ABDOU DIOUF, LE GRAND
Selon Abraham Lincoln, «à la fin, ce ne sont pas les années de votre vie qui comptent, c’est votre vie durant ces années».
Quel périlleux exercice que de parler d’Abdou Diouf vu son parcours élogieux, fabuleux et prodigieux ! Malgré l’entreprise malaisée, nous allons nous évertuer à la réaliser en disant un peu de lui quoique tout de lui mérite d’être dit.
Africain dans l’âme et l’exhibant avec fierté, Abdou ou le "Maodo du jour" révèle tous les caractères d’un grand homme bien que homme grand. Et comme une prédestinée, on retrouve une dose de sacralité dans sa vie et le chiffre 5 en est la plus parfaite illustration lorsque l’on sait que l’Islam repose sur 5 piliers et que le plus fondamental d’entre eux est la prière que le musulman accomplit 5 fois par jour.
Abdou s’écrit avec 5 lettres. Diouf aussi. Il est né dans une ville qui s’écrit avec 5 lettres, Louga. Il est le père de Habib et l’ami de Habib Thiam, 5 lettres encore pour le prénom et le nom.
Gouverneur de la région qui aujourd’hui s’écrit avec 5 lettres, Saloum, le fils de Coumba Dème est l’héritier de l’ancêtre Caaka. Suc- cédant à Sédar (5 lettres) au PS et remplacé par Tanor, il connaitra la félicité dans la capitale sénégalaise qui s’écrit également avec 5 lettres, Dakar.
Il a remplacé Boutros-Ghali dont le dernier patronyme comprend 5 lettres, en sa qualité de Secrétaire Général de l’Oif ayant son siège dans une autre capitale qui s’écrit avec 5 lettres, Paris.
Il est d’une famille de 5 garçons dont Djibo et Maodo, encore 5 lettres, lui le natif de l’année 1935, nommé Gouverneur à 25 ans et Premier ministre à 35 ans pour être élu Président de la République à 45 ans avant de quitter le pouvoir à l’âge de 65 ans. Revenu au pays natal, il sera commémoré par un Président dont le nom s’écrit avec 5 lettres, Macky.
Il est venu au monde un 07 septembre dans la capitale du Ndiambour. Né sous le signe du Vierge, le Président Diouf est l’incarnation parfaite de ce zodiaque : signe de la terre et caractéristique du service rendu. Il est né pour donner vie, pour ressourcer, pour purifier, pour alimenter et pour contenir.
Sa couleur est le vert ou le jaune, tel le drapeau sénégalais qui incarne l’espoir et la prospérité. Discret dans son style, il privilégie la réflexion comme préalable à l'action, passe au crible de la sélection toutes les éventualités et réactions possibles dès qu'un évènement se présente, essaie systématiquement d'adapter à la situation la meilleure réponse : perfectionniste avant tout.
Le vierge cérébral, perspicace, analytique, sérieux, compétent, pointilleux, raisonnable, pudique, plein de bon sens, ordonné, organisé, propre, appliqué, prévoyant, honnête, fidèle, réservé, timide, serviable, désireux de progresser, perfectionniste, logique, travailleur, patient, précis, concret, spirituel. N’est-ce pas tout cela lui ?
C’est dans la patience de réaliser une nation arc-en-ciel que Madiba, ce digne fils d’Afrique, cadeau que le bon Dieu a donné au monde, est devenu le modèle ineffable de l’humanité.
Ces caractères lui collent à la peau. Et son parcours initiatique et professionnel, politique et administratif, attestent la pertinence de cette vérité.
Abdou Diouf fit ses études primaires et secondaires à l'Ecole Emile Sarr (ex Ecole Brière de l'Isle), située à Saint-Louis. Il entama des études de droit à la Faculté de Dakar, les poursuivit à Paris à la Sorbonne et obtint le Brevet de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer (Enfom) en 1960 d'où il sortit comme administrateur civil et major de sa promotion.
Comme Ulysse parti dans les océans pour chercher du savoir, le frère de Djiby reviendra au pays de la Teranga pétri de science et de vie. Très jeune, le sentier que l’enfant prodigue de Ndiaye Diouf s’est frayé lui a ouvert un boulevard de chantiers qui a fait de lui un viatique pour la jeunesse d’aujourd’hui et un modèle d’érudition et d’engagement propres aux Elus, bref un vrai Maodo.
Nous avions une impression, qui a fini par devenir une conviction, que sa vie a été marquée sans dis- continuité, d’actes positifs et progressistes. Telle la fusée Ariane quittant sa base guyanaise de Kourou, la percée d’Abdou fut fulgurante. A 25 ans, il commence une carrière de haut fonctionnaire et occupe aussitôt de hautes fonctions administratives.
De 1960 à 1963, il sera successivement Directeur de la Coopération Technique Internationale, Secrétaire général au Ministère de la Défense et Gouverneur de la région du Sine-Saloum. Il sera nommé Directeur de Cabinet du Président Léopold Sédar Senghor en 1963, puis Secrétaire général de la Présidence de la République du Sénégal en 1964. Il devient ensuite Ministre du Plan et de l’Industrie de 1968 à 1970.
