«CEUX QUI SONT RICHES CONSTITUENT LA MINORITE, C’EST ÇA QUI CREE LE MALAISE DANS CE PAYS»
ME OUSMANE SEYE, AVOCAT A LA COUR, LEADER DU FRONT PATRIOTIQUE

Un Me Ousmane Sèye d’attaque commente, sans fard, l’actualité nationale. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’avocat et membre du pôle présidentiel se lâche, jamais il ne l’avait fait auparavant, pour dire des vérités crues, notamment sur le plan social : «Ceux qui sont riches constituent la minorité, c’est ça qui crée le malaise dans ce pays».
Vous avez été un des acteurs du procès Karim Wade et ses co-accusés. Le débat sur la légalité ou non de la Crei a été très passionnant...
Malgré tous les soubresauts, toutes les gymnastiques juridiques proposées par certains juristes, la Crei est une juridiction légale. Elle n’a jamais été abrogée. Elle n’a jamais été abrogée. Elle a été mise en veilleuse. Une loi mise en veilleuse n’est pas une loi inexistante. C’est une loi qui existe, qui est légale et qui est conforme à la Constitution du Sénégal. Et donc, elle a été réactivée par Macky Sall. Mais, le Président ne s’est pas arrêté là. Il a mis en place, conformément à la directive de l’Uemoa, en 2009, pour la transparence de la gestion des derniers publics, l’Ofnac, qui a un pouvoir d'autosaisine, qui a un pouvoir d’investigation énorme, qui a une compétence très étendue. Il a aussi fait adopter une loi sur la déclaration de patrimoine. Voilà des structures préventives efficaces contre la corruption et l’enrichissement illicite. Maintenant, je dis que Macky Sall a mis les charrues avant les bœufs.
Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
Parce qu’il fallait attendre la mise en place de l’Ofnac et le vote de la loi sur la déclaration de patrimoine pour déclencher la lutte contre l’enrichissement illicite et la corruption. Je vais vous dire pourquoi. Parce que, quand Macky Sall est arrivé au pouvoir en 2012, il a fait déclencher la lutte contre l’enrichissement illicite au mois de juillet. Il n’y avait pas encore la mise en place de l’Ofnac ni le vote de la loi sur la déclaration de patrimoine. Donc, l’Etat du Sénégal a saisi la Section de recherches de la gendarmerie pour procéder à des enquêtes de patrimoine. Ce qui n’est pas de sa compétence. Il faut le dire. Les gendarmes ne sont pas formés pour enquêter sur le patrimoine des individus. L’enrichissement illicite n’est pas un délit de droit commun. Je peux même dire que les gendarmes qui ont en charge ces dossiers n’ont jamais enquêté sur un tel délit, le délit d’enrichissement illicite. Et c’est pourquoi, il y a eu tout un débat autour du droit de la propriété, autour du droit de l’étendue du patrimoine, qui sont des notions plutôt civiles que pénales. Si on avait attendu la mise en place de l’Ofnac et la déclaration de patrimoine, l’Ofnac se serait auto-saisie des dossiers des personnes soupçonnées et aurait fait des investigations pour déposer ses conclusions directement au Procureur spécial près la Crei, il n’y aurait pas eu tout ce débat autour du droit de la propriété. Donc, c’est une erreur de procédure qui a été commise dans le déclenchement de la lutte contre l’enrichissement illicite et la corruption.
Que prônez-vous pour régler le problème des longues détentions préventives?
