LA THERAPIE PAR LES PLANTES MEDICINALES
DECOUVERTE HOPITAL TRADITIONNEL DE KEUR MASSAR
Le Sénégal, en dépit de ses hôpitaux modernes, dispose d’une structure traditionnelle de santé dénommée hôpital traditionnel de Keur Massar. Créé en 1980 par le Docteur Yvette Parès, médecin et chercheur à l’université de Dakar et par des tradipraticiens de grande renommée, il offre aux patients un cadre de vie paisible et thérapeutique à la fois. En effet, c’est un environnement propice à la médecine traditionnelle africaine que votre journal «Le Populaire» vous fait découvrir.
L’hôpital traditionnel de Keur Massar. Voilà une structure médicale bien conforme à la réalité sociologique et socioculturelle du Sénégal. Situé dans le village traditionnel de Keur Massar, à 25 km de Dakar, l’hôpital est bâti sur une superficie de 7 hectares. C’est en 1980 qu’il a été créé par le Dr Yvette Parès, médecin et chercheur à l’université de Dakar et par des tradipraticiens sénégalais de grande renommée.
Pour accéder à cet hôpital, il faut payer 1000 francs Cfa pour la consultation. Respon-sable du centre hospitalier, Djibril Ba indique que la plupart des patients qui le fréquentent y viennent en dernier recours. Car ayant déjà été auparavant partout sans obtenir des résultats. «Ce sont des gens qui connaissent très bien ce dont ils souffrent», a-t-il révélé avant d’ajouter : «Donc, on n’a pas besoin de les consulter».
L’hôpital traditionnel de Keur Massar dispose d’une pharmacie traditionnelle structurée. Cette dernière est sous la responsabilité de Mme Diyé Ba, depuis 1989. Interpellée sur les maladies traitées, elle dira que l’hôpital soigne l’hépatite, le cancer, le paludisme, la syphilis et autres. A en croire Mme Ba, beaucoup de malades viennent se ravitailler en médicaments traditionnels quand ils n’ont pas obtenu des résultats avec les produits chimiques de la médecine moderne. Plusieurs médicaments à base de plante sont vendus dans ladite pharmacie. Il en est des tisanes régulateurs, de la poudre antibiotique, des extraits, des pommades pour le massage, etc. Et tous ces médicaments sont vendus à 1 000 francs Cfa l’unité. Mais pour le traitement complet, il varie entre 6 000 et 8 000 francs, selon Mme Ba.
Les responsables de l’hôpital de Keur Massar ont également mis en place un laboratoire au niveau du centre. Moussa Diallo est un aide laborantin chargé de la gestion dudit laboratoire depuis 2007. Il nous fait savoir que le médicament, après son traitement, est conditionné et distribué dans des points de vente au Sénégal et à l’étranger. Il précise aussi qu’il est difficile de pratiquer la médecine traditionnelle au Sénégal du moment qu’elle n’est pas légalisée par l’Etat, qui la tolère tout juste. Sur ce, il dira qu’«ils sont obligés de se cacher pour l’exercer».
Selon M. Diallo, les résultats des traitements que propose l’hôpital sont très satisfaisants aux yeux des utilisateurs. Ils sont tout pour eux, les tradipraticiens, d’autant qu’ils collaborent avec la médecine moderne pour soulager les malades. «Parce que, ajoute-t-il, parfois, les médecins nous renvoient des patients qu’ils ne peuvent pas traiter».
L’hôpital traditionnel de Keur Massar, pour être fidèle à sa vocation, a mis en place un jardin botanique. Ce dernier, selon Djibril Ba, responsable dudit hôpital, «est l’un des plus exhaustifs du Sénégal». «L’objectif du jardin est de sécuriser l’approvisionnement de l’hôpital en produit à base de plante et de créer un espace de recherche et un lieu de ressourcement pour les étudiants», a-t-il renseigné.
Seydou Ka qui est en charge dudit jardin indique qu’il y a plus de 350 plantes différentes dans le jardin. Ces plantes sont réparties en trois groupes. A savoir des plantes médicinales, des plantes décoratives et des plantes aquatiques. Selon lui, les plantes médicinales sont les plus utilisées. Et l’échantillonnage dont il dispose est riche de 300 plantes. Pour l’entretien du jardin, il dira qu’une équipe de trois personnes s’en charge.
Par rapport aux plantes qui tendent à disparaître, M. Ka renseigne qu’ils recherchent ces plantes un peu partout à travers les régions de Tambacounda, de Thiès et de Fatick, notamment. Toutefois, il n’a pas manqué de souligner les difficultés qu’il rencontre dans l’entretien de son jardin. Ainsi, il dira qu’il n’y a pas de robinet dans le jardin et qu’il n’ y a qu’un seul puits.
L’hôpital traditionnel et le social
L’hôpital traditionnel de Keur Massar, en dehors des traitements et de la vente de médicaments qu’il fait, a mis en place une école primaire. Cheikh Ndiaye Guèye, directeur dudit établissement, confie que l’objectif de son établissement est de faire du social. Ainsi, il informe que pour y accéder, il faut payer le droit d’inscription à 5 000 francs Cfa et 2 500 francs pour la mensualité. Cependant, M. Guèye renseigne que si l’enfant est issu d’une famille pauvre, il ne paye rien. Aussi, sur plus de 200 élèves inscrits cette année, il y a 40 qui sont des cas sociaux et qui sont donc dispensés de payer.
