Les organisations de défense des droits de l’Homme, si promptes à prendre en charge des combats multiformes, laissent les homosexuels sénégalais dans une bien grande solitude. Et pourquoi donc ? "La société n’est pas encore prête à ce changement"...
JOURNÉE MONDIALE CONTRE L’HOMOPHOBIE
Les organisations de défense des droits de l’Homme, si promptes à prendre en charge des combats multiformes, laissent les homosexuels sénégalais à leur triste sort. La raison invoquée ? «La société n’est pas encore prête à ce changement». Oubliant qu’il faut toujours quelqu’un pour actionner les choses.
Enfin, pourrait-on dire ! La journée mondiale contre l’homophobie a quand même été célébrée hier au Sénégal, une journée en avance et sans que les gens aient à se cacher. A cette occasion, l’ambassade des Pays-Bas à Dakar, en association avec celle de la République fédérale allemande, a réuni à la résidence de l’ambassadeur diverses personnalités de la société civile, des médias ainsi que des travailleurs sociaux, pour débattre sur les droits des minorités sexuelles au Sénégal. C’était en présence de certaines personnes, aussi bien de Sénégalais musulmans que quelques Africains non-Sénégalais, qui assumaient ouvertement leur statut d’homosexuels.
Si cette rencontre a été l’occasion d’entendre des déclarations assez fortes et bien tranchées, du genre, «l’homophobie est profondément hypocrite», ou «les religions ne peuvent servir de couverture à une pénalisation de l’homosexualité», elle a servi aussi d’opportunité aux diverses organisations militant pour les questions des droits humains, de montrer leur frilosité quant à la volonté de porter le combat de la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal.
Excipant du fait que toute personne qui se mettrait aujourd’hui à défendre le droit des minorités homosexuelles au Sénégal, pourrait conduire à mettre même sa propre vie en danger, ces défenseurs ont nettement fait comprendre que la «société sénégalaise n’était pas prête» à entendre cela !!! Et comme souvent dans ce genre de situation, il fallait chercher le responsable de la cristallisation des positions et des opinions. Et le bouc émissaire était facile à trouver.
Avec une touchante convergence, plusieurs participants aux débats s’en sont pris à la manière dont les médias parlent des questions touchant à l’homosexualité. En mettant de côté que les faiseurs d’opinion, aussi bien au Sénégal que dans bien de pays, sont d’abord, les politiques, les religieux et les organisations de la Société civile. Les politiciens et les religieux sont, au Sénégal, dans une grande connivence qui leur permet de maintenir leur emprise sur la population et sur les opinions. Mais le troisième larron qui pourrait permettre de changer les choses, se réfugie de son côté, dans les draps de la Presse ! Les manifestations religieuses extrémistes, telles qu’on en a connu au Mali ces derniers temps, sont aussi un joli prétexte pour ne pas bouger, en invoquant le besoin de préserver sa vie. Dans ces conditions, qui reste-t-il pour porter le combat ?
Ainsi, quelqu’un ne s’est pas gêné pour déclarer qu’il serait bien, pour aider à faire changer les mentalités, que certaines personnes se lèvent, affirment leur homosexualité et engagent le combat de faire changer les mentalités dans ce pays ! Cette douce utopie n’a pas eu le temps de prospérer, faute de soutien. Et quelqu’un a eu le beau jeu de faire remarquer qu’avec ce genre de raisonnement, d’ici cent ans, les choses ne bougeraient pas.
Néanmoins, une chose remarquable s’est dégagée, ce que, dans un pays où tous les motifs sont avancés pour étouffer toute idée ou tentative de laisser libre cours aux pratiques sexuelles qui sortent de la voie droite, personne n’a émis publiquement dans la salle, une opinion critiquant l’homosexualité. Le clou de l’évènement a été la projection de trois petits films, dont deux donnaient la parole à deux homosexuels vivant au Sénégal, et parlant à visage découvert. L’un et l’autre expliquaient ce qu’est devenue leur vie depuis leur «coming out». Une vie de drame, d’isolement, de rejet. Du fait d’une inclination qui s’est imposée à eux.