SERIGNE MOUNTAKHA MBACKE, CONCILIATEUR ET HOMME DE DIALOGUE
En plus d’être connu comme un grand serviteur du Mouridisme, le Khalife s’est fait remarquer ces derniers temps en rapprochant Macky Sall et Abdoulaye Wade qui pendant sept ans se regardaient en chiens de faïence
Serigne Mountakha Mbacké Ibn Serigne Bassirou de Darou Miname est le représentant du fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, sur terre. En plus d’être connu comme un grand serviteur du Mouridisme, le Khalife s’est fait remarquer ces derniers temps en rapprochant Macky Sall et Abdoulaye Wade qui pendant sept ans se regardaient en chiens de faïence.
Aux nombreux qualificatifs qui lui sont attribués, il faudra ajouter les termes «fédérateur, conciliateur et homme de dialogue». Serigne Mountakha Mbacké a mis fin le 27 septembre dernier à sept ans d’opposition frisant même la haine entre l’ancien Président Abdoulaye Wade et son successeur Macky Sall. Il a profité de l’inauguration de la mosquée Massalikul Jinnaan pour mettre les deux hommes devant le fait accompli, après les avoir exhortés à se concilier pour l’intérêt supérieur de la nation sénégalaise. Un acte qui a permis de décrisper la tension politique ; tout au moins, ce geste du Khalife a mis fin à l’adversité entre les frères libéraux et particulièrement entre le pape du Sopi et le chef de l’Etat qui commençait à prendre des tournures inquiétantes. Par le passé, le grand public a découvert les qualités de médiateur de ce fils de Serigne Bassirou Mbacké, lui-même fils de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, dans la crise qui a opposé, en son temps, le Dahira IzbutTarqiyah et Serigne Moustapha Saliou, un des fils de Serigne Saliou. Depuis, il a servi d’interface vis à vis des Hizbout Tarqiyyah et des autres organisations qui se revendiquent de la Mouridiyya.
En plus d’avoir toujours joué un rôle de médiateur hors pair auprès des différents khalifes. Serigne Mountakha est aussi un grand unificateur notamment autour de principes communs de l’islam. Il y a un an, lors de la cérémonie officielle du premier Magal sous son règne, le guide religieux avait appelé tous les Soufis à prôner le travail et à construire des écoles partout dans le pays, conformément aux enseignements et aux idéaux qu’ils partagent tous, l’éducation spirituelle et l’annihilation de l’être. Il disait ainsi être conscient que la mission de l’islam va de plus en plus être difficile et que les ennemis de la religion musulmane veulent coûte que coûte saper ses fondamentaux. Toujours dans son discours du 29 octobre 2018 qui se tenait dans un contexte préélectoral, il appelait tous les hommes politiques à préserver la paix sociale malgré leur adversité. «Les hommes politiques doivent éviter, à travers leurs discours, de semer la confusion entre les différentes familles religieuses et d’éviter de tenir des paroles de nature à mettre le pays à feu et à sang. Les hommes politiques doivent arrêter de se regarder en chiens de faïence et se faire confiance mutuellement», disait-il. Serigne Mountakha, c’est une présence discrète mais toujours reconnaissable avec son collier de barbe blanche et ses lunettes souvent transparentes, laissant apparaitre ses épais sourcils blancs. L’homme à la voix basse, tremblotante et qui a fréquemment le sourire aux lèvres, sait également se faire intransigeant. La preuve, il a tapé du poing sur la table dernièrement pour dire qu’il ne n’accepterait plus qu’on s’attaque à la confrérie Mouride. Une sortie à l’endroit des énergumènes qui passent leur temps à insulter dans les réseaux sociaux les guides religieux et ceux qui passent tout leur temps à débattre sur des questions d’appartenance confrérique jusqu’à s’insulter. Serigne Mountakha est un homme véridique qui aime souvent rappeler qu’une nation ne se bâtit pas dans le divertissement, mais dans le travail et la droiture.
SERIGNE MOUNTAKHA, UN GRAND BATISSEUR
Il est resté longtemps sous l’ombre titulaire de ses grands frères, Serigne Moussa et Serigne Moustapha. Mais les connaisseurs de la communauté mouride avaient déjà prédit que Serigne Mountakha faisait partie des valeurs sures chez les petits-fils promis à tenir haut l’héritage laissé par leur grand père Cheikhoul Khadim (le serviteur du prophète). Et l’histoire leur a donné raison le 10 janvier 2018, date à laquelle Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a été désigné nouveau khalife général des mourides. Il est ainsi doublement khalife de Bamba et de son père, Serigne Bassirou Mbacké, depuis la disparition de son grand frère et guide Serigne Moustapha Mbacké, il y a neuf ans exactement. L’homme fort de Touba incarne également l’orthodoxie de la communauté mouride. Mieux, Serigne Mountakha Mbacké est un modèle par sa dévotion et son dévouement au service de la communauté. Très respectueux des Ndiguels, il jouissait de la confiance de son vénéré père, Serigne Saliou Mbacké. Une confiance renforcée par les différents Khalifes qui lui ont succédé (Serigne Bara Mbacké Falilou et Serigne Sidy Mokhtar Mbacké). C’est ainsi qu’il était désigné souvent comme le représentant du Khalife dans des évènements tels que la pose de la première pierre de la mosquée de Gouye Mouride à Niarry Tally et le démarrage des travaux de Touba.
