DE L’ÉCONOMIE DE L’HUMAIN POUR UN NOUVEAU PARADIGME EN POLITIQUES PUBLIQUES
Ce modèle d’économie est, sans nul doute, une source d’inspiration pour orienter les politiques publiques dans notre Sénégal engagé dans une séquence politique et sociale inédite pour sa transformation
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En Afrique subsaharienne et particulièrement au Sénégal, dans ce contexte politique issu et/ou inspirant des volontés dans la construction de souverainetés, d’autonomies dans la décision publique et de décollage définitif pour ne pas dire de développement social et économique irrépressible, le constat saute à l’oeil qu’au coeur des préoccupations contemporaines, l'économie de l'humain s’impose désormais. Elle est comme une approche indispensable en plus d’être innovante face aux défis socio-économiques actuels dans cette région du monde, dont la démographie est dynamique, les ressources naturelles généreuses sans être éternelles, un climat au beau fixe malgré le réchauffement climatique, nonobstant les besoins croissants avec en même temps une des meilleures marges, si ce n’est la meilleure, de transformation systémique dans le monde. En témoignent les ouvrages, les rapports et reportages aux titres évocateurs: «L’Avenir c’est l’Afrique...»1, «L’Afrique est l’avenir du monde...»2, «L’Afrique est le continent d’avenir...»3. Contrairement aux modèles économiques traditionnels qui privilégient systématiquement la maximisation du profit et l'accumulation des richesses avant la redistribution, et dans lesquels la plupart des pays du continent, si ce ne sont tous, ont jusqu’ici eu du mal à faire leur place dans le concert des concurrences entre nations en ce 21ème siècle, cette nouvelle vision, de l’économie de l’Humain, place l'être humain au centre des préoccupations économiques.
Les fondements de l'économie de l'Humain
Parmi les idées clés de l'économie de l’Humain, nous identifions principalement deux :
- D'abord, elle reconnaît la valeur intrinsèque de chaque individu, considérant l'être humain non pas comme un simple acteur économique, mais comme un porteur d’éthique et un créateur de valeurs à part entière. Cela implique une réévaluation des indicateurs de succès économique : au lieu de se concentrer uniquement sur le PIB, cette approche s'intéresse à des indicateurs de bien-être, comme l'éducation, la santé, et l'égalité des droits, les possibilités de se saisir d’opportunités diverses et cela dans l’autonomie qui sied fondamentalement à l’être Humain dans son contexte, écologie ou écosystème de vie malgré sa dimension éminemment sociable.
- Ensuite, l'économie de l'humain met l'accent sur la solidarité et la coopération. Elle prône des modèles où les individus et les communautés collaborent pour atteindre des objectifs communs, renforçant ainsi le tissu et lien social, bases pour la cohésion sociale. Ce modèle s'oppose à la compétition exacerbée souvent observée dans les économies orientées vers le profit et où l'individualisme prévaut.
Ce modèle d’économie de l’Humain est, sans nul doute, une source d’inspiration pour orienter les politiques publiques dans notre Sénégal engagé dans une séquence politique et sociale inédite pour sa transformation positive systémique irréversible.
Les enjeux sociaux et économiques
L'un des principaux enjeux de l'économie de l'humain réside dans la lutte contre les inégalités. Dans un Sénégal où les disparités économiques se creusent, inspirant et mobilisant une écrasante composante de la jeunesse et des moins jeunes à opérer un choix net envers et contre toutes les manoeuvres, cette approche de l’économie de l’Humain cherche à établir des mécanismes qui favorisent la redistribution des richesses. Elle opère, pour cela, par des politiques fiscales plus progressives et des investissements dans l’éducation, la protection sociale et la santé afin de contribuer à offrir de meilleures opportunités à tous, sécuriser les parcours de vie citoyen exposés à de multiples risques, réduisant ainsi les écarts socio-économiques et favorisant la cohésion sociale.
De plus, l'économie de l'humain prend en compte les enjeux environnementaux. La prise de conscience croissante des limites planétaires et des conséquences du dérèglement climatique invite à repenser les modèles de production et de consommation à l’échelle de notre Sénégal. Le développement de l'économie circulaire, qui vise à minimiser les déchets et maximiser la réutilisation, s'inscrit parfaitement dans cette vision, en plaçant la durabilité au coeur de l'activité économique. Dans la situation actuelle de notre Sénégal confronté à un chômage massif de la jeunesse, à une structuration plus importante de l’activité économique et donc un besoin important de création d’emplois, l’économie circulaire peut être un levier de création d’emplois mais aussi de maîtrise du traitement des déchets de l’inéluctable consommation et donc de l’aménagement et l’assainissement de nos villes et villages. Un vivier de développement de métiers de ce secteur dans les collectivités locales est ainsi à notre portée.
Les implications pour l’avenir du Sénégal
Adopter l'économie de l'humain nécessite des changements profonds dans les politiques publiques, les pratiques économiques et la manière dont nous concevons le progrès : celui-ci devant être au service de notre bien-être collectif et individuel. Les gouvernements doivent donc promouvoir, construire des initiatives qui favorisent le bien-être, comme un système de protection sociale, un accès universel et pérenne à l’éducation, un accès universel et de qualité aux soins de santé et la promotion de l'inclusion sociale.
Sur le plan entrepreneurial, les entreprises au Sénégal, formelles et informelles, doivent réévaluer leurs missions, qui au-delà de la recherche de profit, en intégrant des valeurs sociales et environnementales dans leurs stratégies comme concilier rentabilité et impact social positif, s’appuyer sur des exemples de modèles d'affaires responsables, coopératives.
L'économie de l'Humain adossée à la banque de la diaspora ou plutôt aux «Diaspora Bonds» représente une voie prometteuse pour répondre aux défis actuels de notre Sénégal de la Téranga à bâtir sans relâche sur la base de valeurs éthiques comme l’inspire de façon déterminée le projet Pastef: en plaçant l'individu au centre des préoccupations d'une transformation systémique, éthique et socio-économique ; cette approche ouvre la porte à un avenir où la solidarité durable et l'équité sont des piliers fondamentaux. Pour transformer le modèle économique de notre pays en un modèle économique humaniste, résilient et éthique, il est essentiel que chacun d'entre nous, à partir de sa position sociale et professionnelle ou relative à une activité économique, s'engage activement dans cette démarche de transformation systémique, afin de construire un Sénégal plus juste et plus harmonieux, où chacune et chacun a la possibilité de s'épanouir pleinement.
Djibril Keita est sociologue, enseignant en santé publique et politiques sociales, co-fondateur de l’Institut Esprit Public Stratégies et Intelligences (IEPSI).
Ibra Pouye est éditorialiste et contrôleur des finances publiques.
1 Maeva Bougue, L’avenir c’est l’Afrique. Un continent en plein essor, une vision pour demain. », Independantly published en août 2024, 84 pages.
2 Carlos Lopes, L’Afrique est l’avenir du monde. Repenser le développement »Paris éditions du Seuil, mars 2021, 256 pages.
3 Rapport publié en 2016 sur le site du gouvernement français.