CHAPEAU BAS, PRÉSIDENT DIACK !

L’image renvoie bien à ce qu’il avait annoncé à la presse, six jours après ses 80 ans, le 13 juin 2013, en marge du meeting international de Dakar, labélisé World Challenge en 2009, lors des championnats du monde à Berlin. «Souhaitez-moi, d’avoir un bon Rocking-chair et un bon hamac et d’avoir le temps de vous comptez mes mémoires…», avait déclaré Lamine Diack, il y a deux ans, avec un brin d’humour. Samedi 23 juin, c’est sur un fauteuil en cuir, installé sur la pelouse du stade Léopold Sédar Senghor, que le président de l’IAAF a été appelé à s’assoir, pour recevoir les honneurs de toute une nation. Surtout du monde sportif.
L’émotion était grande. Palpable. Mais, l’homme lui, reste zen ! Il en avait vu d’autres. Au mois de mars dernier, c’est toute l’Afrique via la Confédération africaine d’athlétisme qui l’avait célébré à Addis-Abeba, ville-symbole de la résistance et aussi de la renaissance de l’homme noir.
Toutefois, quand c’est le Sénégal qui offre un «Sargal» est un de ses plus dignes fils, on comprend effectivement que sa joie puisse le trahir par moment. Elle était visible et lisible dans ses yeux pétillants de bonheur d’avoir accompli sa mission. Le mot est lâché. Lamine Diack déclare d’ailleurs, pour répondre à ceux qui s’étonnent, qu’un africain puisse présider aux destinées de la 3ème place grande instance sportive mondiale, après le CIO et la FIFA, qu’il «était en mission».
Une mission entamée par le refus de boycotter des Jeux Olympiques de Montréal au Québec (au Canada, du 17 juillet au 1er août 1976). Et dire qu’à l’époque, la majorité des pays africains avaient engagé le boycott en raison de la présence de la Nouvelle-Zélande. Mais Lamine Diack réussit à convaincre le président Senghor que boycotter des JO parce que la Nouvelle-Zélande a livré un match de rugby avec l’Afrique du Sud sous l’Apartheid est un «argument fallacieux.»
Quatre ans après, en pleine guerre froide, Diack remet ça, en plaidant à nouveau pour le maintien du Sénégal dans les JO de Moscou, pourtant marqués par le boycott d’une cinquantaine de nations (dont les États-Unis) suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’Union Soviétique en 1979.
Face à une délégation sénégalaise à l’hôtel Radisson Royal de Moscou, il explique ses refus en ces termes : «Nous n’avons jamais été un nègre de service d’un blanc».
La bataille de la démocratie et de l’universalisation de l’athlétisme
Sa mission était aussi de changer le mode de fonctionnement de l’IAAF. La fameuse règle «un pays, une voix» porte l’empreinte de Lamine Diack. Ce qui avait permis à l’Afrique de passer d’un à trois membres dont lui-même en tant que vice-président. Et si Akabani du Soudan était déjà le représentant continental, Diack fera élire le Kenyan, Charles Mokoura.
Sans occulter l’érection des centres de perfectionnement de Dakar (CIAD), d’Eldoret (Kenya) et de l’Ile Maurice, mais aussi des centres intermédiaires à Lomé, Port Harcourt (Nigeria) et Lusaka (Zambie).
En été prochain, il retourne en Chine pour y présider ses derniers championnats du monde en tant que président de l’IAAF.
Ironie de l’histoire, la Chine doit son réintégration au sein de l’instance faîtière, au Sénégalais. Alors que le président Andriaan Paulen s’étonnait de voir Africain se battre pour des Chinois, Lamine Diack, lui avait une vision au-delà des frontières. «Il (Andriaan Paulen, Ndlr) m’a dit en quoi cela vous concerne ? Je lui réponds : «parce que ce n’est pas normal. Les Etats-Unis avaient mis Taïwan au Conseil de sécurité de 1945 à 1971. Quand ils se sont rendu compte que leurs intérêts économiques étaient d’avoir des relations avec la Chine, ils ont viré Taïwan. Il faut qu’on fasse la même chose», avait confié le président Diack.
Quid de l’universalisation de la première discipline olympique ? C’est dans ce même souci qu’il fera remplacer la Golden League par la Diamond League. Une course qui embrasse désormais l’Europe mais aussi l’Asie, le Moyen-Orient et l’Amérique. L’Afrique reste en embuscade avec le Maroc et l’Afrique du Sud. Les meetings de Dakar et de Rabat intègrent le circuit World Challenge. Sans occulter le Kid’s athletic, un dernier bébé qui prône le retour l’athlétisme à l’école. Chapeau bas, président !
PS (Post-Scriptum) : En quittant la présidence de l’IAAF, il peut bien sûr déclarer qu’il a accompli sa mission pendant ses 39 ans de vice-présidence et présidence.
Il reste à la «jeunesse» (Serguey Bubka ou Sebastian Coe) de poursuivre l’œuvre. Surtout, la lutte contre le dopage, l’une des batailles que Diack avoue n’avoir pas gagné. Mais aussi d’organiser aux Etats-Unis des championnats du monde en plein air.