LE RÉSEAU NE PASSE PLUS ENTRE TIGO ET SES EMPLOYÉS
TRANSFERT D'UNE PARTIE DU PERSONNEL À ERICSSON
La connexion entre la compagnie Tigo et ses employés est devenue vraiment défectueuse. L'externalisation du réseau est la cause du différend. Une réunion a eu lieu hier entre les deux parties. Mais à la sortie, les travailleurs ont crié à l'intimidation.
Entre la direction générale de la compagnie de téléphonie Tigo et son personnel, le bout du tunnel est encore loin. Pour le moment, les deux parties sont dans deux positions diamétralement opposées.
Hier, la direction a convoqué des travailleurs dans un hôtel de la place pour parler du projet d'externalisation du réseau. Mais la réunion s'est terminée dans la discorde, les concernés refusant ce à quoi la direction les invitait. En fait, d'après Assane Fall le coordonnateur des délégués du personnel, les responsables veulent transférer une partie du personnel de Tigo à Ericsson. Ils sont au total 91 agents : ingénieurs, techniciens et chauffeurs.
Arrivée dans la salle, raconte Papa Ndao un des employés concernés par le transfert, le directeur des ressources humaines de Ericsson a d'abord commencé par leur faire une présentation. Par la suite, deux personnes qui, à son avis, ont été sélectionnées à l'avance avec un questionnaire préétabli, commencent à poser des questions. Après quoi, sans jamais avoir droit à la parole, on leur demande de changer de salle. "Et là, on nous demande de signer une fiche de transfert. J'ai refusé de le faire", révèle M. Ndao pour qui, tout ce qui a été fait "est du cinéma".
Si l'on en croit le syndicaliste Fall, la direction de Tigo s'est livrée à des menaces et du chantage, car ayant affirmé au cours de cette rencontre que celui qui ne signait pas la lettre de transfert serait considéré comme démissionnaire. Il a par ailleurs précisé que ce qui est appelé, par euphémisme, lettre de transfert est en réalité une lettre de démission.
A propos du projet, les responsables veulent affecter le réseau à Ericsson qu'ils considèrent comme mieux outillé en la matière. Son objectif est donc d'améliorer la qualité de service. Ce que rejette M. Fall selon qui le cœur de métier même de Tigo est le réseau avant le service. Ils ont d'ailleurs été félicités lors des dernières cérémonies religieuses pour la qualité du réseau, ajoute-t-il.
Ce qui lui fait dire qu'il y a une violation du cahier des charges. L'autre argument des syndicalistes, c'est que le projet a des non-dits. Si l'on en croit M. Fall, il y a le risque de perdre les avantages et même les emplois. "Dans d'autres pays où cela a été tenté, il y a eu des licenciements économiques. L'objectif ici est double : agir sur le réseau et l'optimisation des coûts. C'est ce qui fait qu'au Niger, 90% des personnes ont été licenciées après 6 mois", souligne-t-il.
Pour toutes ces raisons, les délégués de la société ont déjà saisi l'autorité. Vendredi prochain, une rencontre entre le ministère de tutelle et les deux parties est prévue à la direction du travail. Ce sera l'occasion de statuer sur un différend collectif.
La contre-offensive de la direction
La direction générale de la société Tigo a sorti un communiqué hier, en réaction à la déclaration de presse du Secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de Sentel du 21 mars 2015. Le communiqué aux allures de contre-déclaration a pour objectif d'apporter des précisions sur un certain nombre de points. A propos de la légitimité du processus, Tigo affirme : "Ce processus est admis en droit des sociétés, et ses effets sur le personnel de l'entreprise sont prévus et gérés par les articles L66 et L67 du code du travail."
Quant à la légalité d'une telle initiative, Tigo conteste la version des syndicalistes selon laquelle c'est le cœur de métier qui est transféré. La société réplique :
"Le projet d'externalisation d'une partie de nos services techniques, notamment la gestion opérationnelle du réseau, est conduite en parfaite conformité avec notre législation. En effet, la gestion externe de notre réseau ne signifie aucunement la dépossession de notre cœur de métier".
Poursuivant son argumentaire, la compagnie soutient que l'appel à un équipementier de haut niveau "laisse intacts les domaines techniques aussi important que la planification stratégique, les décisions d'investissement et la propriété des équipements qui constituent incontestablement les moyens de l'exécution de notre mission".
Ainsi, c'est pour faire face aux défis technologiques que la décision a été prise, à en croire toujours Tigo dans son communiqué. D'ailleurs, à en juger par les termes de la note, les dirigeants de la société ne comptent pas faire marche arrière. "L'appel à un équipementier reconnu et qualifié est une démarche incontournable pour la réussite de notre mission et ne revêt aucunement une violation du cahier des charges", répliquent-ils.
A propos de la manipulation des données personnelles des abonnés de Tigo crainte par les syndicalistes, la société assure que "la gestion de cet aspect reste du domaine et sous la responsabilité exclusive de Sentel et non de Ericsson". Il s'y ajoute également que, d'après Tigo, la société Ericsson est une société de droit sénégalais qui reste soumise aux lois et règlements de ce pays.