«NOTRE PUBLIC NE PEUT PLUS SE CONTENIR AU GRAND THEATRE»
MOUHAMED SIMON KOUKA, ARTISTE-RAPPEUR

Après avoir réussi avec brio, pour la deuxième année consécutive, son concert «Simon show» au Grand Théâtre, l’artiste-rappeur Mouhamed Simon Kouka, qui a joué à guichets fermés, dresse le bilan. Le leader de «Jolof 4 live» estime que le compte est bon, car le bilan est très satisfaisant, malgré quelques couacs notés durant le show. Dans cet entretien, le «Y en marriste» a aussi dégagé des perspectives du mouvement hip-hop.
Bilan du show au Grand Théâtre
«Le bilan que nous tirons de ce concert est positif. Parce que, non seulement nous avons réussi le pari de la mobilisation, et nous avons vu aussi un public qui a apprécié le spectacle, ce qui nous tenait vraiment à cœur. Et il est vrai que l’année dernière, nous avions fait focus à 100% sur le pari de la mobilisation. Car c’était la première fois qu’un rappeur organisait avec une entrée payante au Grand Théâtre. Mais cette année, le pari c’était le spectacle et nous avons senti et vu le public accepter tout ce que nous avons proposé. Tantôt il (le public) écoutait attentivement, tantôt ému par ce que nous avons eu à lui présenter sur la paix en Casamance, le procès des femmes battues. Le public a aussi dansé sur les rythmes comme «Ndiogou». Et par rapport à tout ça, nous sommes très satisfaits.
Maintenant, il y a quelques petits détails par rapport au Grand Théâtre, mais c’est des choses qui arrivent. En tout cas, nous étions très contents de la disponibilité des techniciens, du directeur qui nous a donné la salle par rapport au package. Malheureusement, c’est très difficile d’organiser ce genre de spectacle, parce que les sponsors n’ont pas suivi. Et ce, malgré une affiche qui était remplie de sponsors. Et on ne comprend pas que des gens se battent, remplissent des salles, là où d’autres ne peuvent pas faire salle comble et ont des tonnes de sponsoring. Peut-être que c’est parce qu’ils ont une étiquette à eux et nous, on n’arrive pas à avoir le soutien de certaines personnes. Mais nous tenons à remercier le ministère de la Culture, celui de la Jeunesse à travers l’Anpej. Nous avions un budget de 20 millions de francs Cfa et honnêtement, tous les autres partenaires n’ont pas suivi. C’est à déplorer. Nous ne pouvons pas comprendre que des lutteurs, des ‘Mbalaxmans’ etc, bénéficient de sponsors et d’appuis, mais quand il s’agit du mouvement hip-hop les gens observent et ne font rien».
Couacs lors du concert
«Certaines choses peuvent arriver et cela se comprend. C’est pourquoi nous sommes satisfaits des techniciens du Grand Théâtre qui ont tout donné pour la réussite du spectacle et aussi la disponibilité du directeur. Mais il y a une partie de l’administration qui, après nous avoir loué la salle, l’a aussi cédé à la Fondation Kéba Mbaye. On sait que si c’était Youssou Ndour ou Ismaël Lo, cela n’arriverait pas. Ce qui n’est pas normal. Et, évidement, c’est ce qui a valu les couacs notés au courant du show, parce que nous n’avions pas la balance la veille. On ne peut pas louer une salle à deux structures qui se produisent le même jour, on le déplore. Et n’eût été la disponibilité, les efforts des techniciens et le respect du directeur Kessy Bousso et d’une partie de l’administration, on n’allait parler d’autres choses. Car ils croient en nous, au mouvement du rap. Parce que même les gardiens nous on mené vraiment la vie dure».
Retour au Grand Théâtre
«Je crois que le public que nous avons ne peut plus se contenir au Grand Théâtre. Parce que cela fait deux ans qu’on le fait et que des gens n’arrivent pas à accéder à la salle. Ils sont obligés de s’asseoir sur les escaliers où même rester debout pendant toute la soirée. Notre public ne peut plus se contenir dans la salle du Grand Théâtre. Peut- être, si nous devons encore le faire au Grand Théâtre, ce sera sur l’esplanade, là où s’était produit Youssou Ndour. Mais on envisage de prendre un autre lieu et de construire comme les gens font en Europe. Après tout, on organise des festivals dans des déserts non. Ou alors aller dans un stade par exemple. Parce qu’une semaine avant le show, des gens m’appelaient pour avoir d’un billet. Et, honnêtement, on ne peut plus se permettre d’organiser et que des gens restent à la porte».
Prochains défis de Simon
«C’est justement essayer d’avoir une date à l’étranger, comme le font les Pape Diouf et Waly Seck. Chapeau à eux pour la réussite de leurs différentes manifestations que ça soit à Dock Pullman, au Zenith… Le prochain défi, c’est aussi d’essayer d’avoir un projet itinérant. Là (Ndlr : vendredi dernier), nous sommes en concert à Ziguinchor, la semaine prochaine, nous irons à Saint-Louis. Après, c’est Kaolack, puis Diourbel, Tamba, Thiès et encore Dakar. Nous, notre combat, c’est de se faire entendre et dire aux autorités que ce n’est pas normal que d’autres reçoivent des aides à coût de millions et que des gens comme nous, le mouvement hip-hop, qui font énormément pour ce pays, on nous envoie balader si on fait une demande de sponsoring ou des partenariats».
L’état du rap sénégalais
«Le rap sénégalais se porte bien. Il y a une jeune génération qui est là et qui est décomplexée, contrairement à nos anciens. Ils n’écrivent pas pour rimer, mais pour l’intelligence. On sent qu’ils ont fait les bancs et qu’ils sont l’expression de la vie. A cela s’ajoute qu’il y a beaucoup de studios, chacun écrit des projets, chacun est organisé. Ce qui manque, c’est une bonne structuration, un bon accompagnement de l’Etat, qu’on nous mette dans des canaux qui permettent de faire de cette musique un levier de communication. Parce que, aujourd’hui, s’il faut inscrire les jeunes sur les listes électorales, le rap est devant. Pour lutter contre des maladies telles que le paludisme, le Vih-Sida, Ebola, le rap est devant. S’il faut conseiller par rapport à la spiritualité des jeunes, au retour aux sources, pour ressortir les richesses de la langue wolof, le rap est aussi devant. Il y a tellement de choses que les cultures urbaines peuvent faire, il y a un énorme potentiel. Il n'y a qu’à voir le nombre de concerts qui sont organisés par mois, le nombre de festival par an, le nombre d’artistes hip-hop qui voyagent et qui sont dans des festivals internationaux. Ils défendent les couleurs du Sénégal, que ce soit dans la danse, le rap, le graffiti, donc, le rap se porte bien. Malheureusement, il n’y a pas de structure pour épauler. Mais c’est parce que nous ne faisons pas dans le ‘sambaye-mbayanne’ (griotisme) qu’on ne voit pas certaines personnes épauler cette musique. On ne tend pas la main, mais notre musique a besoin d’être soutenu, car on soutient le Sénégal. Le rap se porte vraiment bien, malgré nos différends, nos clashes».