SANTHIABA, LE QUARTIER COSMOPOLITE OÙ LA BAGARRE ÉTAIT INTERDITE
Créé avant l’indépendance du Sénégal, ce premier quartier à consonance wolof doit sa quiétude à Chérif Younouss Aïdara, un homme de culture et notable influent qui avait réussi à fédérer tout le monde autour de lui
Symbole des retrouvailles par excellence entre les ethnies, le quartier Santhiaba, niché au cœur de la ville de Ziguinchor, est un havre de paix. Créé avant l’indépendance du Sénégal, ce premier quartier à consonance wolof doit sa quiétude à Chérif Younouss Aïdara, un homme de culture et notable influent qui avait réussi à fédérer tout le monde autour de lui. Dans cette terre ancienne, dit-on, il était formellement interdit aux habitants de se donner en scène de violence. La bagarre y était interdite.
Des habitations captivantes divisées en carrés témoignent forcément d’un passé lointain. Dans une des rues de cette partie de la commune de Ziguinchor, l’on découvre des vestiges d’une antériorité centenaire. Nous sommes à Santhiaba, en plein centre-ville. Un des premiers quartiers de la ville de Ziguinchor qui doit son appellation aux pêcheurs originaires de Saint-Louis (les Guet-Ndariens qui l’ont baptisé Santh-ba).
Fondé avant l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, Santhiaba est une localité qui accueille des habitants d’origines variées. Les ethnies qui le composent sont nombreuses. Ici, se mêle une diversité culturelle sans précédent. Les Bainounks, les Sérères, les Wolofs, les Mancagnes, les Manjacques, les Bissau-guinéens, les Diolas venus des départements d’Oussouye et de Bignona, etc., s’y côtoient. Malgré ce choc culturel, aucun antagonisme n’y règne. Santhiaba a sa propre devise : « Ici, la bagarre est interdite ». C’est l’Adn de ce quartier. Cette règle, jadis instaurée par Chérif Younouss Aïdara, l’un des premiers occupants, y est toujours en vigueur. De son vivant, il y avait enseigné le Coran au profit des générations futures jusqu’à son rappel à Dieu. Cet héritage est jalousement préservé à Santhiaba et enseigné à toutes les générations. Dans ce « gros village », tout le monde se connaît. En dépit de la modernité qui guette les peuples, avec la célèbre formule ou adage « chacun pour soi et Dieu pour tous », les populations, indique-t-on, continuent de se fréquenter et prennent le thé ensemble à la devanture ou à l’intérieur des maisons. Dans les moments les plus difficiles, elles sont toujours ensemble.
Selon le Chef de village de Santhiaba, Mamadou Lamine Sène, l’entraide est la règle n°1 dans ce quartier qui l’a vu naître. C’est pourquoi, précise-t-il, il est « très difficile voire impossible » de voir deux habitants de Santhiaba se battre dans ce périmètre. Les différends émanant de ce vieux quartier se réglaient à Boucotte « Sindian », un autre quartier qui se situe dans la ville de Ziguinchor. « On nous a toujours dit que c’était interdit. Cela n’était pas permis. Étant jeunes, on allait à Boucotte Sindian pour solder nos comptes. Mais, jamais on s’est battu dans notre quartier. On avait honte de faire une chose pareille. On a transmis ce qu’on a appris de nos grands-parents et parents à nos filles et fils. Du coup, tout le monde sait que personne n’a le droit de se bagarrer ici. Nous vivons dans une quiétude totale. Et tout cela, on le doit à Chérif Younouss Aïdara qui nous a offert ce beau cadeau », certifie Mamadou Lamine Sène. N’empêche, certains qui sont même au courant de cette mesure ont tenté de la violer. Cependant, l’actuel chef de quartier, qui a hérité du fauteuil de son père, rappelle que ces derniers ont très vite été rappelés à l’ordre par leurs camarades. Jusqu’à présent, dit-il, les parents veillent sur cette règle devenue générale au fil du temps. « On peut tout accepter sauf voir deux jeunes qui se battent ici. Chérif Younouss Aïdara a toujours œuvré pour qu’une entente cordiale règne dans ce quartier et entre les différentes ethnies qui le composent. Pour moi, les gens qui vont tenter de violer cette loi un jour sont indignes d’être de vrais habitants de ce beau quartier », poursuit le gardien du temple, soulignant l’impératif d’avoir en bandoulière le respect de l’autre.