PLUS DE 200 FAMILLES MENACÉES DE DÉPOSSESSION À LA CITÉ NAZA
Dans la commune de Sébikhotane, un litige foncier plonge de nombreuses familles dans une profonde détresse. Leurs terrains, qu’ils considéraient comme une partie d’eux-mêmes, sont menacés d’expropriation
Dans la commune de Sébikhotane, un litige foncier plonge de nombreuses familles dans une profonde détresse. Leurs terrains, qu’ils considéraient comme une partie d’eux-mêmes, sont menacés d’expropriation. Ce qui était autrefois un refuge, une source de sécurité et de fierté, est devenu aujourd’hui un cauchemar. Des terres qui risquent d’être accaparées par des gens plus forts que leurs pauvres occupants actuels, tel est le constat des propriétaires de terrains à la cité Naza.
En cette matinée, comme chaque dimanche, ils se regroupent sous l’ombrage d’un arbre pour manifester leur mécontentement. Ils sont maçons, vendeurs ambulants, ouvriers, bref des «Gorgorlou». A partir de cet arbre, ils regardent leurs terres, impuissants. Depuis presque deux ans, les lieux sont quasiment désertés. Les activités qui les animaient autrefois ont disparu. Plus de camions, ni de calèches, encore moins de maçons dans les rues. Des empilements de fer corrodé, des briques dispersées çà et là, des échafaudages partiellement montés et des planches de bois témoignent de l’arrêt soudain des travaux. Leurs maisons, bâties à la sueur de leur front, risquent d’être démolies et attribuées à des entreprises qui se sont accaparées le foncier sur lequel se trouvent leurs terrains. « Ils ne veulent pas seulement nous déposséder de nos terres mais aussi effacer notre histoire. Nous avons acheté légalement les terrains à des propriétaires crédibles depuis 2013, à une époque où personne ne s’intéressait à ces lieux. À notre grande surprise, en 2022, alors que chacun d’entre nous commençait à bâtir sa maison, des entreprises, de connivence avec la municipalité, sont venues dans l’intention de mettre la main sur nos terres. Ce qui est incompréhensible ! », s’étrangle Ibrahima Diao, membre du collectif. A l’en croire, « avec le prolongement du Train Express Régional et de l’autoroute à péage, des gros bonnets ont jeté leur dévolu sur notre foncier ».
« Les manœuvres visant à récupérer nos terrains se sont intensifiées »
Cependant, avec le nouveau gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye, ils espèrent voir leurs préoccupations prises en compte. « Le président Bassirou Diomaye Faye est perçu comme un espoir pour nous, grâce à son engagement envers la population de Ndengler. Avec son slogan «Jub-Jubbal-Jubbanti», les habitants attendent de lui qu’il mette fin à des années d’injustice foncière. Depuis le début des élections, les manœuvres visant à récupérer nos terrains se sont intensifiées, forçant les habitants à réagir avant qu’il ne soit trop tard », ajoute Yankhoba Djitté, membre du collectif. Selon lui, « l’une des entreprises en cause, la CDA, possède presque plus d’hectares que la surface habitée de Sébikhotane ». « Elle prévoit même de céder 15 hectares au détriment de familles entières »,souligne-t-il. « De même, les entreprises Elton, Sagam et Senbus invoquent des décrets pour s’approprier 10 hectares déjà habités par plus de 200 familles. Ces actions privent les citoyens que nous sommes de leurs foyers pour enrichir davantage un milliardaire », fustige-t-il.
Et de poursuivre : « Cette situation révèle un système foncier injuste et opaque où les intérêts économiques priment sur les droits des citoyens ordinaires. Les habitants de Sébikhotane continueront leur lutte jusqu’à ce que justice soit rendue et que leurs droits fonciers soient respectés. Il est temps que les autorités prennent des mesures fermes pour mettre fin à cette exploitation abusive et garantir un avenir juste et équitable pour tous les habitants de Sébikhotane » estime Yankhoba Djitté.
« Il est également urgent d’améliorer les mécanismes de gouvernance foncière»
Pour Yaye Diaw Gaye, porte-parole du collectif, la situation est plus alarmante encore pour ceux qui ne sont pas directement concernés par les arrêtés de suspension des constructions. « Nous nous sentons aujourd’hui abandonnés et nous ne savons plus vers qui nous tourner. Beaucoup se demandent si les autorités actuelles, connues pour avoir défendu les intérêts de Ndengler pendant des années, pourront réellement trouver une solution durable aux problèmes fonciers qui touchent d’autres régions du pays »,s’interroge-t-elle.
À l’en croire, outre les arrêts temporaires de construction ordonnées notamment sur le littoral de Dakar ou à Mbour 4, dans le département de Thiès, d’autres pistes doivent être envisagées pour résoudre les litiges fonciers au Sénégal. « La question de la régularisation et de la relocalisation des populations affectées est centrale. Une réponse rapide des autorités, à travers un dialogue franc avec les acteurs concernés, pourrait apporter des solutions concrètes, notamment en garantissant l’accès à des terres viables ou en indemnisant les populations affectées. Il est également urgent d’améliorer les mécanismes de gouvernance foncière. Des réformes législatives et la mise en place de commissions indépendantes pour gérer ces conflits pourraient atténuer les tensions », conclut Yaye Diaw Gaye.