Par rapport à l’enseignement, il indique que c’est le français et l’arabe qui y sont enseignés et que les cours débutent à partir du Ci jusqu’au Cm2. Selon M. Guèye, l’école a toujours affichée un taux de réussite de 100% de sa création en 1984 jusqu’à nos jours. L’école compte 6 classes et 6 enseignants. Il y a aussi un jardin d’enfants au niveau de l’école. Enfin, selon M. Guèye, les enseignants sont payés par l’hôpital et les élèves font également des cours sur les plantes médicinales notamment.
DJIBRIL BA, RESPONSABLE DE L’HOPITAL TRADITIOnNEL DE KEUR MASSAR
«Il faut croire à la médecine traditionnelle et faire preuve de discernement»
Responsable de l’hôpital traditionnel de Keur Massar, Djibril Ba se plaint du manque d’appui des autorités et autres partenaires. Il souligne, ainsi, que la structure fait face à ses charges grâce à la vente des tickets. Il ne manque pas non plus de demander aux Sénégalais de faire confiance aux vertus de la médecine traditionnelle.
L’hôpital traditionnel de Keur Massar est une structure privée. Ainsi, pour faire face à ses charges, il compte sur la vente de tickets et sur les partenaires financiers comme l’Etat. A cet effet, Djibril Ba, responsable dudit hôpital, renseigne que la structure reçoit des subventions du ministère de la Santé et de l’Action sociale et que le dernier appui date du mois d’octobre 2011.
Cependant, il précise qu’avec le régime de Macky Sall, ils n’ont encore rien reçu pour le moment. Par rapport au budget de l’hôpital, M. Ba explique qu’ils n’en ont pas et qu’ils font face avec les moyens de bord. Le personnel de l’hôpital est au nombre de 27 agents et ils sont tous salariés, précise-t-il encore.
L’hôpital a mis en place une équipe de guérisseurs. Dans cette équipe, pour assurer la continuité du service, il a été demandé à chaque personne de former un disciple de son choix. Et en cas d’absence ou autre, ce dernier prendra la relève. Ainsi, informe M. Ba, le guérisseur était à la fois médecin et pharmacien. Mais maintenant, avec le prototype d’organisation qui a été mis en place, chaque personne est obligée de se spécialiser. Sur ce, il souligne qu’il y a les récolteurs de médicaments, les distributeurs, les planteurs et autres qui composent l’équipe du centre. Selon lui, ce système doit être développé un peu partout à travers le pays afin qu’on sorte des chantiers battus.
Djibril Ba a, en outre, demandé aux gens d’accorder plus de crédit à la médecine traditionnelle. «Il faut croire à la médecine traditionnelle et faire preuve de discernement», dit-il avant d’ajouter : «Ce ne sont pas les gens de la rue qui vont vous soigner». Il faut noter que Djibril Ba est le troisième responsable de l’hôpital. Il a été porté à la tête de la structure, il y a de cela juste un an.
La reconnaissance de la médecine traditionnelle au Sénégal en question
La médecine traditionnelle n’est pas encore reconnue par l’Etat du Sénégal, selon Djibril Ba, responsable de l’hôpital traditionnel de Keur Massar. Ce dernier s’en désole et fustige cette situation ainsi que le comportement des autorités. Surtout qu’il relève que des médecins étrangers reconnaissent leur travail et en profite d’ailleurs.
«Nous avons un médecin Belge qui est venu, depuis longtemps, pour nous apporter son soutien, dans le cadre de son mémoire. Et quand elle a vu que nous avions un antipaludéen qui est super efficace, elle a eu l’idée d’en distribuer à des talibés au niveau de la région de Saint-Louis. Et les résultats de son étude ont été formidables. Car il n’y a pas eu de cas de paludisme au niveau de ces enfants. Ainsi, elle a voulu initier, dans un cadre formel, une étude clinique. Sous ce rapport, le ministère de la Santé et de l’Action sociale lui a fait savoir qu’il n’y avait pas de cas de palu dans ladite localité et que le médicament n’était pas enregistré au niveau dudit ministère. Ainsi, l’étude a été bloquée», dénonce M. Ba.
Pour Djibril Ba, il est désormais plus qu’urgent que l’Etat du Sénégal reconnaisse enfin la médecine traditionnelle et lui donne sa véritable place dans la sphère médicale. Car elle a ses vertus et continue de faire ses preuves. Fustigeant la situation qui prévaut actuellement et qui ne leur permet pas de faire correctement leur travail, il se pose bien des questions.
«Où est-ce qu’on peut enregistrer les résultats des études sur nos médicaments si la médecine traditionnelle n’est pas reconnue au Sénégal ? Je ne sais pas ce que les gens veulent, finalement», dit-il, désabusé face à l’attitude que les autorités ont à l’égard de la médecine dite traditionnelle.