Il y a des efforts qui ont été faits. Pour les délits de droit commun, c’est-à-dire des délits qui ne sont pas des atteintes à la sûreté de l’Etat, la détention maximale au niveau de la détention provisoire est de 6 mois. Après 6 mois, si la personne n’est pas jugée, elle est immédiatement remise en liberté. Ce que je préconise pour les longues détentions, c’est deux choses : qu’il y ait un juge de la liberté, l’instruction d’un juge de la liberté. Parce que, pour moi, le procureur de la République ne doit pas avoir le pouvoir de placer sous mandat de dépôt quelqu’un, parce qu’il n’est pas juge, et il est lié par la hiérarchie. Il n'y a que le juge qui jouit d’une indépendance totale de par son statut. La liberté, c’est une notion constitutionnelle. Le fondement de la liberté est d’ordre constitutionnel. Il n’y a que le juge qui doit priver une personne de sa liberté, mais pas le procureur de la République. Parce qu’on se rend compte que, quand des personnes sont déférées devant le procureur par la police ou la gendarmerie, presque le mandat de dépôt est immédiat. La personne n’est pas assistée. Le procureur de la République, il place automatiquement la personne sous mandat de dépôt. Mais, cela est un facteur d’encombrement de nos prisons. Sans raison, il y a beaucoup d’innocents qui sont placés sous mandat de dépôt, qui sont envoyés en flagrant délit et qui sont libérés après. C’est la première mesure. Enlever au procureur de la République son pouvoir de placer quelqu’un sous mandat de dépôt. La deuxième chose, c’est créer plusieurs juridictions pour que la procédure qui aboutit au jugement des personnes soit rapide. On ne peut placer sous mandat de dépôt quelqu’un et le juger un an, deux ans après. Et pour cela, il faut recruter beaucoup de magistrats, beaucoup de greffiers, créer beaucoup de juridictions, créer beaucoup de Chambres correctionnelles. Ce sont pour moi, les deux solutions pour éviter les longues détentions, surtout les détentions arbitraires. Et puis, il faut supprimer le retour de Parquet.
Pourquoi préconisez-vous la suppression du retour de Parquet ?
Parce que c'est une pratique illégale. Ce n’est pas prévu dans le Code de procédure pénale. On défère quelqu’un devant le procureur de la République, le procureur de la République n’a pas le temps ou bien la personne est en train de négocier, le Procureur dit : «On ne vous entend pas, on ne vous libère pas, on ne vous met pas sous mandat de dépôt, on vous fait retourner à la Police». Il n’y a plus de délais de garde-à-vue, parce que la garde-à-vue est terminée. Et donc, pendant une semaine, il y a des va-et-vient entre la police, la Brigade de gendarmerie et le Parquet. On fait renvoyer la personne, ce que l’on appelle illégalement le retour de Parquet. Il faut mettre fin à cette pratique. Si la personne, on ne peut la mettre sous mandat de dépôt, il faut libérer la personne. Le principe, c’est la liberté, et la détention est l’exception. Il faut revenir à ce principe du droit pénal et du droit de procédure pénale.
Macky Sall a sifflé la fin de la récréation par rapport à la question de la réduction de la durée de son mandat. Mais, la polémique est loin d'être finie...
Je suis un peu gêné et même choqué du fait que le Président ait consacré huit jours à la région de Kaolack, huit jours pendant lesquels, le Président a inauguré des routes, posé des actes économiques forts, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent, et que la presse ait retenue de cette tournée économique deux choses qui sont des épiphénomènes par rapport à l’objectif de la tournée économique : la transhumance et la réduction du mandat du président de la République. Macky Sall a parlé de ces deux épiphénomènes pendant une conférence de presse. Je le félicite d’avoir organisé cette conférence de presse avec des journalistes Sénégalais à l’intention du peuple sénégalais, après avoir fait huit jours à l’intérieur du pays, pour la deuxième fois. Et j’espère qu’il va continuer cette tournée. Et on ne retient de cette tournée que la transhumance et la réduction du mandat du président de la République. Le président de la République a raison de dire qu’il faut que ce débat s'arrête, parce qu’il a clos ce débat. De quoi s’agit-il ? Le président de la République avait décidé, en tant que candidat, une fois élu, de réduire le mandat présidentiel, de 7 à 5 ans. Il a été élu. Il n’a jamais renoncé à sa promesse. Il l’a réitéré plusieurs fois. Mais, ce qu’il faut comprendre en droit, c'est que le président de la République, sur la base d’une Constitution qui prévoit un mandat de 7 ans. La deuxième chose, il n’appartient pas au président de la République, lui-même, de réduire le mandat présidentiel, parce que ce mandat ne lui appartient pas. Il est impropre pour un Président de dire : «Je vais réduire mon mandat». Parce que c’est le peuple qui lui a délégué le pouvoir pendant 7 ans. Le mandat ne lui appartient pas, il appartient au peuple qui le lui a délégué. Et le président de la République, pour respecter son engagement a dit : «C’est le peuple qui m’a délégué ce mandat, je vais consulter le peuple par voie référendaire». Il a même indiqué la date, en 2016. Donc, de ce point de vue, politiquement parlant, le président de la République a entièrement respecté son engagement de réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Donc, ce débat est clos comme il le dit.
