MAME MATY MBENGUE, LA SAGA D'UNE REINE
Parmi ceux qui ont fait gagner le Sénégal figurent les «Lionnes» avec comme icône, dans les années 1990 à 2000, ce talent. L’histoire et les confidences de la meilleure basketteuse d’Afrique du siècle méritent d’être contées
Certains sportifs sénégalais se sont distingués sur les pelouses, les pistes, les tapis et autres parquets du continent africain et dans le monde. Ils ont porté haut l’étendard national. Parmi ceux qui ont fait gagner le Sénégal figurent les «Lionnes» avec comme icône, dans les années 1990 à 2000, Mame Maty Mbengue. L’histoire et les confidences de la meilleure basketteuse d’Afrique du siècle méritent d’être contées. Partagées.
Elle a tiré sa révérence en novembre 2000 à Tunis, au soir d’un cinquième sacre continental avec les «Lionnes» du basket. «Un de mes meilleurs souvenirs, car c’est très important de terminer sa carrière en beauté. Ce succès, je l’ai bien aimé car j’avais répondu à tous les espoirs placés en moi en contribuant à la reconquête du titre africain par notre pays. Il y a aussi mon titre de «Reine» en 1986 qui m’a beaucoup marqué parce que c’était ma première distinction individuelle. C’était une source de motivation. Je l’avais pris comme un encouragement à persévérer. Le titre de Meilleure sportive du Sénégal «Lion d’or» 1990 fait aussi partie de mes distinctions inoubliables. Je suis aussi fière de mon élection comme Meilleure basketteuse de Dakar du Cinquantenaire en 2010 car c’était à l’issue d’un sondage et d’un vote. Et aussi de celle de Meilleure basketteuse africaine du Cinquantenaire remportée en 2011, c’est un honneur et une fierté d’être distinguée sur tout un continent. Dans d’autres pays, ce titre aurait été fêté à sa juste dimension». Excusez du peu.
À sa famille surtout, ses enfants auxquels elle a «décidé désormais de consacrer [son] temps», elle aura sans nul doute beaucoup de belles choses à raconter. «J’ai fait un départ volontaire à la Lonase où j’étais chef de la gestion des stocks en mars dernier pour bien m’occuper de l’éducation de mes enfants qui sont très jeunes». Son parcours qui lui a permis de faire partie du club très fermé de ceux qui ont fait gagné le Sénégal des lauréats de l’excellence sportive mérite le détour. D’être conté.
Excellence sportive
Car la trajectoire dorée de la «Lionne» au regard d’ange et au tempérament sportif de feu a fière allure ! Elle a, au propre comme au figuré, la taille d’une légende vivante du basket-ball sénégalais. Et africain. Avec elle, la réussite a le nom d’un charme en mouvement sur le parquet. La réussite a, tout simplement, le nom de Mame Maty Mbengue ou MMM. Une signature de qualité qui tisse, au-dessus des temps, une couronne de gloire. Elle est fille du siècle dernier et icône de tous les siècles. Meilleure basketteuse de Dakar et surtout meilleure joueuse du continent noir du cinquantenaire, cette suzeraine est dans la légende des cinq dernières décennies du 20ème siècle. Et au-delà !
Vous y êtes ? Voilà, c’est adjugé ! Mame Maty Mbengue est la Meilleure basketteuse africaine du cinquantenaire de Fiba-Afrique (1960-2010). Un demi-siècle d’une gracieuse plénitude sur les terrains de la balle orange. Un demi-siècle d’une dextérité qui n’a d’égal que le devoir d’excellence. Au pays des merveilles sportives, MMM est tout simplement Reine. Disons, la «Reine des reines», dans un cru du tonnerre ayant comporté des signatures prestigieuses sur deux générations successives. Elle est la benjamine des anciennes comme Mame Penda Diouf, Marième Bâ, Nafissatou Diagne, Rokhaya Pouye, vainqueurs du sceptre continental en 1984. Elle a donc joué avec la première vague de basketteuses sénégalaises qui a trusté 5 titres (1974,1977, 1979,1981 et 1984) aux compétitions continentales. Plus tard, elle est l’ancienne des benjamines : Khady Diop, Adama Diakhaté, Anne Marie Diokh, Nathalie Sagna, Aminata Kane, Mborika Fall, Adama Diop.
Mame Maty Mbengue est tout simplement le trait d’union entre ces deux générations. Cette passerelle de talent, forgée à la fois dans le feu de la persévérance et la grâce de la technicité, est «Reine» : traduisez la Meilleure basketteuse sénégalaise 1986, avec un palmarès en or massif (vainqueur du championnat d’Afrique féminin des nations en 1984, 1990, 1992, 1997 et 2000, des Jeux de la Francophonie 1997). Ses mains rendent au jeu sa noblesse. Sa tête, également, l’encline à allier savoir-faire et savoir-être. En elle-même, elle est une marque de fabrique : la dextérité en tête de raquette et un bras roulé ravageur digne de l’inventeur du «skyhook», la légende de la Nba Kareem Abdul Jabbar. Le sceau d’une poésie du parquet !
