QUAND LE MINISTRE ABDOU K. FOFANA ET AUGUSTIN SENGHOR NE PARLENT PAS LE MEME LANGAGE...
Le Sénégal ne va pas abriter la CAN 2027. Les raisons qui ont fait perdre le Sénégal sont diversement appréciées par le président de la fédération Me Augustin Senghor et le ministre Abdou Karim Fofana qui a défendu le dossier du Sénégal
Le Sénégal ne va pas abriter la CAN 2027. Les autorités en charge du football africain ont préféré le trio Kenya-Ouganda-Tanzanie à la place du pays champion d’Afrique en titre. Les raisons qui ont fait perdre le Sénégal sont diversement appréciées par le président de la fédération Me Augustin Senghor et le ministre Abdou Karim Fofana qui a défendu le dossier du Sénégal.
Après la désignation de l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya pour accueillir le tournoi sportif le plus prestigieux du continent, les autorités sénégalaises, en l’occurrence le ministre Abdou Karim Fofana et le président de la Fédération de Football Me Augustin Senghor, ne sont pas allées dans le même sens pour expliquer les raisons de cet «échec».
Dans les colonnes du quotidien « L’Observateur » de vendredi dernier, le ministre Fofana, qui a défendu le dossier du Sénégal devant le jury de la CAF, a d’emblée dégagé deux arguments qui ont motivé notre candidature à savoir le fait que le Sénégal est resté 35 ans sans organiser la CAN et la tenue des JOJ en 2026 dans notre pays qui va faire bénéficier le Sénégal de nouvelles infrastructures. En s’appuyant sur ces atouts pour convaincre les autorités de la CAF, la partie sénégalaise devait comprendre que ces deux arguments ne pouvaient pas peser sur la balance dès l’instant que l’Afrique de l’Est est restée plus longtemps que le Sénégal sans accueillir la compétition soit 47 ans.
S’agissant du second argument brandi, les JOJ de 2026 se tiendront à Dakar et par conséquent les infrastructures qui seront construites à cet effet n’auront aucun impact sur les autres régions. Vu sous cet angle, le Sénégal ne pouvait pas disposer plus de chances que ses trois concurrents regroupés en trio. Parlant des infrastructures, M. Fofana n’a pas voulu reconnaître leurs caractères déterminant pour le choix ; « personne n’est attributaire sur la base de l’existant », dit-il.
Une position loin d’être partagée par Me Augustin Senghor d’après qui « le Maroc et l’Algérie n’ont pas besoin de s’engager sur des travaux car tout est déjà prêt. C’est pourquoi à chaque fois qu’ils déposent leurs candidatures, ils ont une longueur d’avance sur leurs concurrents », a-t-il rappelé. C’est pourquoi malgré qu’il ait resté 25 ans sans organiser une CAN « le Maroc a continué à faire des infrastructures. Ce qui lui permet de remplir tous les agrégats pour se voir confier l’organisation de la CAN 2025 » poursuit-il. Donc vouloir soutenir que la préférence de la CAF au trio de l’Est du continent n’est pas liée à son avance sur le Sénégal par rapport aux infrastructures est d’une grande légèreté derrière laquelle se cache un refus de reconnaître l’implacable vérité. Et les résultats issus des votes le confirment puisque le Sénégal n’a récolté que 4 voix là où le trio a eu 8 voix. Au lieu de verser dans ce jeu loin d’être convaincant, nos autorités devraient plutôt s’orienter vers une politique pour réduire l’écart en infrastructures entre Dakar et le reste du territoire national. Ceci permettra d’avoir un dossier plus lourd et mieux défendable pour prétendre accueillir un évènement aussi important qu’est la CAN qui, au-delà de l’aspect sportif, revêt un caractère économique, politique, culturel et social. Autrement c’est perdu d’avance. A plus forte raison quand elle se joue à vingt-quatre nations et donc dans au moins six régions. A l’heure actuelle, l’essentiel des hôtels dont nous disposons sont concentrés entre Dakar et Saly et à un degré moindre Ziguinchor et SaintLouis. A part ces régions, c’est presque rien comme semble le reconnaître le porte-parole du gouvernement «le Sénégal d’aujourd’hui c’est: aéroports, Diamniadio, Yoff, Saint Louis, Ziguinchor, Cap-Skirring». Au plan sportif, c’est encore pire puisque les seuls stades répondant aux normes internationales sont ceux de Abdoulaye Wade de Dakar et de Lat Dior de Thiès. Hormis ces deux, l’existant ne peut servir qu’à recevoir des rencontres de championnat national ou de Navetane. Ce que n’a pas nié l’actuel ministre du Commerce. « On avait une vue claire de ce que nous voulions faire avec les infrastructures sportives». Ce qui constitue un aveu de taille dès l’instant qu’il parle de «la mise à niveau des infrastructures». Autrement dit travailler pour une politique de décentralisation permettant à toutes les régions d’être dotées d’infrastructures modernes. D’où l’appel de Me Augustin Senghor pour rectifier le tir. « Les stades qui existent sont en chantier. Ils ont considéré que ces stades ne sont pas prêts. L’autre critère déterminant c’est le déséquilibre dans le réceptif hôtelier. Ce qu’il faut corriger si nous voulons nous repositionner pour 2029 ou 2031 », a alerté le patron du football sénégalais.
Revenant sur les chances du Sénégal, M. Fofana fait dans les calculs et le conditionnel. « On est en 2023. Si le Sénégal avait été choisi, on aurait 3 ans pour réaliser tout cela...Le stade Abdoulaye Wade a été construit en 20 mois », tente-t-il de convaincre. Mais ce qu’il oublie de souligner, c’est que le temps qui nous sépare de l’échéance 2027 est plus court que cela. Avec une très possible alternance, on aura de nouveaux dirigeants qui auront besoin d’au moins six mois pour prendre leurs repères. On sera en fin 2024, donc à 24 mois de la compétition. Et si on enlève les possibilités de retard dans certains travaux nous ne serons plus dans les délais requis.
En définitive, il s’agit d’apprendre des erreurs qui nous ont valu cet échec cuisant pour rectifier le tir à la prochaine tentative. C’est d’ailleurs ce à quoi invite Me Senghor. « Notre problème, ce n’est pas Dakar mais la distribution sur l’ensemble du territoire. Il faut qu’on continue à réaliser des projets de construction de stades. Mais aussi desinfrastructures qui vont avec. De sorte que quand il y a un nouvel appel à candidature, nous ayons évolué au niveau des critères pour être entre 60 et 80% », a-t-il conseillé. Espérons que le futur président va en faire une de ses priorités.