LE KANKOURANG, UN MYTHE QUI DÉFIE LE TEMPS
Découverte d’une pratique qui remplit plusieurs fonctions à la fois au plan socio-économique
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Dans sa forme actuelle, l’histoire du Kankourang ou « Kéwoulo » se résume en une vieille tradition, originaire de l’ancien royaume du Gabou (actuelle Guinée Bissau) et célébrée sur la Petite Côte depuis plus de 115 ans par des Mandingues venus de la verte Casamance. Kankourang, un vocable de la langue mandingue qui signifie l’homme au masque. Mot qui est aussi synonyme d’un événement dans l’imaginaire populaire. A savoir justement la sortie de l’homme au masque. Ce qui fait que le Kankourang est très couru à Mbour, tous les dimanches du mois de septembre (on parle du septembre mandingue) notamment dans l’ethnie mandingue qui vit dans cette localité depuis plusieurs décennies. Découverte d’une pratique qui remplit plusieurs fonctions à la fois au plan socio-économique.
Le Kankourang (également Kankouran, Kankurang ou Konkoran) désigne à la fois un masque et un rituel célébrant la circoncision des Mandingues de la Sénégambie, notamment en Casamance, mais également à Mbour où vit une importante communauté mandingue. Mais il faut dire que c’est sur la Petite Côte que le Kankourang est connu dans toute sa représentation. Il joue un rôle de régulation et de préservation des valeurs sociales. Dans ses formes actuelles, «il serait originaire de l’ancien royaume du Gabou ». A Mbour, le Kankourang apparaît toutes les années au mois de septembre. Période où les familles mandingues initient leurs jeunes enfants à la case de l’homme (la circoncision). Au premier dimanche du mois de septembre, le « Jambadong » (la danse des feuilles) annonce l’arrivée du Kankourang. Chaque année, le mois de septembre est ainsi un mois de retrouvailles. D’ailleurs, certains Mbourois ne reviennent au bercail que durant ce mois
Septembre, le mois du Kankourang à Mbour
Mais au-delà de son aspect populaire qui draine la communauté mandingue et la population mbouroise, le Kankourang joue un rôle important de régulateur de la société. Il est garant de la sécurité des initiés, à l’occasion des cérémonies de circoncision. Selon les aînés, le Kankourang chasse les mauvais esprits, assure également la protection des fruits et productions agricoles, veille sur les comportements, l’environnement et généralement sur la consolidation du tissu social de la communauté mandingue ainsi que sur les populations. Ce personnage mythique recouvert de fibres extraites d’écorces rouges d’arbre (nguigis en wolof) est une fierté à Mbour. C’est avec ces fibres façonnées à partir des écorces du sommelier (Fara Jung) appelé Kankouran Fanoo (le pagne du masque) de la tête aux pieds que le Kankourang, muni de deux machettes, fait le tour de la ville. Avec un bruit grinçant, le Kankourang fait le tour des maisons avec des accompagnateurs. Ilse distingue également par une sorte de cagoule impressionnante sous forme d’une accumulation de fibres attachées qui couvre toute sa face appelée « Joubolo » et par une longue corde en bandoulière composée également de fibres tressées attachées à ses extrémités appelées « Laroo ». Le tout est synchronisé par un cri strident et effrayant qu’il lance par moments lors de ses déplacements aux allures de « patrouilles ».
La nuit du samedi et le jour du dimanche, jours du Kankourang.