«La force du basket sénégalais, c’était d’abord l’entente au sein de la fédération. Il y a aussi la très bonne formation. À l’époque, en équipe nationale, nous bénéficions d’un régime sports-études. On ne rentrait à la maison que les mercredis et les vendredis. Tout le reste du temps nous étions ensemble sous la direction de Pa Bona (feu Bonaventure Carvalho) et d’une grande dame (feue) Awa Dia, qui outre le basket nous apprenaient le savoir-vivre, le savoir-être, pour tout dire nous donnaient une très bonne éducation.»
Main et coeur d'or
Ce talent est porté par un grand cœur. L’ancien pivot de la Jeanne d’Arc de Dakar est une femme aux qualités certaines. Quelle est la basketteuse sénégalaise qui achetait des paires de chaussures à ses partenaires et adversaires ? Qui était surnommée, par les dirigeants du basket, «Ndèye Déléguée» parce qu’elle s’occupait des questions sociales de ses coéquipières ? Cette générosité porte le nom de Mame Maty Mbengue !
Elle a réussi des pièces de maître, comme en peinture. Son plus beau morceau d’anthologie date de mars 1990, à Tunis, à l’occasion de la 12è édition du championnat d’Afrique féminin des nations de basket (Afrobasket). Étudiante à l’université d’Ohio, aux États-Unis (où elle a décroché un Mba en Business administration), elle transite par Paris pour rallier la capitale tunisienne. Sans visa, elle débarque à l’aéroport Roissy Charles De Gaulle. Arrêtée et menottée de 7h à 20h, elle est relâchée. Meurtrie dans sa chair, elle débarque à Tunis en pleurs, à la veille de la demi-finale. Son dévouement à la «Cause Sénégal» est récompensé par ce dernier panier (70-68) marqué sur une passe de Nathalie Sagna (sa coéquipière à la JA de Dakar) à la dernière seconde et qui a valu aux «Lionnes» la médaille d’or. Le mythe du Zaïre (actuel Rd Congo) des Linguengua Bofonda, Kamanga et autres Limpopo venait d’être exorcisé. À part le championnat d’Afrique de Johannesburg, en 1994, survolé par les Zaïroises, son parcours a presque toujours été jalonné de succès.
«Les Lionnes d’aujourd’hui sont très talentueuses, ce qui leur manque, c’est un peu le temps et la bonne préparation des compétitions. À notre époque, plus de 90 % de l’équipe était sur place, ce qui faisait que la préparation des compétitions était permanente. Aujourd’hui, la majorité de l’équipe est composée d’expatriée disséminée à travers le monde contrairement au Nigeria dont toute l’équipe est constituée d’étudiantes dans les universités américaines». À l’en croire, la reconquête du sceptre continental perdu en 2017 au profit des D’Tigers du Nigéria est une véritable gageure même si elle «est possible». Sans nul doute, l’équipe de Moustapha Gaye devra penser à la surmultiplier pour retoucher le ciel continental.
Pour l’heure, c’est en portant son engagement comme un viatique que Mame Maty Mbengue a fait du chemin. Elle a grandi sous le panier et, mieux, en se hissant à la hauteur des nécessaires coups de génie sur les sentiers abrupts de la victoire. Rien ne présageait cette trajectoire merveilleuse pour la benjamine (16 ans) qui est apparue, pour la première fois en 1984, à Dakar, en championnat d’Afrique des nations. Celle qui a débuté le basket sur le tard (à 14 ans, elle est née le 13 avril 1968 à Dakar), révèle qu’elle ne voulait pas se consacrer à une carrière au basket. Avec le conseil et les entraînements de soutiers comme feu Larry Diouf et plus tard des coaches de la Jeanne d’Arc de Dakar, André Akibodé et Assane Guissé, elle apprend les rudiments du basket au terrain du collège Saint Michel. Le légendaire Bona, l’inimitable Mamadou Sow et autres Cheikh Fall se chargent de polir ce diamant brut.
Jamais une basketteuse africaine n’a eu une telle aura. Mame Maty Mbengue est la figure légendaire de la phalange insatiable qu’est l’équipe des «Lionnes» du Sénégal. La Meilleure équipe africaine du Cinquantenaire de Fiba-Afrique (1960-2010).
Ce n’est pas un hasard si elle bénéficie de l’onction de tous les spécialistes du basket en Afrique. «Lion d’or» du Soleil 1990 (le titre qui récompense la Meilleure sportive du Sénégal). La «Linguère du Sport» 2004», l’ancienne vice-présidente de la fédération et du Comité de normalisation du basket (Cnbs), «Capitaine Mame Maty», c’est la classe et le patriotisme. Son nom est inscrit en lettres d’or au Panthéon du basket sénégalais et continental.
«C’est au prix d’énormes sacrifices», reconnaît-elle avec le temps. C’est sans nul doute pourquoi, «avec les problèmes crypto-personnels, j’ai préféré me retirer de la Fédération et me consacrer à l’éducation de mes enfants qui sont de bas âge. J’étais une joueuse sans histoires… Les gens ont des souvenirs merveilleux de moi, je ne veux pas gâcher cette image.»