SONKO SI FORT, SI FAIBLE
Le principal acteur du combat pour l’alternance Ousmane Sonko peut être comparé à un chef de guerre qui, après avoir brillamment conduit ses troupes et remporté une longue et périlleuse bataille, se retrouve par la suite moins gradé que ses soldats.
L’ordre de préséance républicaine place Ousmane Sonko derrière le président Diomaye Faye et le président de l’Assemblée nationale El Malick Ndiaye. Le principal acteur du combat pour l’alternance Ousmane Sonko peut être comparé à un chef de guerre qui, après avoir brillamment conduit ses troupes et remporté une longue et périlleuse bataille, se retrouve par la suite moins gradé que ses soldats. En effet, après avoir défait Macky Sall au terme d’une lutte acharnée qu’il a dirigée de bout en bout, il se retrouve à une station telle que moins sécurisée que celles de ses hommes. Cette situation inédite résulte du fait qu’une fois sa candidature à la dernière présidentielle compromise, Sonko n’avait d’autre alternative que de désigner quelqu’un pour conquérir le pouvoir à sa place. Une fois la victoire acquise avec un score aux allures de plébiscite, le tout nouveau Chef de l’État Bassirou Diomaye Faye le nomme au poste de Premier Ministre. Après cet épisode, Sonko va à l’assaut d’une autre bataille pour le contrôle de l’Assemblée nationale, la deuxième institution du pays, afin de pouvoir mettre en œuvre son projet par le billet d’une majorité confortable. Comme il l’avait si bien réussi lors de la présidentielle, il descend lui-même sur le terrain pour battre campagne et parvient à convaincre le peuple. Au lendemain de sa victoire sur un score sans appel, les supputations sur son choix entre la Primature et l’hémicycle défraye la chronique. Mais l’ancien chef de l’opposition, choisit de se maintenir à son poste et place un de ses lieutenants au perchoir pour diriger l’institution parlementaire. De ce fait, après avoir pourtant réussi à élire un chef de l’État et lui assurer une majorité de députés il n’a pas plus son destin en main pour continuer à diriger le gouvernement. Son maintien à ce poste reste désormais suspendu aux volontés du Chef de l’État et de l’Assemblée nationale les seules habiletés à mettre fin à ses fonctions. Le premier par un simple décret présidentiel et le second à travers une motion de censure.
La primature, un choix aussi logique que risqué...
La préférence de Ousmane Sonko de rester Chef du gouvernement est logique en soit loin puisqu’après avoir conçu et proposé sa vision et validé par la majorité des sénégalais, il ne pouvait s’astreindre à l’obligation de son pilotage afin d’en assumer l’entière responsabilité en cas de réussite ou de défaite. L’autre raison qui pourrait l’expliquer résulte du fait que Sonko, après avoir placé son pion à la tête de l’exécutif se trouve dans l’obligation de le couver contre les attaques et manœuvres d’une opposition pressée de voir leur compagnonnage mal tourner. C’est pourquoi dès l’installation du Chef de l’État dans ses fonctions, Sonko s’est érigé en véritable bouclier pour prendre sa défense. Mais c’est surtout le Premier ministre qui a été le plus ciblé par ces détracteurs qui ne rataient jamais l’occasion pour le traîner en boue. Des critiques que certains ont assimilé à un souhait de voir le duo au sommet de l’État entre le Président de la République et son Premier ministre mal tourner. Malheureusement cette entreprise est vouée à l’échec face à la détermination des deux hommes forts du pouvoir à préserver leur compagnonnage et la volonté du peuple qui leur a renouvelé sa confiance. C’est pourquoi Ousmane Sonko est plus que jamais rassuré de séjourner à la Primature autant qu’il le voudra sans le moindre risque de voir son siège menacé. Ce, en dépit des contre arguments soutenus par certains se fondant sur les leçons tirées de notre histoire politique marquée par des duos qui ont fini par éclater. Le contexte dans lequel où nous nous trouvons n’étant pas le même l’on ne saurait les comparer dès lors que pour les exemples précédents tous ceux qui ont dirigé ces duos, s’appuyaient sur leur puissance étatique en plus de leurs coefficients personnels de popularité. De ce fait lorsqu’ils ont estimé devoir se séparer de leurs seconds ils n’avaient pas éprouvé trop de peine à mettre en œuvre leurs désirs. Mais pour ce cas-ci, la réalité est toute autre car Ousmane Sonko principal chef d’orchestre pour la prise du pouvoir et le contrôle de l’Assemblée nationale reste aussi le détenteur de la légitimité populaire.
Sonko si fort, si faible...
La victoire de Sonko aux législatives de novembre dernier intervenue sept mois seulement après celle de la présidentielle n’a fait que confirmer le leadership incontesté de l’homme dans le landerneau politique sénégalais. Et ce qui confirme la puissance de l’homme, c’est le choix risqué d’aller à la conquête de l’institution parlementaire sous la bannière de son parti politique. Autrement dit sans la présence du moindre allié sur les listes de députés. Cette option adossée sur une stratégie mûrement réfléchie a eu les effets escomptés car elle permet au Pastef de régner dorénavant en maître à l’hémicycle et à Sonko chef d’orchestre de cette victoire d’y peser de tout son poids. Ce, à travers son écrasante majorité composée de ses propres hommes sur lesquels, il peut s’appuyer pour dérouler sa vision et faire passer «ses» projets de loi comme lettre à la poste. Ceci cumulé avec la puissance qu’il incarne au sommet de l’État en tant que chef du gouvernement ainsi que les rapports de confiance avec le Président de la République met Ousmane Sonko dans une position de force à toute confrontation contre ses adversaires politiques. Toutefois l’on est tenté de nous interroger sur ses aspirations à court terme. En tout cas si on fait le rapport entre la déclaration du chef de l’État au lendemain de son élection, l’invitant à ne pas lorgner son fauteuil mais à le fixer et celle plus récente de l’opposant Barthélémy Dias en ces termes «celui qui ne peut pas attendre 2027 ne peut attendre 2029» il y tout à dire. Mais le Premier ministre aussi puissant soit-il, n’a jusque là pas laissé apparaître des signes qui peuvent donner raison aux propos du désormais ex maire de Dakar. Seulement pour assurer ses gardes et éviter d’être emporté par l’ouragan qui a eu raison sur ses prédécesseurs, le patron du Pastef pourrait renforcer ses pouvoirs pour mieux sécuriser son poste qui dépend de la volonté d’une seule personne. Ceci va davantage installer un climat de confiance dans ses rapports avec le Chef de l’État et affaiblir leurs adversaires politiques. Tout ceci dans la perspective de répondre favorablement aux attentes des populations en s’attaquant résolument aux besoins les plus urgents. C’est l’unique voix qui peut mener ce régime jusqu’à l’horizon 2050, voire plus.