CES RÉFORMES À POLÉMIQUE
PROPOSITIONS DE LA DGID SUR LE MÉCANISME DE FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES

La Direction générale des impôts et domaines (Dgid) a proposé une batterie de reformes pour contribuer à l'amélioration des financements des collectivités locales. Après avoir relevé les difficultés dans la mise en œuvre de l'Acte III de la Décentralisation, elle avait présenté lors de l'atelier de concertation sur les mécanismes de financement des collectivités un dispositif de mobilisation de recettes qui pourrait susciter une levée de boucliers des élus locaux. "L'As" vous rapporte la quintessence des observations de la Dgid sur l'avant-projet du Code Général des Collectivités locales.
L'Acte III de la décentralisation, même s'il présente beaucoup d'aspects positifs dans sa conception et ses principes, pose dans sa mise en œuvre de réels problèmes aux collectivités locales. L'aveu est de la Dgid et la Direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (Dgcpt). Cette remarque est mentionnée dans un document dénommé "Observations de la Dgid sur l'avant-projet de Code général des collectivités locales". Le document dont "L'As" détient copie a été présenté à l'atelier de lancement de la concertation sur les mécanismes de financement des collectivités locales dans le cadre de l'Acte III de la Décentralisation.
En effet, pour booster les recettes des collectivités, la Dgid propose une batterie de réformes qu'elle a soumises lors de l'atelier susdit. "La réforme (Acte III) doit s'accompagner d'un renouveau du dispositif de mobilisation des recettes fiscales, principale source de revenus des collectivités locales, la mise en place de nouveaux mécanismes de transfert et d'exploitation des nouvelles opportunités offertes par les modes de financements innovants", souligne la Dgid qui soutient la nécessité de mettre en place un mécanisme de financement pertinent et efficient et une gouvernance budgétaire transparente.
Imposer les élèves âgés de plus de 14 ans et les étudiants
Constatant la faiblesse de la fiscalité locale, notamment l'impôt du minimum fiscal (Imf), la Dgid n'exclut pas dans l'avenir de faire payer l'impôt aux élèves et étudiants. En effet, se basant sur le rapport du Recensement général de la population, la Dgid relève que la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans. Ainsi seuls 2 721 053 de la population totale sont redevables à l'Imf hormis les salariés, les personnes vivant dans les communautés rurales qui sont assujetties à la taxe rurale, les élèves, les étudiants et des handicapés. "A cet effet, il pourrait être envisagé d'imposer les élèves âgés de 14 ans et plus au moment de leur inscription ainsi que les étudiants sur leurs bourses ou aides. L'avantage de cette imposition, qui doit être relativement faible, est de permettre aux collectivités locales de collecter des ressources supplémentaires qui les aideraient à faire face à des dépenses liées au transfert de compétences dans le domaine de l'éducation, mais aussi et surtout d'initier l'élite de demain au paiement de l'impôt et partant à la promotion du civisme fiscal", indique-t-on dans le document.
Une augmentation probable de l'impôt sur les salaires
Aussi, pour renforcer financièrement les collectivités locales, il est probable d'augmenter les tarifs sur la taxe représentative de l'impôt du minimum fiscal (Trimf), imposée aux salariés sans que la mesure ne remette en cause la baisse d'imposition sur l'indemnité de revenu de ces derniers. Pour ce qui est des patentes des collectivités locales, la Dgid informe qu'un processus de réforme est engagé dont l'objectif est de détaxer les équipements industriels tout en maintenant l'équilibre financier des collectivités locales bénéficiaires de cet impôt. Aujourd'hui, les industriels se plaignent des modalités d'imposition dans leur secteur d'activités. La Dgid, dans le cadre des réformes entreprises par ses services en matière de gestion de l'impôt pour accompagner les collectivités locales, va mettre en application une série de mesures. La première a trait à l'institutionnalisation et la formalisation des relations avec les collectives locales à travers un point focal qui va planifier et coordonner le calendrier des émissions, des recensements, des tournées PPA, le suivi des dégrèvements entre autres missions. Dans la même rengaine, il est envisagé la création d'un bureau des collectivités locales qui
sera directement rattaché au Directeur général. Il sera ainsi l'interface entre le Directeur général, les différentes Directions et les collectivités locales. Le Directeur général des Impôts et Domaines, Cheikh Ameth Tidiane Ba, compte fixer des objectifs en matière de fiscalité locale pour chaque direction et chaque centre. Une évaluation des performances des services et des agents affectés dans ce domaine sera faite. C'est une manière de combattre le traitement accessoire de la fiscalité locale leurs services, alors qu'elle booste la fiscalité de l'Etat. Aussi, la signature de contrats de performance entre la Dgid et les collectivités locales sont en perspective. Seulement, précise-t-on, "en contrepartie de notre engagement à réaliser plus de recettes, les collectivités locales s'engageront à mettre plus de moyens à notre disposition".