Très craint, puisque réputé violent, il parcourt les rues en terrorisant la population pour protéger les jeunes circoncis pendant leur initiation. Pendant 30 jours, il fait le tour des maisons des Mandingues, mais ce n’est que le samedi que les populations auront droit à des spectacles dignes de ce nom. C’est dire qu’à Mbour, « les dimanches, ce sont des jours du Kankourang ». En effet, durant quatre (4) dimanches successifs et toutes les nuits de samedi, le Kankourang anime et fait vibrer Mbour. Des nuits blanches sont organisées pour attendre la sortie du Kankourang. Un événement qui lui donne toute sa notoriété. Il a ses droits que personne ne peut lui arracher. D’ailleurs, en 2005, le Kankourang a été élevé au rang de patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco). Et selon certaines informations, ce statut est dû au fait qu’il joue un rôle important dans l’urbanisation croissante et le tourisme. Selon Ousmane Seydi, plus connu sous le nom de Dialma, un connaisseur averti de l’histoire du Kankourang mbourois, le Kankourang a vécu à Mbour pendant presque 120 ans. « Ce sont nos ancêtres qui ont amené le Kankourang à Mbour, il y a plus de 115 ans. Mais avant d’en arriver à Mbour, ils ont fait des étapes. C’est à Bedieunty, une localité située dans les îles du Saloum, que les choses ont commencé », informe le vieux Seydi. Poursuivant, il déclare : « C’est après qu’ils sont allés s’installer à Babarar Touboung, à Keur Samba Dia, puis à Joal. Ensuite, ilssont allés à Nianing, puis à Warang, avant d’arriver jusqu’à Mbour pour s’y établir. Quand ils sont arrivés à Mbour, ils se sont constitués en comité »
Un groupe de six personnes a débuté le Kankourang à Mbour.
D’après toujours Ousmane Seydi dit Dialma, l’histoire du Kankourang à Mbour est intimement liée à un groupe de six (6) personnes qui en sont les précurseurs. Il s’agit de : Baye Mady Koté, Tending Daffé, Mounka Sadio, Aliou Seydi, Sana Daffé et Kadialy Seydi. Ce sont eux qui s’étaient chargés d’organiser le Kankourang en premier à Mbour. Au début, Il y avait un seul « dioudiou ». Au fil du temps, la communauté s’est élargie et maintenant, la collectivité mandingue de Mbour en est à sept (7) « dioudiou » (maisons des circoncis) ». Il y avait le « dioudiou » de Touré Kounda, celui de Mandiang Kounda, celui du 11 novembre (Dialma), celui de Diamé Kounda, celui de Koté Kounda, celui de Daffé Kounda et celui de Bidjing Kounda ». Aujourd’hui, il existe la même configuration à partla disparition de certains « dioudiou » aumoment où d’autres sont nés. Il y en a donc sept (7) dont six (6) reconnus comme tels par les structures de la collectivité mandingue de Mbour. Il s’agit de celui de Dialma (quartier 11 novembre), Mandiang Kounda et Sadio Kounda (quartier Thiocé) celui de Santesssou (celui des Diambang et Konaté) et Bidjing Kounda (quartier Diamaguéne 1), celui des Gassama. Le sixième est implanté dans le village de Mboulème dans la commune de Malicounda à une dizaine de kilomètres au sud de Mbour. Il en existe un septième si l’on tient compte du dioudiou Cissé Kounda du guide religieux El -Hadj Ibrahima Cissé qui a tracé sa voie depuis 2016 après des divergences profondes avec les instances de la collectivité mandingue de Mbour notamment sur l’opportunité de la création de ce dioudiou.
Le Kankourang, un génie protecteur.
Il y a des gens qui suivent le Kankourang sans pour autant connaître lesraisons de son existence. Chezles Mandingues, « le Kankourang est fait pour protéger les circoncis du mauvais œil ». « Les sorciers aiment les hommes en âge de se marier et les filles en âge de se marier. Nos anciens ont amené le Kankourang pour les protéger. Ils étaient venus pour protéger les gens. C’est un génie protecteur », confie notre source. Par rapport aux critères établis pour accompagner le Kankourang, les conditions sont bien établies. « Tout le monde peut regarder le Kankourang. Mais ce ne sont pas tous les Mandingues qui peuvent accompagner le Kankourang. Seuls les hommes circoncis peuvent l’accompagner. Les femmes n’ont pas le droit de l’accompagner, mais elles peuvent par contre le suivre, nous indique- t-on. Seulsles hommes circoncis danslesrites et us mandingues ont la prérogative d’accompagner le Kankourang. « Le Kankourang est un vieux secret. C’est une affaire de brousse que les gens ont fini de domestiquer », croient fermement les Mandingues