AN III DE LA SECONDE ALTERNANCE : LES PRÉMICES D’UN ÉCHEC

Le temps fait son œuvre inexorablement au 3/5ème de parcours du régime issu de la seconde alternance dans notre pays (si la prochaine élection présidentielle se tiendra en février 2017). Quand on regarde dans le rétroviseur pour mesurer le chemin parcouru, l’homme de la rue devient dubitatif, devant les multiples difficultés qui continuent d’assaillir les populations sénégalaises et les attentes qui se prolongent sur les nécessaires réformes institutionnelles (référendum en mai 2016).
Il est évident que, plus on s’approche des échéances, plus le consensus indispensable sur la modification des règles du jeu démocratique devient problématique et pourrait conduire à des fractures politiques ou reculs, en raison des calculs politiciens qui la sous-tendent.
Certes, de nombreuses initiatives ont été prises pendant cette période, dénotant l’existence d’un volontarisme singulier, mais, il faut reconnaître que beaucoup d’eau a coulé sous le pont pour peu de résultats probants, en dépit des auto-satisfactions trompeuses.
Etait-ce la sous-estimation de l’ampleur des tâches au regard des promesses électorales mirobolantes ou, est-ce la conséquence d’une gouvernance politique hasardeuse qui souffre de l’absence d’une vision stratégique basée sur l’existence d’un projet de société ou, est-ce la survenue de facteurs exogènes défavorables (déficit pluviométriques, Ebola) ?
En tout état de cause, de multiples incertitudes planent sur les réformes institutionnelles exigibles ainsi que sur le calendrier électoral qui devrait être connu de tous les acteurs politiques et économiques, au moins, trois ans avant échéance. Or, de ce point de vue, l’organisation d’un référendum en mai 2016 pour la modification de la durée du mandat présidentiel pose une hypothèque sur la date effective de la prochaine élection présidentielle.
Au demeurant, l’organisation d’un référendum qui modifie les règles du jeu politique devrait avoir lieu en début de mandat et non en fin de mandat. A ce propos, il faut rappeler que le peuple s’était déjà prononcé sur la question pour une durée de cinq ans en 2001, d’autant que le référendum selon l’article 27 de la Constitution est obligatoire pour le renouvellement du mandat et non pour sa durée.
D’ailleurs, pour le parallélisme des formes selon la jurisprudence, une telle interprétation de l’article 27 de la Constitution dans le sens du non assujettissement de la modification de la durée du mandat présidentiel à l’obligation de référendum fut consacrée par l’avis du Conseil constitutionnel sur la constitutionalité de la loi organique modifiant la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans par la voie parlementaire en 2010.
Il faut convenir que les réalisations au plan institutionnel et politique, économique et social n’ont pas été à la hauteur des attentes au cours des 3/5ème du parcours :
Au plan institutionnel et politique
Nous nous souvenons que le Sénat fut dissous d’emblée en début de mandat et qu’il y avait eu par la suite le vote en procédure d’urgence de l’Acte III de la décentralisation qui pose, aujourd’hui, énormément de difficultés.
Cependant, les autres réformes prises en compte dans le tuyau visant la modernisation et l’approfondissement de la démocratie à la suite d’un consensus de la classe politique sur l’application des conclusions des Assises nationales tardent à se concrétiser, complexifiant davantage l’agenda politique sénégalais ; si bien que cet imbroglio pourrait conduire, si on n’y fait pas trop attention, à une rupture du consensus politique sur les règles du jeu démocratique.
Au plan économique
En attendant que la Direction nationale des statistiques, qui ne devrait pas être logée sous la même tutelle que la Direction de la prévision et des études économiques confirme la croissance économique déclarée de 4,5% en 2014, ce qui serait surprenant en raison de la contre-performance notée dans l’agriculture, le tourisme et l’industrie, le Sénégal n’a pas su encore profiter de la chute des cours du pétrole pour améliorer la compétitivité des entreprises sénégalaises à la base de l’économie réelle (informel et formel).
Les investissements publics pour les projets d’infrastructures sont certes indispensables, mais, le plus important est de créer les conditions de l’émulation et de la compétitivité des entreprises sénégalaises pour une bonne accumulation interne du capital et favoriser ainsi l’investissement productif afin de renforcer la production nationale des biens et services.
Il s’y ajoute qu’en raison de la faiblesse (28%) de la part des entreprises nationales à la formation du Pib, l’émergence ne serait qu’un vœu pieux, quel que soit par ailleurs le niveau de la croissance qui devient une croissance substantiellement exportée pour peu d’exclusivité.
Au plan social
Il faut surtout relever la crise structurelle de l’éducation et de l’enseignement supérieur qui perdure, obérant ainsi le développement du capital humain, essentiel pour l’émergence.
Au niveau sanitaire, en dépit des progrès, le développement des infrastructures et du personnel de santé ainsi que le système laissent à désirer, surtout en zone rurale ou péri urbaine.
Nonobstant l’existence de la coalition électorale Bby qui a eu raison du régime politico-affairiste dit libéral précédent, les retards programmatiques s’accumulent de nos jours, sur tous les plans, au point de rendre caducs les espoirs suscités par la seconde alternance qui s’envolent peu à peu, à la suite de la première déconvenue.