Est-ce qu’il y aura un effet rétroactif ?
Je suis juriste. Je suis constitutionaliste, j’ai une formation en droit administratif, je suis juriste publiciste et avocat. Ce que j’ai appris en droit, c’est que la loi ne dispose que pour l’avenir. La loi constitutionnelle n’est pas rétroactive. Pour qu’elle soit rétroactive, il faut qu’il y ait une décision explicite de la Constitution pour la faire rétroagir. Cela veut dire que si on pose par voie référendaire au peuple sénégalais la question de savoir, si le mandat présidentiel doit être réduit de 7 à 5 ans, si le peuple répond Oui, ce Oui ne sera applicable qu’à l’avenir, qu’au prochain mandat. Pour que ce Oui soit rétroactif, il faut poser une question secondaire au peuple sénégalais : Est-ce que cette réduction doit s’appliquer au mandat en cours du président de la République ? Deux questions. Si le peuple répond Oui, la rétroactivité sera applicable au Président. Si le peuple répond Non, cette rétroactivité ne sera pas applicable, et la loi ne sera applicable que pour l’avenir. De mon point de vue, ce qui est vraiment juridique, ce qui est constitutionnellement exact, c’est que le référendum soit organisé, et que la réduction ne soit appliquée que pour le prochain mandat. C’est ça qui est normal.
Les propos tenus par le Président Sall sur la transhumance et les réactions qui s’ensuivirent sont en train de miner «Benno bokk yakaar»…
Je n’aime pas le concept transhumance. Je l’ai toujours dit, parce que c’est un concept qui ne permet pas d’analyser la mobilité politique et la recomposition politique. Mais, tel que je l’entends comme concept, je considère que c’est une donnée politique de l’histoire politique sénégalaise. Depuis Lamine Guèye, Blaise Diagne, Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, cette mobilité politique qu’on appelle transhumance, cette recomposition politique qu’on appelle transhumance, existe. Les personnes qui essaient de lier ce phénomène à la dignité de ces personnes, à l’éthique politique - j’en suis sûr et certain - ne sont pas plus dignes, n’ont pas plus d’éthique en matière politique que ceux qu’ils accusent de transhumance. Pour moi, ce qui importe, c’est de laisser les hommes politiques se mouvoir librement, d’autant plus qu’aujourd’hui les gens disent qu’il n’y a plus d’idéologie. Pour moi, si le concept de transhumance devait être appliqué, il serait appliqué à des communistes, à des socialistes qui reniaient leur idéologie, au profit de l’idéologie libéraliste. C’est ça pour moi la transhumance. La transhumance, c’est celui qui renie son idéologie, qui quitte son parti qui a une certaine idéologie, au profit d’un autre parti qui a une idéologie contraire d’une autre idéologie. Mais, aujourd’hui, des militants qui ont travaillé avec Macky Sall dans le Pds où ils partageaient la même idéologie politique, peut-être la même vision politique, qui ont décidé de le rejoindre, aujourd’hui, ce sont des personnes qui ne sont pas des transhumants, qui ne se sont pas reniés idéologiquement, qui partagent avec Macky Sall sa vision politique et son idéologie politique. Ce ne sont pas des transhumants.
Donc, vous ne vous considérez pas comme un transhumant?
