RUFISQUE, L'AFFRANCHISSEMENT INACCOMPLI
A Rufisque, l’une des quatre communes de plein exercice de la métropole, les séquelles de la colonisation restent encore vivaces. Les édifices de l’époque coloniale demeurent toujours malgré un état de délabrement avancé pour certains

A Rufisque, l’une des quatre communes de plein exercice de la métropole, les séquelles de la colonisation restent encore vivaces. Les édifices de l’époque coloniale demeurent toujours malgré un état de délabrement avancé pour certains. Et les populations continuent à se côtoyer dans des rues qui, pour la plupart, portent encore les noms de personnalités de la période post-indépendance.
Les traces de la colonisation restent présentes dans Rufisque qui fut un centre d’attractivité économique avec des infrastructures de base et usines donnant à la cité la vocation d’un poumon économique avec un port avant même celui de Dakar. Les importantes bâtisses érigées durant cette ère et formant l’essentiel des constructions dans la zone appelée Vieux Rufisque font ressortir, à côté de rues traînant à ce jour les stigmates de la domination française, les traces de ce passé. L’une des trois longues rues allant du centre-ville aux quartiers Mérina et Thiawlène porte encore le nom de Paul Sicamois, un ancien maire du temps de la colonisation. Bouffière est le nom que porte la rue 16, Demoby la 39, André Lebon la 35, Léon Armand la 35, 47 la Péchot. La rue 27 porte le nom Garonne et la liste est loin d’être exhaustive dans la ville érigée en commune en 1880. Des personnes pour l’essentiel mal connues de la majorité des Rufisquois qui quotidiennement arpentent ces rues aux indications sur panneaux bleus parfaitement visibles avec les noms de «ces inconnus». «Les jeunes d’aujourd’hui ne parlent pas de ces rues parce que ne les connaissant pas», a fait savoir Idrissa Ba, un habitant de la ville, approuvant la «rebaptisation» des rues aux noms de personnalités locales.
«C’est Mbaye Jacques Diop (maire entre 1987- 2002) qui a entamé le processus de remplacement des noms des rues. C’est de lui qu’est venue l’appellation du boulevard par le nom de Maurice Guèye. Même chose pour les rues Ousmane Socé Diop et Adama Lô», a noté Amadou Sène Niang, porte-parole du maire Daouda Niang. «De tous les maires lui ayant succédé, seul Daouda Niang a pris le flambeau dans cette démarche», a-t-il expliqué. A la faveur d’un Conseil municipal en date de décembre 2017, plusieurs rues ainsi que la mythique Place Gabard ont eu de nouveaux noms. Alé Gaye Diop s’est en fait substitué à l’ancien maire Gabard, le tronçon entre le canal de l’est et le rond-point Bata (1646 m) porte le nom de Me Mbaye Jacques Diop, le tronçon entre la Sgbs et Rufsac sur la Rn répond de Alioune Badara Mbengue, ancien ministre socialiste. «C’est une volonté d’honorer les fils de Rufisque», a argumenté Sène Niang sur le choix de noms locaux pour les infrastructures de la ville. Pour autant, notre interlocuteur n’est pas sans réserve sur le sujet. «La chose peut être considérée sous l’angle d’un dilemme philosophique. Il s’agit de valoriser un patrimoine culturel et architectural et changer tout peut être discutable», a-t-il émis. «Ce sont des bâtiments construits par les Français et qui demeurent jusqu’à ce jour. Faut-il donc tout débaptiser au profit de personnalités rufisquoises ou raser tout et repartir sur des bases purement locales», s’est-il interrogé avec la conviction que le débat vaut son pesant d’or. Une œuvre d’indigénisation incomplète puisque les nouvelles baptisées se dérivant en Thianar Ndoye, Anta Madjiguène Ndiaye s’entrecoupent avec les vieilles Calvert (rue 12), Savet (rue 18), Thionk (rue 23), renseignant par le fait de la profondeur de l’aliénation dont ont du mal à se départir pour de bon les locaux, 60 ans après l’indépendance.