BTP & IMMOBILIER : LES ÉTRANGERS FONT COMME CHEZ EUX…

Les "étrangers" sont-ils devenus des "nationaux" dans le secteur des BTP et de l’immobilier ? Vu la place qu’ils occupent dans les grands chantiers de l’État, on serait tenté de répondre par l’affirmative…
Les privés nationaux évoluant dans le secteur des BTP n’oublieront pas de sitôt le marché de "la Cité de l’Emergence", sur le site de l’ex-gare routière Pompiers. Un projet d’un coût estimé à près de 21 milliards FCFA, pour 650 logements sociaux et sur 3 hectares, leur est passé sous le nez et la barbe, au profit d’une marocaine, dénommée ADDOHA. Qui va aussi construire "la Cité de l’Avenir" de 12 tours de 400 logements sociaux, à la Patte d’Oie, pour un coût de 12 milliards FCFA. Des projets qui entrent dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (PSE). Alors où sont passés les nationaux ?
Même si le Président du Regroupement des Promoteurs Privés Immobiliers (RPIS) estime qu’il y a eu des évolutions dans leurs relations avec l’État, le constat sur le terrain est autre. "Il y a eu des évolutions notables avec le lancement des pôles urbains du Lac Rose et de Diamniadio. J’avais dit au Délégué (NDLR : M. Seydou Sy Sall) que nous ne voulions pas prendre le train en marche, mais "être le train" car personne ne va construire notre pays à notre place. Aujourd’hui, l’État est persuadé que sa vision du Sénégal Emergent ne pourra pas se faire sans une forte implication des
entreprises nationales. Ils sont en train de réorganiser tout ça et nous restons toujours en attente, une attente confiante. Nous sommes sûrs que personne ne peut développer le Sénégal sans nous. Souvent, on nous dit qu’on ne produit pas assez, mais dans la promotion immobilière, il s’agit de produire des maisons mais qui soit accessibles au pouvoir d’achat des Sénégalais", se justifie Babacar Faye.
Si certains promoteurs privés se rongent encore les doigts, d’autres ont débuté leurs activités. C’est le cas de GETRAN, dans le BTP, dirigé par le polytechnicien, Mar Thiam. Un projet d’envergure à Diamniadio avec 33 immeubles de 4 à 8 étages et pas moins de 700 appartements prévus ; les premiers devant être livrés en 2015.
Si Babacar Faye reste optimiste, du côté des professionnels des BTP, la donne est tout autre. "Les problèmes sont les mêmes et on ne voit pas un début de solution. Il y a aussi notre image. On a été taxé de "secteur de cartel" avec des ententes entre les grosses boîtes et avec des surfacturations. Tout ceci n’est que des justifications pour faire venir des entreprises étrangères. Comme on le constate depuis 2000", se plaint Oumar Sow, président du Syndicat professionnel des entrepreneurs de BTP du Sénégal.
Aujourd’hui, le principal obstacle des promoteurs immobiliers privés, c’est l’accès au foncier à coût réduit. Une faveur qui semble être faite aux entreprises étrangères. Comme en atteste les 375 ha qui leur avait été accordés et avaient suscité plein de bruit. Selon M. Faye, même si l’État est leur partenaire, "nous n’accepterons pas une défiscalisation partielle du logement social en faveur des étrangers. Quand on les exonère de l’impôt sur le bénéfice, ils vont alors rapatrier tous leurs bénéfices et l’État n’y gagne rien. C’est même une perte. Ce que nous ne pouvons pas avoir chez eux. Aussi, l’État doit revenir à la raison…".
M. Faye informe que ses collègues ont décidé d’investir à Bambilor, Yène, Lac Rose… avec des projets de ville, en attendant la réaction de l’État.
"Nous verrons si l’État nous mettra sur un pied d’égalité avec les étrangers. Depuis les indépendances, à part Patte d’Oie Builders, aucune société étrangère n’a jamais construit quelque chose ici. Les gens ont grandi dans les HLM, SICAP, SIPRES… Le Premier ministre nous a assuré que l’État ne va privilégier les entreprises étrangères au détriment des nationaux. Aussi, quand l’État mettra du foncier à notre disposition, nous verrons ce qu’il y a à faire. Ce sera une concurrence qui va stimuler les efforts des Sénégalais et qui va créer des emplois. Le débat, c’est avoir un environnement favorable à l’émergence d’une industrie de la construction et de production des matériaux. Un défi mesuré à sa juste valeur et nous nous y attelons chaque jour…", avertit-il.