Moi, je dirige un parti politique, dont je suis le président, je suis coordonnateur national d’une coalition politique qui a gardé son organisation sur le plan organique, qui est indépendant, mais qui est dans la mouvance présidentielle comme l’Afp est dans la mouvance présidentielle, comme le Parti socialiste, comme le parti socialiste est dans la mouvance présidentielle. Je dois dire aussi une autre chose, il y a des partis politiques et des personnalités politiques qui ont accompagné le président de la République pour son élection en 2012 et qui l’ont quitté. Le parti d’Idrissa Seck en fait partie, le parti de monsieur Ibrahima Fall en fait partie, le parti de monsieur Moussa Touré en fait partie. Moubarack Lô a quitté et d’autres. On ne dit rien sur ça ! Aujourd’hui, pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être investi par un parti politique. Il y a des pans entiers de la coalition qui avaient participé à l’élection du président de la République qui l’ont quitté et voulez-vous que le président de la République ne travaille pas pour élargir sa coalition pour massifier son parti. Quand, il le fait, on dit qu’il prend des transhumants, et quand les gens quittent son parti, on applaudit. Mais, c’est contre le Président Macky Sall, c’est contre son avenir politique, ceux qui parlent de transhumance. Moi, je pense que les gens qui parlent de ça, ils ont intérêt à travailler pour le Sénégal, à faire valoir leurs compétences, pour que les gens aient besoin d’eux, pour que le pouvoir ait besoin d’eux. Il y a des personnes qui n’ont rien à envier au pouvoir. Moi, j’en fais partie. Moi, je n’ai jamais été au pouvoir «Al Hamdoulilah». Je ne baisse les yeux devant personne. J’ai ma profession. Je veux servir mon pays, et je le fais comme je le veux. Personne n’a de leçons à me donner, ni d’éthique, ni de morale, ni d’engagement.
A moins de deux ans de la Présidentielle, ne pensez-vous pas qu’il est temps que le Président Macky Sall prenne ses responsabilités par rapport à «Benno bokk yakaar» (Bby), où certains ont déjà annoncé leur candidature ?
Pour moi, il n’y a aucune responsabilité que le président de la République doit prendre au niveau de «Bby». S’il s’agit de chasser tel parti ou telle personne, si on attend ça du Président Macky Sall, on attendra longtemps. Il ne le fera pas. Le président de la République a réitéré plusieurs fois son option pour la consolidation et l’élargissement de «Bby» comme coalition politique chargée de mettre en œuvre sa politique, et de prendre en charge son programme politique. Seulement, comme je l’ai toujours dit, «Bby» n’est pas encore une coalition politique, elle est toujours à l’état de coalition électorale. Parce que c’est la même coalition qui était une coalition électorale entre les deux tours, plutôt pour faire partir Abdoulaye Wade que pour élire un Président et de gouverner avec ce Président-là. Parce que les membres qui composent «Bby» n’ont pas le même programme politique, n’ont pas la même vision politique, n’ont pas la même stratégie politique. Et c’est pourquoi, d’ailleurs, sur le plan de la communication gouvernementale, il y a des critiques qui sont faites. Je voudrais, à ce niveau, d’ailleurs, faire deux précisions : la communication du gouvernement ne peut pas être prise en charge par les professionnels de la communication, car la communication d’un gouvernement est une communication politique qui doit être prise en charge par les hommes politiques, par les partis politiques, par les personnalités politiques, nécessairement par la coalition politique qui accompagne le Président. Or, la coalition qui accompagne le Président qui est «Bby» n’est pas encore une coalition politique, et c’est pourquoi, il y a des incohérences, des failles dans la prise en charge de la communication gouvernementale par «Bby». La communication gouvernementale doit encore être prise en charge par le gouvernement lui-même. Mais, le contenu de la communication, ce sont les hommes sur le terrain, c’est le gouvernement dans son ensemble et le gouvernement pris individuellement qui doit prendre en charge la communication du gouvernement. Ce qui n’est pas fait. Même si cela est fait, c’est d’une manière insuffisante. La communication gouvernementale doit être aussi prise en charge par le parti du Président qui est l’Apr. Mais, il se trouve que son propre parti est dans la coalition «Bby», son parti est jeune, il n’est pas structuré, et il y a des incohérences sur la communication du parti du président de la République. Il faut corriger toutes ces insuffisances.
