‘’IL FAUDRAIT PLUS DE COURAGE DANS LES RUPTURES’’
CHEIKH MBOW, COORDONNATEUR DE LA COSYDEP

«Le Pdef est un programme qui a eu ses acquis et ses insuffisances. Les points forts c’est qu’il nous a permis de renforcer l’accès à l’éducation qui était faible. Grâce au Pdef, nous sommes arrivés à 94%, le nombre d’écoles construites a connu une hausse. Sur le plan quantitatif, le Sénégal fait partie des pays à citer comme des exemples.
Les Insuffisances du Pdef sont liées au fait qu’il y a un cloisonnement entre les axes d’intervention, on a beaucoup mis l’accent sur l’accès que sur la qualité. Si nous parlons de 94% d’accès, pour ce qui est des taux de réussite ou de promotion de classe à classe, le taux de transition est très faible. En termes d’efficacité, il y a une faible réussite du Pdef par rapport à la capacité des enfants à avoir un minimum de compétence pour passer d’un niveau à un autre.
Des écoles ont été construites mais le paradoxe, c’est sous le Pdef qu’on a connu un nombre important d’abris provisoires. 27% de la carte scolaire sont constitués d’abris provisoires. Il y a eu aussi des recrutements mais pas de formation, pas de motivation. Il y a aussi le fait que dans le recrutement, on n’a pas tenu compte des besoins.
Je pense que le Pdef est un programme à paradoxes. Il fallait avoir une vision holistique, globale du programme, décloisonner les axes, les secteurs et donner de la valeur à tous les sous-secteurs.»
Le droit à l’éducation suppose l’accès, la qualité, l’équité
«Il faut que tout le monde ait accès à l’éducation. Je préfère dans tous les cas voir un enfant à l’école que dans la rue, en même temps il faut donner de la qualité à ce droit. Dans ma compréhension, le droit à l’éducation suppose une éducation de qualité, il faut veiller à tout ce qui est déterminant de la qualité : un enseignant formé, un environnement sûr, un programme pertinent. Le Sénégal s’était dit qu’il fallait travailler à ce que le taux de redoublement puisse baisser, ça aussi je le soutiens.
Quand on entre à l’école, on investit sur des enfants, il ne faut pas qu’il y ait un taux important de redoublement. C’est une perte. Si on soutient qu’il ne faut pas que les enfants redoublent, c’est qu’on supporte la pédagogie de la réussite. Tout le monde n’a pas le même niveau de compréhension, il faut que l’enseignant puisse avoir une pédagogie qui s’adresse au groupe classe mais il faut également qu’il s’adresse à chaque élève, accompagner chaque élève.
Diminuer le taux de redoublement signifie également que l’enseignant ait le temps de chaque enfant. Mais tout ça suppose qu’on respecte les normes liées au ratio, par exemple avoir au plus un enseignant pour 45 élèves. Si on a des ratios d’un enseignant pour 100 élèves, évidement qu’il ne pourra pas suivre chaque enfant.
Concernant l’encadrement des enseignants aujourd’hui, on a un inspecteur pour 150 enseignants alors que la norme voudrait un inspecteur pour 50 enseignants. On ne peut pas faire de la qualité dans ces conditions.
Qualité veut dire que tout le monde puisse lire et écrire, avoir les compétences, ce n’est pas seulement 30% et pour ça il faut régler les questions d’équité c’est-à-dire accompagner les plus faibles, ceux qui sont dans des difficultés. Il est plus facile d’être à 94% de taux d’accès que de combler les 16% qui restent.»
Le Sénégal, champion dans les intentions
« Le Paquet semble vouloir s’appuyer sur les insuffisances du Pdef, est-ce qu’il y a un changement ? Nous avons vu des déclarations, des rappels de principe très beaux mais dans la réalité, il n’y a pas de ruptures significatives.
Depuis qu’on parle de 94% , on n’a pas entendu les gens parler de 97 ou 98%. Le Paquet est là depuis deux ans, est-ce que ça a permis d’améliorer le taux d’accès, la transparence ? Les lycées et les collèges ont moins de ressources que d’habitude, ça ne leur permet pas de régler les questions d’équité.
Pour le Paquet, il faudrait plus de courage dans les ruptures. Il faut que le Paquet travaille à ce que la décentralisation de l’éducation soit une réalité. Ce sont les mêmes problèmes qu’on soulevait il y a deux ans, il n’a pas encore permis de résoudre les maux qui étaient là. Pour ce qui est des intentions, le Sénégal est champion, mais nous mettons en œuvre très mal.»