Avant, c’était la découverte. En 1970, c’est la révélation. Contre toute attente et malgré beau- coup de supputations et de suspicions, Senghor le nomme Premier ministre. La consécration se fera dix ans après, un 1er janvier 1981, à la suite de la démission du Président- poète.
Abdou est porté à la Magistrature suprême. Le vaillant peuple sénégalais, malgré ce que l’on a dit, prédit ou médit, lui a renouvelé sa confiance lors des élections de 1983, 1988 et 1993. Ses différents mandats furent placés, au niveau national, sous le signe de la politique d’ouverture au multipartisme, de la libéralisation progressive de l’économie et de la décentralisation.
Sur le plan continental et international, Abdou Diouf a contribué à faire entendre la voix du Sénégal en Afrique et dans le monde en menant la lutte pour une plus grande unité africaine, alors Président en exercice de l’Oua avec l’auguste et noble combat pour la fin de l’Apartheid et la libération de Nelson Mandela (1985-1986 puis en 1992) et Président en exercice de la Cedeao (1991-1992) pour la promotion de la femme et l’ancrage de la parité dans la gestion des affaires publiques.
La liste est exhaustive et montre que l’homme au chiffre 5 est Grang comme les 5 Lettres de cette épithète. Il en a l’autorité parce qu’il est une autorité. La diversité des titres reflète une constante dans sa démarche quotidienne : c’est la passion dans la qualité de ses actions.
A chaque fois que nous l’avons rencontré, notamment chez lui dans son appartement parisien au 35 Avenue Pierre de Serbie, dans le 8ème, nous nous sommes résolu à croire qu’il déteste le clinquant et le scintillant.
Toujours sobrement vêtu, il porte beau. Jeune, il a le souci du détail qui commençait par des vêtements sur mesure suivant les codes de la haute bourgeoisie saint- louisienne jusqu’au nœud de sa cravate. Raffiné et de goût, il aime et sait apprécier les bonnes choses. Les tableaux et décorations qui auréolent son environnement familial révèlent le chic et la sobriété propres aux gentlemen nguet-ndariens.
Toujours en phase avec sa conscience, il a eu foi en la personne humaine au point de fréquemment exiger plus et mieux. La rigueur est chez lui une valeur sacrée. S’il est sûr que cette voie mènera au succès et à la réussite.
Toujours après concertation, il prend sa décision et fonce. Il a le style du leader, celui- là qui doit incarner les valeurs morales et intellectuelles d’indépendance, d’impartialité, d’objectivité et de compétence.
Il a toujours su l’importance de la mission de gouverner, c’est-à-dire de servir, qui renvoie directement à la conscience de l’agent public et de l’administrateur civil, à ce qu’il a de plus intime, à ce qui fait à la fois sa force et sa faiblesse et qui donne toute sa part d’humanité.
Il a toujours cru en la collégialité dans la gestion de l’institution. Ayant le don et le sens de l’écoute, il savait que c’est à la mesure du regard de soi-même et à l’épreuve du regard des autres, qu’on pourrait prendre la meilleure décision. Sur ce chapitre aussi, le Président Diouf a véhément excellé. Tous ont trouvé chez lui l’accueil le plus chaleureux, le conseil le plus sûr et l’oreille la plus attentive.
Avec opiniâtreté et diplomatie, il a, comme un funambule, gardé l’équilibre et la lucidité face aux soubresauts des opposants et détracteurs. Là où ailleurs d’autres ont fléchi, lui a tenu bon en restant fidèle à ses principes et positions, parce qu’il les jugeait bons.
Nous pouvons nous en arrêter là. Mais peut-on, même avec douceur, évacuer l’inlassable labeur de celui qu’on célèbre aujourd’hui. Monsieur Abdou Diouf doit savoir qu’aujourd’hui, tous les sénégalais, africains et francophones épris de bonté, de discernement, de justice et de justesse, sont fiers de l’avoir eu comme chef de l’Etat et comme Secrétaire Général parce qu’il représente pour eux, une Merveille.
Chez les sérères bon teint, une merveille serait confondue à cette croustillante chinoiserie. Avec Abdou Diouf, ils n’auront pas tort. Diouf est à croquer surtout, chose rare, lorsque démocratiquement vaincu, il appela avec grandeur et noblesse, Abdoulaye Wade, pour le féliciter. Humainement, il sent la bonté, symbolise la magnanimité et inspire la confiance.
Sa personne se confine dans une altière discrétion qui se conjugue avec une sublime sobriété. C’est cet homme-là, qui unit avec bonheur et honneur, les rares qualités de l’esprit et les mérites du cœur, qui prend sa retraite et non son retrait dans cet auguste univers qu’est la vie publique.
Pour cela, pour tout ce que vous avez fait, pour tout ce que vous allez faire ici et ailleurs, nous vous remercions en vous disant Grand MERCI.
Encore 5 lettres, Pardi !