L’APS N'EST PAS BUSINESS RENTABLE
MAMADOU KOUMÉ, ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL
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Le sous-financement demeure le talon d’Achille des agences de presse publique en Afrique. A tel enseigne que la privatisation est parfois préconisée par d’aucuns pour y remédier. Seulement, cette option n’est pas forcément salvatrice ou du moins la solution la mieux adaptée. En tout cas en ce qui concerne l’Agence de presse sénégalaise, la privatisation ne la sortira pas du marasme qui la ronge depuis quelque temps. C’est le point de vue de Mamadou Koumé, l’ancien directeur général qui a présidé aux destinées de l’agence pendant 9 ans et demi.
L’Agence de presse sénégalaise (APS), l’une des meilleures du continent traverse des difficultés liées à son sous-financement par les pouvoirs publiques. Mais la céder à des privés qui la renfloueraient, comme l’envisagent certains, est une vue de l’esprit. D’abord parce que l’information est plus accessible aujourd’hui avec l’avènement du web et ensuite parce qu’en termes de business, elle ne peut rien apporter à l’acquéreur éventuel
«Aujourd’hui, sur le marché sénégalais, je pense que beaucoup de gens peuvent s’en passer. Si vous demandez aux gens de privatiser l’APS, qui va l’acheter ? A quoi cela va lui servir ? Je vois mal un privé dire : - vendez moi l’APS. Qu’est-ce qu’il va en faire avec l’APS, ce n’est pas une solution ». Parce qu’il faudrait que j’ai des gens qui acceptent d’acheter mon produit », a expliqué Mamadou Koumé dans une interview exclusive avec www.SenePlus.Com.
Toujours est-il que depuis des décennies, l’APS est incontournable dans le dispositif informationnel du pays, notamment en termes de communication politique pour les ONG, les institutions, le gouvernement…
Si les pouvoirs publics sont conscients de l’utilité pour que certaines informations soient publiées, soient vulgarisées et à la portée des Sénégalais, il faut qu’ils mettent les moyens parce que c’est pour les Sénégalais. La concurrence à l’ère du numérique est rude.
Sans un soutien conséquent, l’agence de presse sénégalaise ne peut assurer pleinement la mission de service public qui lui est assignée. «Je pense que l’agence doit être soutenue comme dans tous les pays libéraux’’. La France est un très grand pays, mais si l’AFP n’avait pas été soutenue par l’Etat français, il y a fait longtemps qu’on n’aurait plus parlé de l’AFP, a soutenu Mamadou Koumé qui connait bien la situation financière de l’agence.
Si l’agence a connu moins de difficultés sous son exercice, c’est par le fait qu’il a su avec son équipe maitriser la gestion en dépit des moyens de bords dont elle disposait.
«Pendant 9 ans et demi, nous avons mené un combat avec l’équipe qui nous a accompagné pour que l’agence retrouve vraiment son lustre d’antan. Et moi je peux dire en toute modestie que nous avons travaillé pour donner à l’extérieur l’image d’une agence qui fonctionne normalement. Et ça, ça a été un combat de tous les jours, ça a été un travail soutenu.
Nous avons résisté à l’inféodation de l’APS
Comme patrimoine de l’Etat l’APS mérite un soutien de l’Etat. Mais pour l’ancien DG, soutenir financièrement l’agence de presse publique ne doit pas être un motif de l’inféoder au pouvoir en place et la rendre docile et partisane. En tout cas en son temps, Koumé dit avoir refusé toute manœuvre allant dans ce sens. «Nous quand nous avons été à l’APS, nous n’avons pas accepté d’être (inféodé), nous avons refusé cela. Même si c’est ainsi ». En tout cas, (sous notre exercice), ça a été plus un service public qu’un média d’Etat ».
Oui pendant 9 ans et demi, nous avons mené un combat - mes collaborateurs et moi -, pour que l’agence retrouve vraiment son lustre d’antan. Et moi je peux dire en toute modestie que nous avons, -les gens avec qui j’étais, avec qui j’ai travaillé – que nous avons réussi cela. C’est-à-dire donner au public, donner à l’extérieur l’image d’une agence qui fonctionne normalement. Et ça, ça a été un combat de tous les jours, ça a été un travail soutenu, se réjouit Mamadou Koumé. En tout cas l’inféodation sape sans conteste le professionnalisme, la crédibilité et la fiabilité de l’agence. « Je pense que si vraiment on veut que le service public joue son rôle, il faut qu’elle soit soutenue financièrement, qu’elle reçoive des subventions plus conséquentes que des miettes qu’on lui donne ».
Aujourd’hui plus que jamais les agences de presse ont des défis énormes à relever étant donné le foisonnement des sites internet et la vitesse supersonique à laquelle l’information circule à travers le globe.
Si l’info est démocratisée est omniprésente avec l’avènement du web, est-ce que pour autant l’info grand-public est forcément l’info fiable. C’est là où selon Mamadou Koumé, l’agence doit se démarquer des sites internet. En tout cas pour peu qu’elle échappe à l’inféodation
« La différence entre l’information qui est disponible partout et l’information qui est travaillée comme dans une agence, la différence est importante. Moi je suis resté pendant 9 ans et demi à l’APS, on ne nous a jamais démentis pour une information que nous avons donnée. Ça veut dire que nous avons travaillé comme de véritables professionnels. Il n’est pas évident que sur la toile que tout le monde travaille de la même façon.