Dans chaque collectivité locale, une commission sur la fiscalité locale sera installée
Dans la même dynamique, les services de Cheikh Ameth Tidiane Bâ poursuivront la mise en place des commissions sur la fiscalité locale au niveau de chaque collectivité locale. Cette structure d'appui aux collectivités locales aura en charge le suivi et l'évaluation des opérations de recensement de tous les immeubles bâtis ou non bâtis situés dans le ressort de la collectivité. D'après le document, les chefs des centres des services fiscaux vont incessamment inviter les maires à proposer leurs représentants dans ces commissions.
Par ailleurs, des changements seront apportés également dans la législation fiscale en ce qui concerne les impôts locaux. En effet, rapporte-t-on, des études sont en cours pour valider un système de paiement par acomptes provisionnels des impôts locaux. Mais, cette mesure vise la patente et le foncier bâti des sociétés et entreprises individuelles. Un système de paiement direct sur déclaration de la patente est également en vue. Toutefois, la Dgid va revoir à la baisse la taxe sur les résidences principales. Car, elle craint que l'actuel taux (l'abattement est à 1 million 500 000), prive les communes dans les zones rurales des recettes de cette taxe en raison de la faiblesse de valeurs locatives foncières moins importantes qu'en milieu urbain.
Il est prévu une taxe de 10 f de plus sur l'essence pirogue
Les services de la fiscalité souhaitent également la redéfinition des taux et des seuils de la surtaxe sur les terrains non bâtis ou insuffisamment bâtis afin de les adapter aux prix du marché. L'équivoque de l'imposition de l'activité de transport privé de personnes ou de marchandises sera levée parce qu'elle est imposable contrairement à ce que pensent d'aucuns. Le champ d'application de l'impôt du minimum fiscal (Imf) qui se limite aux "commerçants" et "propriétaires", sera élargi à d'autres contribuables. Les pêcheurs vont devoir débourser plus en guise de soutien aux collectivités locales. Il est prévu d'étendre à l'essence pirogue le supplément de 10 F de taxe sur les produits pétroliers institué pour remplacer la vignette qui est supprimée. Cette recette sera versée aux collectivités ayant en charge la gestion des pêcheries et la réalisation des infrastructures, notamment les quais, chambres froides, etc. Les chalutiers et autres navires de pêche battant pavillon sénégalais seront aussi visés par la mesure. Les services des impôts et domaines veulent faire bénéficier aux collectivités locales la taxe sur les armes à feu qui s'élève à 330 millions en 2013. Cela en conformité avec le transfert de la compétence de la gestion de l'environnement et des ressources nationales aux collectivités locales.
L'État veut récupérer la TEOM et détaxer les équipements industriels
La Dgid veut instituer l'exigibilité de la quittance de paiement de l'impôt personnel pour la délivrance de certains documents administratifs. A cet effet, toute personne imposable devra s'acquitter de son impôt pour prétendre obtenir un certificat de résidence, un certificat de nationalité, un permis de conduire, un passeport et un certificat d'imposition. La taxe à l'enlèvement des ordures ménagères (Teom) va figurer désormais dans le code général des impôts. Il s'agit pour la Dgid d'éviter de conditionner le reversement de la Teom aux collectivités locales par l'existence d'un service d'enlèvement des ordures ménagères. Car, ce ne sont pas toutes les communes qui disposent de la logistique de ramassage des ordures ménagères. Ainsi, même si certaines collectivités locales n'en disposent pas, selon la Dgid, elles procèdent néanmoins au traitement des ordures par l'indication aux populations d'un site de dépôt en vue de l'incinération, du compostage, de l'enfouissement des déchets etc.
"Il est préférable de confier, à la commission, le contrôle des quittances et des formules de patente et la substituer au maire…"
Enfin, les prérogatives de la commission de fiscalité locales seront étendues. Elle sera impliquée en amont et en aval de la chaine fiscale afin qu'elle maitrise parfaitement l'assiette de la collectivité locale. Cette mesure se justifie par la volonté de la Dgid de ne pas limiter le travail de la commission au suivi des seules valeurs locatives, mais plutôt de l'impliquer dans les autres impôts tels que la Contribution globale unique (CGU) en ce qui concerne leur paiement. "Il est préférable de confier, à la commission, le contrôle des quittances de CGU et des formules de patente et la substituer au maire investi de cette compétence par le code général des impôts (CGI)", peuton lire dans le document.