseils interministériels tenus sur la question, l’État semble impuissant face à la mise en œuvre des directives. Manque de volonté ou tâtonnement, la saignée ou l’hécatombe continue.
Des dizaines de morts en un mois
7 morts et 13 blessés dont 7 graves, c’est le bilan d’un accident de la circulation à Koumpentoum. Le drame est survenu avant-hier, samedi 17 août 2024, tôt le matin aux environs de 6h 35, sur la route nationale n°2 (RN2). Une collision entre un bus et un minicar a fait 20 victimes dont 6 personnes qui ont perdu la vie sur le coup, 8 blessés graves et 6 légers. L’un des 8 blessés graves a succombé, portant le bilan provisoire à 7 morts. Toutes les victimes ont été transportées au district sanitaire de Koumpentoum, selon le Lieutenant Samba Athie, Commandant la 61e Compagnie d’incendie et de secours de Tambacounda. L’accident a eu lieu à la sortie de Koumpentoum, en allant vers Koungheul, à hauteur du poste de contrôle de la Gendarmerie.
C’est dire combien les routes du Sénégal sont très mortelles. En effet, il ne se passe pas un mois, voire une semaine ou presque, sans qu’on ne note un accident mortel de la circulation dans le pays. D’ailleurs, ce drame de Koumpentoum intervient environ 72 heures seulement après celui du jeudi 15 aout dernier ayant causé sept (7) morts. Un accident qui s’est produit sur le tronçon reliant Diourbel à Mbacké, entre Ndoulo et Khourou Mbacké. Un minicar en provenance de Touba, transportant des membres d’une même famille résidant à Diourbel, a été impliqué dans une collision avec un camion circulant dans le sens inverse. Les victimes revenaient d’une cérémonie de deuil à Darou Marnane.
Au Sénégal, il est aussi à déplorer qu’au moins 15 personnes sont décédées en moins de 24 heures, le 29 juillet dernier, dans deux accidents de la route qui ont bouleversé le pays, respectivement à Kédougou concernant un camion et causant trois (3) décès et le second une collision entre un bus et un camion qui a fait 12 morts et 8 blessés graves à une quarantaine de kilomètres au Nord dans la région de Louga, plus précisément vers Kébémer.
A Dakar, un bus de transport en commun s’est aussi renversé sur l’autoroute, faisant trois (3) morts. Des décès qui, dans la majorité, étaient évitables. Car selon les données disponibles, 80% des accidents de la route ont pour cause principalement le facteur humain.
718 décès au Sénégal en 2023
Au Sénégal, les statistiques étatiques renseignent aussi que les accidents de la route constituent un lourd fardeau pour l’État et la population. En effet, 718 décès ont été dénombrés en 2023. Et entre 2015 et 2019, la moyenne était de 644 décès par an. Ces accidents occasionnent des pertes financières de l’ordre de 163 milliards de F CFA par an pour l’État.
Si en 2023, le Sénégal a connu des périodes douloureuses de décès sur les routes, comme l’accident de Sikilo avec près d’une cinquante de décès, cette nouvelle année s’est aussi annoncée dramatique. Ces derniers mois, il est à remarquer que les routes ont enregistré beaucoup de morts. La majorité des décès sont notés à l’intérieur du pays et concernent les transports en commun. Pis, selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), si l’Afrique subsaharienne compte à peine 2% du parc automobile mondial, les décès dans des accidents de la route sur le continent représentent un quart (1/4) du nombre total de victimes sur la planète.
Vers un « ndeup » national de plus ?
Si de telles frayeurs avaient amené le nouveau gouvernement à faire des révélations pour réduire ces accidents, le statut quo semble être maintenu. Les conducteurs continuent à s’adonner à leur mauvaise habitude, sous la complicité de certains voyageurs qui cautionnent les surcharges. Il s’y ajoute le vieillissement du parc automobile ainsi que la défaillance de certaines voiries empruntées. Au lendemain des deux accidents du mois de juillet dernier, le nouveau régime avait relancé le débat sur la sécurité routière dans le pays. A cet effet, le ministre chargé des Transports terrestres et aérien avait annoncé l'accélération de la réforme du Code de la route, en durcissant les sanctions envers les comportements dangereux sur la route. Le ministre Malick Ndiaye a assuré : «nous allons être beaucoup plus durs dans les sanctions. Et nous sommes en train d’accélérer au maximum possible l’adoption du nouveau code de la route avec le permis à points. Et je vous jure, nous allons réinventer le transport, l’octroi des permis, l’octroi des titres de transport, le renouvellement du parc et les sanctions»
Certes des efforts sont en train d’être faits, avec le renforcement du parc automobile du public, la formation des transporteurs, l’organisation du trafic de certaines automobiles mais l’appui du secteur privé par l’État n’est pas encore très visible.
Ce lundi 19 aout 2024, le gouvernement va tenir une rencontre nationale sur la question. L’annonce est faite en Conseil des ministres du 31 juillet par le président de la République ; mais la rencontre se tient trois semaines après, pour espérer l’effectivité de mesures pour arrêter l’hémorragie sur les routes. Pour rappel, lors de ce Conseil des ministres «face à la recrudescence constatée des accidents de la route, le Chef de l’État a demandé au Premier Ministre de tenir, dans les meilleurs délais, une réunion interministérielle restreinte d’évaluation des mesures de prévention et de sécurité routières en perspective des prochains évènements religieux à savoir le Grand Magal de Touba, Maouloud», informe le communiqué du Conseil.
Quand le communiqué parle de «recrudescence», c’est que le gouvernement est conscient du réel problème qui existe dans le secteur. Ce nouveau Conseil interministériel sonne comme un moment salvateur où il est attendu l’applicabilité des décisions fermes, comme l’annonçait le ministre en charge de Transports terrestres et aériens, avec le nouveau Code de la route devant intégrer le permis à points, et consacrer la révision de l’octroi des permis ainsi que des titres de transport, le renouvellement du parc automobile et les sanctions. Il est aussi attendu l’interdiction effective de la circulation des autobus la nuit, même si une note est sortie pour une catégorie.
Les causes des accidents
Alors que la majorité des observateurs indexent les comportements humains tels que l’excès de vitesse, le téléphone ou l’ivresse au volant, les causes des accidents sont aussi liées à la grande responsabilité de l’Etat surtout dans les agglomérations et grandes villes avec les occupations illégales sur la voirie par les marchands, les mécaniciens mais aussi les stationnements irréguliers rendant le passage difficile. Il faut être un bon pilote pour se faufiler entre ses mailles et le tout devant le regard de l’État et des Collectivités territoriales.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas du conducteur ordinaire, mais de celui du transport en commun dont les règles et condition d’exercice sont à revisiter. La grande partie des accidents viennent de ces derniers. Les voitures sont vétustes et ne répondent plus aux normes de circulation des routes modernes mis en place. La majorité des voitures concentre un vieillissement d’une vingtaine d’année.
Selon des sources des démembrements de l’État comme les Sapeurs-pompiers et autres, plus de 40% des véhicules impliqués dans des accidents sont âgés de plus de 20 ans. Ils sont de types camions et camionnettes à l’usage transports marchandises et urbains. Ces accidents sont survenus entre 12 heures à 18 heures. Même si l'État a revu la limite d'âge des véhicules importés, qui est passé de 5 à 8 ans, cette directive n’est pas été respectée par les acteurs.