RUEE VERS LA FERRAILLE !
Après le déguerpissement de l’ancienne piste de mermoz, des centaines d’épaves de voitures vendues à la casse à 150.000 CFA/tonne
Le déguerpissement des « favelas » de l’Ancienne Piste de Mermoz a dopée le marché dakarois de la ferraille. Après avoir réussi à extirper leurs épaves de voitures de la furie des bulldozers, mécaniciens et propriétaires de véhicules sont contraints de les brader à la ferraille. A la rescousse, des intermédiaires sénégalais et des ferrailleurs indiens achètent les carcasses de voitures à 150 CFA/kilo soit 150.000 CFA la tonne. A ce rythme, le bidonville voire l’ancien « bidon garage » de Mermoz est devenu le carrefour de l’économie sénégalaise de la ferraille.
Aux alentours des « favelas » de l’Ancienne Piste comme sous la passerelle de Mermoz-Pyrotechnie en passant par le long de la Vdn Sacré Cœur III, mécaniciens, chaudronniers et tôliers s’affairent autour de carcasses de voitures. Armés de meuleuses, de chalumeaux, de marteaux et autres cisailles, quelques uns parmi eux ont fini de découper en mille morceaux la carrosserie d’une automobile. Il s’agit de l’épave d’un camion « Berliet » pesant plusieurs tonnes et réduite en ferraille. Quelques mètres plus loin, dans un autre recoin de la rue adjacente menant au parc des mécaniciens, deux voitures apparemment accidentées ou en panne définitive ont subi le même sort, c’est-à-dire le dépeçage des ferrailleurs. Sans oublier cette carcasse de car « Ndiaga Ndiaye » extirpée des griffes des bulldozers et « boitillant » sur des jantes métalliques, faute de pneus que les bouchers du métal s’apprêtent à charcuter. Un environnement bruyant qui attire l’attention de nombreux automobilistes et piétons empruntant cette zone de l’Ancienne Piste de Mermoz toujours encerclée par un dispositif de la gendarmerie. Les passants et autres curieux sont étonnés par ces gigantesques casses sauvages à ciel ouvert éloignées les unes des autres. Ici du matin au crépuscule, rabatteurs, chaudronniers, tôliers, recycleurs, mécaniciens et ferrailleurs sont à l’œuvre sur la chaussée.
Bon pour la…casse !
Selon l’électricien automobile Tapha Ngom, après la démolition totale des garages et habitations faits de bric, de broc, de tôle et de bois, les gendarmes sont devenus conciliants et compréhensifs en autorisant aux garagistes et propriétaires de véhicules d’accéder sur les lieux pour sauver et sortir le peu de biens qui leur restent. « Au préalable, il faut se plier à une rigoureuse mesure de sécurité prise par les autorités de la gendarmerie. Car pour faire sortir une voiture, même une épave, il faut aller à la brigade de gendarmerie de Ouakam pour chercher un quitus ou une autorisation sur présentation de la carte grise du véhicule en question. Seul un quitus délivré par la gendarmerie sur la base d’une carte grise peut certifier votre titre de propriété afin de pouvoir faire sortir la voiture de l’Ancienne Piste dont les accès sont verrouillés et filtrés par les gendarmes » explique notre interlocuteur tout en rappelant ses 20 ans de présence « illégale » sur les lieux. Dans la mêlée, O. Diop, se disant chef garagiste, ajoute ce qui suit: « il est bon de préciser que les mesures de sécurité prises par les gendarmes ne font pas l’unanimité. Parce qu’il y a des voitures accidentées ou hors usage immobilisées des années durant sur les lieux et dont les propriétaires n’ont plus fait signe de vie. Comment peut-on obtenir leur carte grise pour pouvoir les remorquer ? » se désole-t-il. Il « oublie » de rappeler qu’aux premiers jours du déguerpissement, il y avait des gangs organisés qui tentaient de voler des voitures d’autrui ou enlever des épaves de véhicules pour les brader à la ferraille. D’où les mesures de sécurité prises par la gendarmerie.
Mermoz ou le carrefour de la ferraille…
Sur place, le déguerpissement des « favelas » de l’Ancienne Piste de Mermoz a réchauffé voire boosté le marché dakarois de la ferraille. Parce qu’au sortir des trois principaux accès du site, se trouve l’immense marché de la ferraille entretenu par plusieurs groupes d’individus. Un marché animé par des mécaniciens, propriétaires de véhicules, chaudronniers et tôliers qui guettent la moindre voiture en épave ou en panne que des bras valides ont du mal à tirer, pousser ou remorquer. Une posture pénible qui trace le cours du marché boursier de Mermoz dérivant sur deux situations : le ferrailleur le plus offrant face au mécanicien ou propriétaire résolu à se débarrasser rapidement de ses carcasses métalliques. Comme cette épave de voiture (Peugeot 205) bradée à 500.000 CFA à un intermédiaire sénégalais à charge pour lui de la démanteler. « On achète le kilo de ferraille à 150 CFA ou la tonne à 150.000 CFA. Mais dans ce cas, le vendeur ou le propriétaire de la voiture sera obligé de prendre en charge les frais de sa destruction sur place avant qu’on procède à la pesée. Pour s’épargner le travail pénible de démolition/pesage, certains préfèrent vendre la carrosserie en l’état. Et tout dépend du type de véhicule. Un collègue a même acheté une épave de camion « Berliet » à 2.000.000 CFA à charge pour le ferrailleur de la détruire sur la chaussée avant de la transporter » précise S. Touré trouvé à Mermoz devenu le carrefour de l’économie sénégalaise de la ferraille et où la demande dépasse l’offre.
En bourse, les grossistes indiens !
Derrière ces intermédiaires sénégalais se cachent des traders (grossistes) indiens «invisibles» qui achètent, collectent et exportent par voies « détournées » des quantités importantes de la précieuse ferraille. Joint au téléphone, Kh. Diop un célèbre «ferraillou» ou intermédiaire soutient contre l’évidence que les opérations de déguerpissement de l’Ancienne Piste de Mermoz n’ont pas trop boosté le marché de la ferraille. « Il est vrai que des centaines d’épaves de voitures en panne, accidentées ou abandonnées ont été vendues à la ferraille. Et d’autres épaves sont encore sur le site en attendant que leurs propriétaires se manifestent pour pouvoir les sortir avec un «Bon d’enlèvement » délivré par la gendarmerie Donc le marché de la ferraille est certes animé par ce déguerpissement mais pas totalement boosté puisque la forte demande des Indiens dépasse largement l’offre des mécaniciens déguerpis» relativise notre interlocuteur. Il reconnait tout de même que les affaires sont florissantes. Al hamdoulihah ! s’exclame-t-il. A Mermoz comme dans beaucoup de points de collecte, le kilo de la ferraille est acheté entre 140 cfaou150 CFA pour ensuite être revendu aux Indiens entre 200 CFA et 250 CFA. Attention ! Les prix de revente varient selon les cours mondiaux et la situation du marché c’est-à-dire le rapport entre l’offre et de la demande » précise Kh. Diop. Dans les champs de ferraille de l’Ancienne Piste de Mermoz, les déchets métalliques des uns sont la mine d’or des autres bien que la ferraille s’inscrive dans l’économie de la pauvreté. Une économie paradoxalement entretenue par de richissimes hommes d’affaires sénégalais et industriels indiens qui s’activent dans l’informel et qui génère des centaines de milliards CFA/an. Une mafia organisée au détriment du Fisc !