Que suggérez-vous pour que le tir soit rectifié ?
C’est pour dire qu’aujourd’hui, on doit travailler à ce que «Bby» soit une coalition politique. Pour qu’elle soit une coalition politique, il faut que tous les partis, toutes les personnalités, tous les mouvements qui composent cette coalition aient la même vision politique, acceptent de prendre en charge le programme Sénégal émergent qui est le programme du président de la République. Vous ne pouvez pas être dans une coalition politique, avoir un autre programme économique, avoir une autre vision politique que celle du président de cette coalition qui est le Président Macky Sall. Et aujourd’hui, il est manifeste que dans la coalition «Bby», il y a des partis qui ont leur propre agenda politique, leur propre programme politique et leur propre vision politique, et ça ne peut pas marcher. Si le président de la République doit prendre ses responsabilités, c’est à ce niveau-là. Que le débat soit posé au niveau de la coalition «Bby», que «Bby» soit élargie, que tous les partis politiques, les personnalités politiques qui sont aujourd’hui d’accord sur le programme du président de la République, sur sa vision politique, rejoignent «Bby» et tous ceux qui ne sont pas d’accord avec le programme du président de la République aient la responsabilité et l’honnêteté de quitter la barque et d’essayer de faire aboutir leur propre programme économique, leur propre vision politique. Dans tous les cas, si nous ne le faisons pas, le peuple sénégalais est là, veille, et jugera, le moment opportun.
Soyez plus explicite Maître ?
Vous ne pouvez pas être avec quelqu’un dérouler son programme, dans le cadre d’un gouvernement, dérouler son programme, dans le cadre du Parlement de l’Assemblée nationale, dérouler son programme sur le terrain politique en apparence, et à l’arrivée dire : «Moi, j’ai un autre projet de société, j’ai un autre programme que je vais proposer aux Sénégalais. J’étais avec vous, mais c’était pour refaire ma santé financière, pour occuper des postes, et maintenant, je vais me dresser contre vous». En ce moment-là, le peuple sénégalais tranchera, et tranchera bien. J’ai confiance au peuple sénégalais.
A entendre ceux qui sont au pouvoir, les opposants, et le Sénégalais lambda, on a comme l’impression qu’il y a plusieurs Sénégal…
Moi, je suis d’accord avec vous. Il y a plusieurs Sénégalais, et il y a plusieurs Sénégal. Il y a le Sénégal de la richesse, les Sénégalais qui sont riches, il y a des Sénégalais qui sont moyennement riches, il y a des Sénégalais qui sont très pauvres. Et c’est ça qui crée le malaise dans ce pays, parce que ceux qui sont riches constituent la minorité. Ceux qui sont moins riches, c’est la moyenne des Sénégalais ; ceux qui sont très pauvres, c’est la majorité des Sénégalais. Alors, tout le problème au Sénégal, c’est comment redistribuer la richesse pour qu’il y ait un équilibre entre ces catégories sociales qui sont tous des Sénégalais. Quand le président de la République nous dit qu’il y a plus de masse monétaire qui circule au Sénégal, aujourd’hui, qu’en 2012. C’est vrai ! Mais, cette masse monétaire circule à quelle vitesse et entre qui ? C’est ça le débat. Si cette masse monétaire a augmenté et circule entre les riches, mais les pauvres demeurent pauvres. Il y a ce malaise-là, et j’ai tout l’impression que c’est vrai qu’il y a plus de masse monétaire qui circule, mais cette masse monétaire circule mal, parce que mal répartie. Et tout le problème du président de la République - je le sais, il m’en a parlé - c’est comment rééquilibrer cette circulation, cette richesse, comment redistribuer les richesses entre les populations sénégalaises pour que toutes les catégories sociales soient à un niveau équilibré. C’est une révolution, et c’est pourquoi je dis que le Président Macky Sall est un révolutionnaire social. Moi, j’ai discuté profondément avec lui