DELTA DU SALOUM, UN PATRIMOINE AU CHARME MÉCONNU
DECOUVERTE

Terroir entre deux eaux, « ni terre ni mer », le Delta du Saloum est un milieu sublime et intrigant à la fois. Les relations complexes qu’y entretiennent, depuis plus de trois mille ans, l’homme et la nature nous ont légué un paysage en devenir de toute beauté qui a été inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en juin 2011.
Toubacouta, 27 octobre 2014. La superbe mangrove trace une ligne verte et laisse ses réverbères se refléter dans l’eau. Le vrombissement du moteur de la pirogue donne un peu plus de charme à cette excursion.
De loin, on aperçoit « Diorom bou mag » ou l’île aux coquillages, une merveille au cœur du Delta du Saloum, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco en juin 2011.
Une des caractéristiques de cette île est que son environnement a été conservé depuis des millénaires, sans intervention humaine, explique Bacary Mané, guide touristique. Les îlots sont peuplés d’amas coquillers, ainsi que de tumulus (tombeaux). En les arpentant, ils résonnent sourde- ment tout en dissimulant jalousement leurs secrets.
De fait, des fouilles archéologiques ont permis de savoir que l’endroit fut habité. Les bolongs et la mangrove complètent ce décor exceptionnel. En avançant à l’intérieur de l’île, le visiteur découvre une flore riche dont le fameux « gouye guewel », un baobab-sépulture témoin d’une vieille tradition chez les Sérères, consistant à enterrer les griots dans les baobabs.
Dans cet environnement, impossible de rater la silhouette de ces dizaines de baobabs qui ont pris racine sur les amas coquillers et dominent le paysage deltaïque. Ils gardent les stigmates des légionnaires qui y séjournent régulièrement.En hauteur, un super panorama alternant mangrove, tans et zig- zag de fleuve s’offre à l’œil médusé.
Enchevêtrement complexe de trois fleuves (le Saloum, le Bandiala et le Diombos), le système hydrographique du Delta du Saloum est unique en son genre.
Ces fleuves sont entourés de bolongs très denses au calme nonchalant qui sont des chenaux d’eau salée qui fractionnent les terres du Delta pour créer un dédale de plus de 200 îles recouvertes d’une végétation luxuriante de mangroves, agrémentée de baobabs, de fromagers et de nombreuses autres espèces adaptées à l’alternance d’eau salée et d’eau douce, ainsi qu’une trentaine de tumulus.
Mais on y trouve également des dunes de sable, de la savane boisée et des îlots sableux. Le relief de la zone est plutôt plat à l’exception des amas coquillers qui dépassent, par endroits, le niveau de la mer de plusde12à15m.
Un paradis pour les oiseaux
En face de « Diorom boum mag » se trouve le reposoir des oiseaux. On y recense 366 espèces d’oiseaux, dont les fameux pélicans et les flamants roses. Les forêts de palétuviers, les vasières, les bancs de sable et les îlots sableux constituent un ensemble d’écosystèmes qui permet au Delta d’accueillir des populations importantes d’oiseaux d’eau, notamment de nombreux migrateurs du paléarctique.
Le Delta du Saloum est ainsi le troisième site d’importance ornithologique de l’Afrique de l’Ouest après le Banc d’Arguin (Mauritanie) et le Djoudj (Sénégal). La zone abrite le quart de la population mondiale de sternes royales, une espèce menacée d’extinction. Les forêts claires, notamment la forêt de Fathala, qui constituent la partie terrestre du site classé et les savanes du Delta, accueillent de nombreuses autres espèces d’oiseaux d’intérêt international.
Sur plus de 250 espèces répertoriées, 141 parmi les- quelles 118 migrateurs paléarctiques sont protégées par les conventions de Bonne et de Berne. En outre, le Delta du Saloum, en raison de sa spécificité bioclimatique, est un modèle de biodiversité en termes de ressources halieutiques.
La faune ichtyologique du Saloum est marquée par la présence des espèces de poissons des mers salées comme les mérous et les soles, de même que les espèces pélagiques comme le thon. 114 espèces de poissons ont été recensées, surtout depuis la création de la zone marine protégée. La faune aussi est très riche malgré le braconnage.
Pour les spécialistes, si l’inscription du Delta du Saloum sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco est « un instrument supplémentaire pour sa protection », des menaces existent, menaces que le Plan de gestion du Delta tente de neutraliser.
Parmi elles, les pressions dues à l’agriculture, la pollution, la surpêche, la surexploitation des coquillages dans certaines zones, le tourisme et les changements climatiques.
Pour pérenniser la gestion du site, un centre d’interprétation, qui a pour rôle de communiquer, d’informer et de sensibiliser les populations sur la protection du site classé et l’environnement, en ciblant particulièrement les jeunes, a été construit.
Dans ce cadre, un programme intitulé « Les classes du patrimoine culturel » a été mis en place, ainsi qu’un club touristique.