JEAN-PIERRE FAVRE, UN FAROUCHE OPPOSANT ET "BOUILLANT" CANDIDAT A LA PRÉSIDENTIELLE
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Lomé, 21 avr 2015 (AFP) - La presse pro-régime l'a surnommé "le marcheur", tant il aime à manifester: de défenseur des droits de l'homme, Jean-Pierre Favre s'est mué en farouche opposant au chef de l'Etat sortant Faure Gnassingbé et apparait aujourd'hui comme son principal challenger à la présidentielle de samedi au Togo.
Le chef de file de l'Alliance nationale pour le changement (ANC), qui a déjà affronté M. Gnassingbé en 2010 --il avait obtenu près de 34% des voix contre plus de 60% pour le vainqueur--, est soutenu, cette année, par cinq partis d'opposition regroupés au sein du Combat pour l'alternance politique (CAP 2015).
Cet économiste de formation à la stature imposante, marié et père de trois enfants, aujourd'hui âgé de 62 ans, était un des grands défenseurs des droits de l'homme de l'ère Gnassingbé Eyadéma, le père de l'actuel président, qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant 38 ans --jusqu'à sa mort en 2005.
"C'est un homme bouillant et trop radical, mais j'admire parfois son courage face à certaines situations", confie un membre influent du parti au pouvoir, l'UNIR.
Personnage central de l'opposition, il a organisé, avec le Collectif Sauvons le Togo (CST), un regroupement de partis d'opposition et de la société civile, une série d'importantes manifestations contre le régime en place, en 2012, dont plusieurs ont été violemment dispersées par la police.
Titulaire d'un Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en sciences économiques de l'université de Lille, en France, M. Fabre est rentré en 1979 au Togo pour enseigner à l'université de Lomé pendant quatre ans.
Il a ensuite participé à la création de la Ligue togolaise des droits de l'Homme, puis dirigé deux revues engagées, La Tribune des Démocrates et Le Temps des démocrates.
En 1992, il a rejoint l'ex opposant historique Gilchrist Olympio lorsque ce dernier a rassemblé plusieurs partis de l'opposition en une seule formation, l'Union des forces de changement (UFC).
- Une intransigeance critiquée -
Élu secrétaire général, il prend les rênes du parti, dans la pratique, M. Olympio étant contraint à l'exil par le général Gnassingbé Eyadéma. Député depuis 2007, il se retrouve candidat de l'UFC à la présidentielle en 2010 suite à un concours de circonstances:
M. Olympio, victime d'un accident, ne peut se présenter et lui cède la place. En mai 2010, peu après l'élection, les compagnons de lutte se brouillent: M. Olympio passe un accord avec M. Gnassingbé pour faire entrer son parti au gouvernement.
M. Fabre claque la porte de l'UFC pour créer son propre parti. Certains proches critiquent son intransigeance: "M. Fabre aime trop se cramponner sur sa position, il n'a pas une capacité d'écoute.
Ce qui fait qu'il n'arrive pas à jouer son rôle de rassembleur" face à Faure Gnassingbé, commente un opposant sous couvert d'anonymat. Mais le "marcheur" surfe aujourd'hui sur le ras-le-bol de la population, lassée par 48 ans de règne d'une même famille, avec comme principal slogan de campagne "Le changement en 2015".
"Le principal enjeu pour nous, c'est (...) la nécessité pour les Togolais de changer de régime, d'en finir définitivement avec le système Gnassingbé qui, par la ruse, par la violence, se maintient au pouvoir", martelait-il récemment lors d'un meeting.
Dans son programme de 123 pages, il promet de "tourner définitivement le dos à l'arbitraire et aux voies de fait érigés en politique de gouvernement, à la gabegie et à la corruption pratiquées à tous les niveaux, (...) à l'impunité, aux violations répétées de la Constitution et des lois".
Certains observateurs estiment que ce scrutin à un seul tour sera serré, même si le président sortant bénéficie de la faveur des pronostics, notamment à cause de la dispersion des voix de l'opposition, qui présente quatre candidats.