L'UE SE MÉFIE DES SERVICES SECRETS AMÉRICAINS
L'institution fournit désormais des téléphones jetables et des ordinateurs basiques à ses fonctionnaires, une pratique jusqu'alors réservée aux voyages en Chine et Ukraine. Un signe supplémentaire de la détérioration des relations transatlantiques

(SenePlus) - La Commission européenne a récemment pris des mesures de sécurité inhabituelles pour ses fonctionnaires se rendant aux États-Unis, reflétant une détérioration significative des relations transatlantiques depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine.
Selon des informations rapportées par le Financial Times, l'institution européenne fournit désormais des "téléphones jetables" et des ordinateurs portables basiques à certains membres du personnel se rendant aux États-Unis, une pratique jusqu'alors réservée aux déplacements en Chine et en Ukraine.
Les commissaires et hauts fonctionnaires qui participeront aux réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale la semaine prochaine ont reçu ces nouvelles consignes, selon quatre personnes familières avec la situation citées par le quotidien britannique. "Ils craignent que les États-Unis n'accèdent aux systèmes de la Commission", a confié l'un des responsables au Financial Times.
D'après le journal, les recommandations adressées à l'ensemble du personnel voyageant aux États-Unis comprennent également des conseils pour éteindre leurs téléphones à la frontière et les placer dans des pochettes spéciales afin de les protéger contre l'espionnage s'ils sont laissés sans surveillance.
La Commission européenne a confirmé au Financial Times avoir récemment mis à jour ses conseils de sécurité pour les États-Unis, tout en précisant qu'aucune instruction spécifique concernant l'utilisation de téléphones jetables n'avait été donnée par écrit. Le service diplomatique du bloc a été impliqué dans cette mise à jour, comme c'est généralement le cas.
Cette décision de traiter les États-Unis comme un risque potentiel pour la sécurité souligne la dégradation des relations depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier. "L'alliance transatlantique est terminée", a déclaré un cinquième responsable européen au Financial Times.
Le président américain a notamment accusé l'UE d'avoir été créée pour "arnaquer les États-Unis" et a annoncé des droits de douane dits "réciproques" de 20% sur les exportations du bloc, qu'il a ensuite réduits de moitié pour une période de 90 jours.
Dans ce contexte tendu, plusieurs commissaires européens se rendront à Washington pour les réunions du FMI et de la Banque mondiale du 21 au 26 avril : Valdis Dombrovskis, commissaire à l'économie, Maria Luís Albuquerque, responsable des services financiers, et Jozef Síkela, chargé de l'aide au développement.
Pour Luuk van Middelaar, directeur de l'Institut bruxellois de géopolitique cité par le Financial Times, cette attitude prudente n'est pas surprenante : "Washington n'est pas Pékin ou Moscou, mais c'est un adversaire qui a tendance à utiliser des méthodes extra-légales pour faire avancer ses intérêts et son pouvoir."
L'expert rappelle que l'administration du président Barack Obama avait déjà fait l'objet d'allégations d'espionnage du téléphone de la chancelière allemande Angela Merkel en 2013. "Les administrations démocrates utilisent les mêmes tactiques", a-t-il ajouté. "C'est une acceptation de la réalité par la Commission."
Le journal britannique note également que les fonctionnaires de la Commission ont reçu pour instruction de s'assurer que leurs visas figurent dans leurs documents diplomatiques "laissez-passer" plutôt que dans leurs passeports nationaux, une précaution supplémentaire dans ce climat de méfiance croissante.