Respecté par ses pairs pour son humilité et sa piété, il devient « un élément incontournable dans la marche de la cité religieuse et de la communauté Mouride». C’est à lui également que revient la finition et l’inauguration d’une des plus grandes mosquées de l’Afrique de l’ouest, Massalikul Jinnaan. Il a de ce fait marqué l’histoire pour avoir ouvert ce bijou d’un symbole extraordinaire pour la communauté Mouride. Il fait partie des Grands bâtisseurs de la confrérie. Grand propriétaire terrien, il contribue pour 72 millions de francs CFA à la construction de la mosquée de son village. Outre sa résidence, il possède des champs à Darou Salam Typ, où il a créé une Daara (école coranique) et enseigne à de nombreux disciples les enseignements de son grand-père.
UN RESPECTUEUX DU NDIGUEL
Mais il faut relever que Serigne Mountakha a commencé vraiment à se faire connaitre suite à la disparition de son grand frère Serigne Moustapha Bassirou Mbacké au mois d’août 2007. C’est ainsi qu’il a commencé à diriger la prière de la Tabaski à Diourbel, comme le faisait son aîné. En outre, il lui revient la charge de gérer et de présider le Magal de Porokhane en tant que Khalife de Serigne Bassirou MBACKE. Il dirige également à Diourbel l’évènement dénommé « Foulkou », en référence au nom de l’un des recueils de Khassidas (écrits de Cheikh Ahmadou Bamba), qui se déroule chaque année à Diourbel pendant le Ramadan. A travers cet évènement, les fidèles récitent quotidiennement l’intégralité du Coran et du « Foulkou ». Il s’est investi de cette charge de haute portée religieuse depuis le rappel à Dieu de son frère Serigne Abdou Akim Mbacké en 2013. Serigne Montakha Mbacké Bassirou est connu également pour avoir dirigé les prières mortuaires de Serigne Saliou Mbacké et du fils cadet de Serigne Ahmadou Bamba, Serigne Mourtada Mbacké.
L’INCIDENT AVEC LE PROTOCOLE DE MACKY SALL
A 89 ans, il ne passe jamais incognito avec ses traits physiques, notamment sa barbe blanche avec des côtés fins et biens taillés, mais également des paupières blanches. Très souriant, Serigne Mountakha Mbacké aime bien les lunettes qu’il porte souvent. Il adore la lecture du coran et des Khassaides (écrits du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba). Au-delà du fait qu’il incarne l’orthodoxie Mouride et œuvre beaucoup pour la propagation du message de Cheikh Ahmadou Bamba, on le décrit également comme étant très émotif. Il arrive qu’il fonde en larmes lorsqu’il parle de son grand père et guide Cheikh Ahmadou Bamba. L’une de ses marques de fabrique, c’est également l’humilité et la modestie. On le voit souvent assis à même le sol, penché sur le livre saint. Il est décrit également comme un homme de dialogue et de paix.
Et il en a fait preuve lors du magal Touba de 2015 à l’occasion duquel, il a été empêché par le protocole du chef de l’Etat Macky Sall d’accéder à la grande mosquée, lors de la prière de vendredi qui a précédé l’évènement religieux. Il était venu ensuite à la rescousse de Macky Sall, attaqué de toutes parts par ses détracteurs et certains fidèles mourides, en soutenant qu’il était revenu sur ses pas de son propre chef et que personne ne l’a obligé à rebrousser chemin. «Je m’excuse auprès de tout le monde pour ces rumeurs. Ce ne sont que les faits de Satan. Je me suis dit que si j’accède à l’intérieur, je vais créer quelques mouvements par-ci et par-là. Je me suis dit qu’il est plus sage pour moi de retourner à la mosquée qui se trouve près de chez moi. C’est comme ça que les choses se sont passées. Il n’y a rien d’autre», avait-il martelé sauvant dans la foulée le chef de l’Etat de l’embarras et de la clameur populaire. Considéré comme un homme de dialogue, cultivé, rassembleur et respectueux de l’orthodoxie mouride, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a grandi dans l’ombre de ses frères. Il a étudié le Coran et les préceptes de son grand-père, fondateur de la confrérie, d’abord sous l’égide de son père Serigne Bassirou, puis en Mauritanie.
Le huitième dignitaire de la confrérie soufie tire toutes ses vertus précitées de son papa, Serigne Bassirou MBACKE (1895 - 1966) Borom Darou Miname (Ndlr : le propriétaire de Darou Miname). Son papa, dépeint comme un homme plein de connaissances et d’une humanité extraordinaire, a été nommé, par Serigne Fallou, Vice-Président du Conseil Administratif chargé de la réalisation de la Grande Mosquée de Touba le 25 Juin 1947, lors de la reprise des travaux de la dite Mosquée, alors que Serigne Fallou en était le Président. Borom Darou Miname n’a jamais été Khalife. Son engagement pour la communauté a été cependant rétribué, puisque c’est son fils qui détient aujourd’hui les reines de la confrérie.