"LE SÉNÉGAL EST LOIN DU NIVEAU DU NIGERIA OU DU GHANA"
APRES SON SÉJOUR EN EUROPE, ALIOU CISSÉ FAIT LE POINT

Le coach des lions, Aliou Cissé, croit que seul le travail à long et moyen terme peut valoir à l’équipe nationale des satisfactions au plan africain et mondial. En marge d’un entretien accordé à la presse, l’ancien capitaine est, notamment, revenu sur les dernières sorties des lions, le choix des binationaux et les échéances prochaines. Il a en outre invité les joueurs à mouiller le maillot comme leurs ainés.
Vous avez rencontré des binationaux et des expatriés, quels enseignements en tirez-vous ?
J’ai rencontré pas mal d’entre eux. Mais, pour le moment, je ne peux pas révéler leur identité. Il faut les protéger tant que le choix n’est pas fait. J’ai de bons échos en retour. J’ai discuté avec un bon nombre d’entre eux. Je connais leur degré de motivation et je suis optimiste. Je n’ai pas besoin de joueurs avec des états d’âme. Il faut cependant leur donner le temps de réflexion. Ils doivent s’inspirer des ainés, tel que Jules François Bocandé, El Hadj Diouf qui ne ménageait aucun effort dans la défense de leurs maillots. Concernant les relations entre binationaux ou expatriés, il n’y a pas de débat. C’est un domaine un peu dangereux et sensible à la fois. Il faut éviter de s’étaler sur le sujet. Seulement, certains ont des affinités, les uns avec les autres. Ce n’est pas un problème à mon niveau. Pour moi, il n’y a qu’une équipe nationale du Sénégal et non deux. Binationaux ou locaux, il ne faut pas en faire tout un débat. Ces garçons que je côtoie, ont envie de réaliser quelque chose ensemble pour leur pays. Vivre ensemble et savoir faire, c’est difficile. Mais, ils ont vécu des périodes ensembles, et vont avancer avec cet état d’esprit.
Comment comptez-vous gérer les frustrations de certains joueurs qui manifestent leur déception de ne pas être convoqués dans la tanière ?
Ne pas être sélectionné peut conduire à la frustration. Mais, il faut savoir raison garder pour les joueurs. La communication est quelque chose d’assez difficile, c’est pour cela que les joueurs dérapent dès fois. Cela peut arriver. Mais, une chose est sure, il est plus facile de faire du mal que de réparer. Dans tous les cas, nous travaillons actuellement en interne pour parer à toue éventualité, et nous discutons avec la direction technique d’un règlement intérieur qui va être bientôt officialisé.
Le fait de ne pas disputer de matchs amicaux peut-il constituer un handicap pour l’équipe ?
Nous ne sommes pas dans l’obligation de disputer des matchs amicaux. Les joueurs sont actuellement en phase de boucler leurs championnats. Ils ont joué beaucoup de matchs tout au long de la saison qui s’achève. Je m’inquiète plus quant à leur état de forme et de récupération. Il faut éviter les blessés en vue des matchs de qualification contre le Burundi et le Niger. C’est ce qui me préoccupe le plus. Il faut savoir gérer l’effectif pour les échéances à venir. Toutefois, nous continuons d’étudier toutes les possibilités avec la direction technique, et nous décideront pour l’intérêt de l’équipe. Tout dépendra de notre planning, même si je reconnais qu’il est important de voir jouer l’équipe au Sénégal pour la cohésion avec le public. Tout reste possible.
Quel diagnostic faites-vous de la tanière?
Il n’y a pas de secret pour construire une équipe compétitive. Au Sénégal, on a toujours eu de grands joueurs, mais pas la meilleure équipe. Ce sont les 11 types du Sénégal qui m’intéressent. Il faut du temps à cette équipe, du rythme, des matchs. La fédération sénégalaise de football (FSF) est dans cette voie. Le passé nous a appris que travailler dans la précipitation ne nous fera rien gagner. Je ne suis pas figé dans le 4-4-2. Ce qui est important, c’est comment les joueurs s’adaptent aux différents systèmes de jeu mis en place. Les schémas que j’adopte varient en fonction des contextes d’un match.
Comment aborder les éliminatoires au mois de Juin ?
L’aspect mental est important et fondamental. Etre international africain n’est pas facile. Il faut se rapprocher des anciens joueurs pour savoir de quoi je parle. Ils faisaient des sacrifices énormes et beaucoup d’efforts pour jouer avec leur sélection nationale. Pour arriver à ce niveau, il faut être costaud. En Afrique, nous ne disposons pas des meilleures conditions de jeu, c’est très dur de gagner. Mais ces contraintes ne doivent pas être un obstacle. Tony Sylva sait de quoi je parle. Nous avons vécu ces expériences du football africain. C’est ce qu’on doit transmettre aux joueurs.
Quelle sera la bonne formule à appliquer pour la gagne ?
