AMNESTY INTERNATIONAL RAPPELLE A L’ETAT SES «PROMESSES NON TENUES»
VEILLE DE L’EXAMEN DU SENEGAL PAR LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

Amnesty International a rappelé, hier, un certain nombre de sujets de préoccupations au regard de la mise en œuvre par le Sénégal des recommandations formulées dans les observations finales produites à l’issue de l’examen du rapport périodique de 2003 par la Commission africaine et de la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Cela, à la veille de l’examen de notre pays par ladite commission, à l’occasion de sa 56e session qui se déroule actuellement à Banjul.
A la veille de l'examen du Sénégal par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, en sa 56e session qui se déroule actuellement à Banjul (Gambie), Amnesty International section Sénégal a tenu à attirer l’attention des autorités sénégalaises sur les «promesses non tenues». Notamment, sur la torture et les autres mauvais traitements, les discriminations en raison de l’orientation sexuelle réelle ou soupçonnée, la peine de mort, la liberté d’expression, l’usage excessif de la force dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre lors de manifestations et l’impunité pour les violations des droits humains commis lors du conflit en Casamance.
Dans un document rendu public, hier, Amnesty International dit avoir enregistré au moins 27 cas de torture et autres mauvais traitements, dont 15 sont morts en détention ou peu après leur libération. Les méthodes de torture et d’autres mauvais traitements qui ont été enregistrés comprennent le passage à tabac, les simulacres de noyade, les décharges électriques et les brûlures. «La criminalisation de la torture semble rester, le plus souvent, lettre morte, dès lors qu’il s’agit de poursuivre des agents de l’État soupçonnés d’actes de torture ou d’autres violations graves des droits humains. Alors que les autorités sénégalaises affirment qu’elles mènent des enquêtes sur les cas de torture et sur les autres formes de mauvais traitements, peu d’enquêtes ont abouti et peu de responsables présumés ont été jugés», a déploré l’organisation qui souligne que «sur les 27 cas de torture enregistrés depuis 2007, seules 6 poursuites ont abouti avec à chaque fois des peines légères qui ont été prononcées».
L’organisation de recommander la révision du Code pénal, en particulier l’article 295-1 sur la définition de la torture, pour la rendre totalement conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention contre la torture. Mais, surtout, «donner des instructions claires aux forces de police et de gendarmerie afin que celles-ci agissent constamment dans le respect du droit international, régional et national relatif aux droits humains et rappeler aux magistrats que toute déclaration, dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture, ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure».
«Sur 27 cas de torture enregistrés depuis 2007, seules 6 poursuites ont abouti»
Outre les préoccupations soulevées par la Commission africaine en 2003 qui n’ont pas été prises en compte, Amnesty International s’inquiète également des violations du droit à un procès équitable, du droit de liberté de réunion pacifique et du droit d’accès à la justice. En effet, le 23 mars 2015, la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei) a condamné Karim Wade, ex-ministre et fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade, à 6 ans d’emprisonnement et une amende de 138 milliards de francs Cfa. Mais Seydi Gassama et ses camarades se disent préoccuper par le fait que «la Crei ne soit pas conforme aux normes internationales et régionales en matière d’équité de procès, surtout du fait qu’aucun recours n’est possible après le verdict». Raison pour laquelle, ils exigent à l’Etat du Sénégal, la modification de la loi 81-54 du 10 juillet 1981 qui a créé la Crei pour la mettre en conformité avec les normes internationales et régionales en matière d’équité de procès, et notamment en faisant en sorte que la Cour permette un recours après le verdict.
Crise casamançaise entre «impunité et déni»
S’agissant du conflit armé qui sévit en Casamance depuis 1982, opposant les forces gouvernementales du Sénégal aux membres du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), Amnesty International estime que malgré plusieurs accords de paix, il existe encore des moments de fortes tensions. Cela est marqué par «de sérieuses violations de droits humains commises par les deux parties au conflit».
«L’impunité qui marque de son sceau ces atrocités laisse les victimes et leurs familles dans un déni de justice et dans un total abandon. Le gouvernement du Sénégal continue de nier la disparition forcée de dizaines de Casamançais et prive ainsi les familles d’accéder à la vérité, à la justice et aux réparations. Le 30 mars 2015, le directeur des droits humains au ministère de la Justice a déclaré que : ‘Nous n’avons enregistré aucun cas de disparition forcée au Sénégal’», a déploré l’organisation pour qui, «les pardons et les autres mesures d’impunité ne doivent pas empêcher de mener des enquêtes et des poursuites concernant les crimes en application du droit international ou prendre les dispositions pour établir la vérité sur ces crimes ou d’obtenir des réparations complètes. Quitte à modifier la loi d’amnistie de 2004 à cette fin».