sur ce plan-là. Je ne vous le cache pas. Je sais que c’est sa préoccupation essentielle. Non seulement, il a commandité un rapport dans la Fonction publique pour essayer de rééquilibrer les salaires entre les fonctionnaires des mêmes catégories, les résultats vont bientôt arriver. C’est pourquoi il a créé les bourses familiales pour venir en aide aux populations les plus pauvres. C’est un soulagement certain. Quand on vous dit qu’il y a des familles qui ne gagnent pas 100 000 francs par an dans le Sénégal, vous ne n’y croyez pas. Mais, le Président a fait le tour du Sénégal, il a discuté avec ces familles, il les a rencontrées, il a vu de ses propres yeux. Et c’est pourquoi il a créé les bourses familiales. Mais, ça ne règle pas le problème des Sénégalais intermédiaires. Aujourd’hui, il y a des Sénégalais intermédiaires qui sont des cadres qui sont pauvres relativement à leur statut, relativement à leurs aspirations. Il faut qu’on crée des moyens d’arriver à ce que ces Sénégalais sortent de leur pauvreté relative.
Le Front social est en ébullition, notamment avec la crise scolaire. Vous en dites quoi ?
La crise sociale, elle est déplorable. Moi, je déplore cette crise sociale, mais je crois que c’est lié à un défaut de communication. Par exemple, si je prends l’exemple des enseignants qui avaient 33 points de revendications qui ont fait l’objet d’accords le 17 février 2014 avec l’Etat du Sénégal. Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal a accepté presque tous les problèmes. Vous savez les cinq derniers points qui étaient pendants et qui avaient trait aux lenteurs administratives pour la signature des actes d’avancements à la formation diplômante, à la validation aux 2/3 et le dépôt des dossiers auprès de la commission ad hoc à la session démocratique et à l’indemnité de logement. Je crois que le gouvernement du Sénégal a accepté tous ces points-là et a même dégagé une enveloppe de 200 millions pour la formation diplômante 1,6 milliard pour la validation, et a accepté de mettre sur pied une commission pour la gestion démocratique du personnel, notamment pour les cas sociaux et les cas de rapprochement des conjoints. Et il ne reste qu’un seul point : l’indemnité de logement. Et sur ce point, je crois que si le grand Cadre persistait dans son attitude de continuer la grève, c’est que ce grand Cadre a été mal informé par le gouvernement. Ce n’est pas parce que le gouvernement du Sénégal a refusé de satisfaire cette revendication d’indemnité de logement, mais il se trouve que le gouvernement du Sénégal a des accords avec les bailleurs de fonds et le gouvernement du Sénégal est astreint à respecter un certain plafonnement qui était de 39% du Pib et que le gouvernement, aujourd’hui, est à 60%. Et ce sont des contraintes budgétaires réelles qui empêchent le gouvernement de satisfaire ce point, bien qu’il en ait la volonté. Pourquoi ? Parce que les enseignants, il ne faut pas oublier qu’ils sont au nombre de 80 000. Faites le calcul. Si vous devez octroyer à chaque enseignant une indemnité de logement de 100 000 francs. Le gouvernement ne peut pas supporter une telle charge financière, parce que les enseignants ce ne sont pas des administrateurs civils. Les enseignants, ce ne sont pas des Ige, les enseignants, ce ne sont pas des agents des Eaux et forêts. Ils sont au nombre de 80 000. Tout ce que le gouvernement peut faire, c’est demander une compréhension au niveau des enseignants pour leur dire qu’il ne refuse pas de payer cette indemnité, mais qu’il est actuellement dans l’impossibilité absolue de faire face à cette demande, et que demain, si les conditions des recettes budgétaires, si les contraintes budgétaires imposées par nos partenaires financiers le permettent, effectivement le gouvernement va satisfaire cette demande. Et c’est une base pour permettre aux enseignants de lever leur mot d’ordre de grève.