On cherche la complémentarité des joueurs. Je n’étais pas le meilleur à mon poste lors de la Can et le mondial en 2002. Je n’étais pas meilleur qu’Amdi Faye ou Sylvain Ndiaye. J’en étais conscient. Mais, le coach Bruno Metsu cherchait la meilleure combinaison possible pour gagner. C’est ce qu’on doit faire en trouvant nos 11 types.
Comment préparer le match face au Burundi et au Niger ?
Le Burundi est un pays de football, même si c’est une zone instable. Ce n’est pas une équipe à négliger. La Can constitue un moyen pour leur population aux fins d’amener une certaine stabilité politique. Nous savons ce qui nous attend là bas. Ce ne sera pas un match facile ni gagné d’avance. Il faudra répondre présent. Le Niger est une équipe que je connais assez bien et qu’on observe depuis un certains temps.
C’est un adversaire de taille, mais on a des éléments sur l’équipe qu’on va étudier, d’ici la rencontre.
Comment gérer la concurrence des gardiens de but ?
Je dois remettre les choses à leur place. Coundoul est un bon gardien qui nous a beaucoup apportés et il continue de le faire. La concurrence, il est habitué à cela. Il y a d’autres qui émergent et qui montrent leur savoir faire à l’image d’Abdoulaye Diallo. Ce garçon a de la qualité, cela se voit. C’est un garçon régulier qui joue à tous les matchs dans son club du Le Havre. Il a montré qu’il a l’envergure pour devenir un très grand gardien. Mais, en équipe nationale, rien n’est figé ni promis à ce poste. Il doit continuer dans cette dynamique et mériter la confiance de Tony Sylva, leur coach. Parce que ce n’est pas à eux de décider. Les professionnels n’ont pas de problème de concurrence, ils sont des habitués de ce facteur en club comme en sélection.
Quels sont les joueurs qui vous ont marqué depuis votre nomination à la tête de la tanière ?
Bien sur qu’il y en a certains qui ont marqué les esprits à l’image de Moussa Konaté qui a mis des buts à chacune de ses entrées. De même que le gardien Abdoulaye Diallo qui a fait une bonne prestation dans ses débuts. Mais, il faut louer le travail de sape de Demba Ba et Birame Diouf qui ont contribué à la prestation de Moussa Konaté qui a fini le boulot. Sadio Mané est aussi un jeune espoir à surveiller. Il progresse dans son championnat et peut devenir un futur grand.
La composition de votre staff suscite des débats, qu’en dites-vous ?
Blanc ou noir, ce n’est pas dans ma philosophie de travailler. Je suis un natif du Sénégal et j’ai grandi dans mon pays. Pourtant, je suis parti en France où j’ai étudié et fais ma carrière de footballeur professionnel et d’entraineur. Régis Bogart et Terry Pèlerin, le préparateur athlétique, font partie du staff. Je ne vois pas d’autres noms. Il n’y a pas de polémique autour de cette question. Je ne vois pas ou est le problème à ce niveau. Il faut rester dans le cadre purement sportif.
On parle souvent de l’effet temps par rapport aux résultats attendus de l’équipe, êtes-vous dans cette même logique ?
Je n’ai pas le droit de vendre du rêve à notre football. On n’est pas encore au niveau de l équipe du Ghana ou du Nigéria. L’équipe du Sénégal avec la qualité de nos joueurs, doit proposer un jeu plus attrayant. Les joueurs peuvent produire plus que cela. Mais, pour amener cette cohésion, il faut forcément du temps. Le déclic peut néanmoins se produire à tout moment. Les ghanéens ont bâti un collectif durant des années en gardant l’équilibre. Notre base est là. Mais, il y a eu des changements récurrents. Pour nous identifier à un fond de jeu, il faudra travailler dans le temps. Le résultat escompté peut arriver très vite. J’ai l’appui du ministère et de la FSF dans mon projet sportif, et nous sommes engagés à réussir ensemble dans nos missions. Le temps de l’évaluation sera après la Can. Un diagnostic pour faire des pas de géant.
Qu’avez-vous à dire du cas Momo Diamé qui était le capitaine des lions olympiques et qui est actuellement éloigné des terrains pour raison de blessure ?
C’est un garçon que je connais très bien. C’est d’ailleurs Karim Séga Diouf qui a eu cette vision, de lui donner le brassard de capitaine que portait Abdoulaye Diallo. Un choix judicieux qui n’est pas facile à faire. C’est un joueur que tout entraineur aimerait avoir dans son effectif. C’est un garçon discipliné et droit, un vrai créateur ! C’est un joueur avec qui je discute souvent. D’ailleurs, s’il n’était pas footballeur professionnel, il serait mon ami. La blessure l’a éloigné des terrains. Nous restons attentifs à sa santé. Je ne vois pas d’objection d’un retour dans la tanière, s’il retrouve la plénitude de ses moyens et le haut niveau.