LE JEU DE “MASSACRES” DOMINICAL

Les scrutins municipaux de dimanche ne seront pas de tout repos pour les principales formations politiques du pays et leurs figures de proue.
Ni Présidentielle ni Législatives. Simplement Locales. Les élections municipales et départementales de ce dimanche 29 juin 2014 révéleront d'abord des tendances nouvelles, assez significatives dans l'état des rapports de forces entre forces politiques. A cet effet, il faut peut-être se convaincre que plusieurs aspects séduisants de l'Acte 3 de la décentralisation ne sont pas étrangers à l'explosion quantitative des listes qui a semblé émouvoir le ministre de l'Intérieur au lendemain du dépôt des candidatures.
Hors les espaces locaux, véritables lieux de promotion des ambitions présidentielles pour 2017, les élections locales de ce dimanche se présentent fondamentalement comme un véritable jeu de massacres entre politiques. Pour certaines figures et non des moindres, elles pourraient être le début d'une descente aux enfers dont les “oracles” seuls savent où elle s'arrêterait. Sous ce registre, il n'est pas possible de ne pas s'interroger, déjà, sur le destin de certaines d'entre elles.
Si la bataille entre Khalifa Sall et Aminata Touré a fait rage et laissera des traces dans la vie politique des prochains mois, c'est que le vaincu de dimanche à Grand-Yoff se retrouvera extrêmement fragilisé. Dans son parti et sur la scène nationale. Une casserole du maire sortant dan son fief politique de base, par exemple, entraînerait la perte de la ville-capitale après un seul mandat, une dilapidation d'audience à l'intérieur du Parti socialiste.
Une double peine qui assurerait (presque) à Ousmane Tanor Dieng une troisième candidature de suite à l'élection présidentielle. En 2017. Longtemps cible d'une frange de l'Alliance pour la République, le Premier ministre serait, lui aussi, le symbole et réceptacle de toutes les désillusions qui pourraient frapper le parti présidentiel.
Son autorité dans le gouvernement en serait négativement affectée, et la poursuite de sa mission en serait remise en cause. Une démission serait parfaitement à l'ordre du jour. Cette cruauté des enjeux interpelle également d'autres pointures politiques. C'est le cas du maire sortant de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé. Emancipé du Pds pour d'abord mieux se défendre contre les risques d'une mise en accusation devant l'Assemblée nationale, l'exjumeau de Karim Wade sous l'ancien régime jour une carte importante pour sa tranquillité judiciaire.
Il semble acquis qu'une victoire de la coalition présidentielle précipiterait son face à face avec la justice alors que s'il parvenait, par miracle, à conserver son fauteuil de maire, il mettrait le pouvoir (et les juges) dans l'embarras au nom de la légitimité renouvelée qu'il aura arrachée de haute lutte.
Le schéma qui s'impose pour Baldé ressemble étrangement à celui qui se dessine pour Oumar Sarr. Coordonnateur contesté du Parti démocratique sénégalais, le maire de Dagana, expérimenté et aguerri, sera à quitte ou double dans son Walo natal. Lui aussi dans un double collimateur, judiciaire (avec l'Etat) et politique (avec Wade et ses adversaires à l'interne), la perspective d'une défaite face au camp présidentiel est déjà un début de cauchemar. Mais son implantation locale dans une ville qu'il contrôle depuis si longtemps reste un atout de taille.
A des années-lumières, Idrissa Seck, pour sa part, semble s'être déjà placé dans une perspective post-2014 qui le propulse par anticipation vers 2017. Sa puissance politique et populaire à Thiès ne fait pas l'ombre d'un doute, sa “marche orange” d'hier l'y a conforté. Mais il est tout autant convaincu qu'un faux-pas dimanche lui compliquerait la tâche présidentielle pour laquelle il s'est redéfini un nouvel agenda de présence plus assidue dans la capitale du rail. Alors, seule une fuite an avant lui resterait comme issue de secours.
Les enjeux de ces premières élections locales sous l'acte 3 de la décentralisation touchent à d'autres symboles, au-delà des figures politiques. C'est la direction du basculement des grandes, moyennes et petites villes. Le spectre du désastre politique et psychologique que Wade et son régime avaient subi en 2009 réapparaît aujourd'hui pour constituer une menace contre le pouvoir de Macky Sall. Comment surmonter ou capitaliser la perte ou l'acquisition de villes comme Dakar, Saint-Louis, Thiès, Louga, Kaolack, Ziguinchor, Mbacké, Matam, Podor, Tamba, Kédougou, Kolda, Sédhiou, etc. ?
Finalement, toutes ces perspectives se présentent comme les prémisses d'une recomposition de l'espace politique nationale, mais aussi de remises en cause de leaderships au sein même des formations politiques. Pds, Ps, Apr, Rewmi, elles jouent toutes une partie de leur avenir immédiat dans les scrutins de dimanche. Il serait surprenant que les lignes politiques internes restent dans le statu quo.