A QUI LE TOUR ?
La machine du « Jub – Jubbal – Jubbànti » est enclenchée. La reddition des comptes est en marche ! Plusieurs hommes politiques et des affaires sénégalais sont sous le feu des projecteurs judiciaires.

Plusieurs hommes politiques et des affaires sénégalais sont sous le feu des projecteurs judiciaires. Accusés de blanchiment, détournements et corruption, ces hommes, autrefois intouchables, font face à des enquêtes retentissantes et médiatisées. De l’impunité aux soupçons de règlements de comptes politiques, ces affaires secouent le Sénégal. Si certains applaudissent, d’autres s’interrogent sur l’indépendance de la justice.
La machine du « Jub – Jubbal – Jubbànti » est enclenchée. La reddition des comptes est en marche ! Aujourd’hui, ils sont nombreux entre les mailles du filet. Farba Ngom, ancien député-maire et proche du pouvoir, Tahirou Sarr, homme d’affaires et philanthrope, Samuel Sarr, ancien ministre et technocrate controversé, Khadim Bâ, jeune patron de Locafrique, et Lat Diop, ancien directeur de la LONASE et ministre des Sports, sont tous sous le feu des projecteurs judiciaires. Ces affaires, révélées par des rapports explosifs et des enquêtes minutieuses, soulèvent des questions cruciales sur la transparence, la reddition des comptes et l’indépendance de la justice. Alors que certains y voient une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité, d’autres dénoncent des règlements de comptes politiques.
Farba Ngom, la chute d’un «Marodi» autrefois intouchable
Farba Ngom, ancien député-maire d’Agnam et proche du pouvoir sous Macky Sall, est aujourd’hui au cœur d’une enquête financière retentissante. Accusé de blanchiment de capitaux, d’escroquerie sur les deniers publics, de corruption et d’abus de biens sociaux, il incarne la figure d’un homme politique autrefois puissant, désormais confronté à la rigueur de la justice.
L’affaire a éclaté suite à un rapport explosif de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), révélant des transactions suspectes estimées à 125 milliards de FCFA. Ces montants colossaux, aux origines obscures, ont conduit à la levée de son immunité parlementaire et à son audition par le Pool Judiciaire et Financier (PJF). Farba Ngom, qui a longtemps bénéficié d’une certaine impunité, se retrouve désormais sous mandat de dépôt.
Ses partisans dénoncent un acharnement politique, arguant que cette procédure vise à fragiliser une figure influente de l’opposition. Cependant, les accusations pèsent lourd, et si elles sont avérées, elles pourraient marquer la fin d’une carrière politique bâtie sur des alliances stratégiques et un réseau d’influence étendu surtout dans le Fouta.
Tahirou Sarr, le « bienfaiteur » aux œuvres sociales colossales rattrapé par la justice
Tahirou Sarr, homme d’affaires influent et philanthrope, est une figure paradoxale. Connu pour ses actions sociales, notamment la construction de mosquées, d’écoles et d’hôpitaux, il est aujourd’hui impliqué dans l’affaire des 125 milliards de FCFA aux côtés de Farba Ngom. Accusé de blanchiment de capitaux et d’escroquerie sur les deniers publics, il a été placé sous mandat de dépôt après son audition par le PJF.
Malgré ses offres de cautionnement, dont un chèque de 11 milliards de FCFA et des titres fonciers d’une valeur totale de 13 milliards, les juges ont rejeté ses propositions. Ses partisans soulignent son immense contribution sociale, mais les accusations portées contre lui jettent une ombre sur son héritage. L’affaire soulève des questions sur l’origine de sa fortune et la compatibilité entre ses actions caritatives et les pratiques financières qui lui sont reprochées.
Concernant son dossier personnel, le directeur général de la société Sofico est accusé par le Procureur de la République financier d’escroquerie sur les deniers publics et de blanchiment de capitaux, impliquant une somme colossale de 91.636.628.050 FCFA. Pour tenter d’échapper à une détention, il a proposé en cautionnement un titre foncier situé à Mbane, estimé à 394 milliards FCFA. Cependant, malgré cette offre substantielle, le juge du Premier cabinet du Pool judiciaire financier semble avoir rejeté sa proposition, laissant présager une issue défavorable dans cette affaire aux ramifications complexes.
Samuel Sarr, un technocrate controversé au cœur des scandales
Samuel Sarr, ancien ministre de l’Énergie et figure clé de la finance sénégalaise, est un homme aux multiples facettes. Diplômé en finance et ancien conseiller économique de chefs d’État africains, il a joué un rôle majeur dans la modernisation du secteur énergétique au Sénégal. Cependant, sa carrière est entachée par des scandales récurrents
Impliqué dans l’affaire West African Energy, Samuel Sarr est accusé de détournement de fonds et de malversations financières. Son arrestation à l’aéroport Blaise Diagne et son placement sous mandat de dépôt ont suscité des réactions contrastées. Ses soutiens dénoncent une ingérence politique, tandis que ses détracteurs voient dans cette affaire une preuve de son implication dans des réseaux de corruption
Samuel Sarr incarne le paradoxe d’un technocrate visionnaire dont les ambitions sont régulièrement éclipsées par des controverses. Son parcours, marqué par des succès et des échecs retentissants, reflète les complexités de la sphère politique et économique sénégalaise.
Khadim Bâ, le jeune patron de Locafrique, de la réussite à la prison
Khadim Bâ, directeur général de Locafrique, est un jeune entrepreneur au parcours impressionnant. Sous sa direction, Locafrique est devenue une référence dans le secteur du crédit-bail au Sénégal, avec des investissements majeurs dans des projets d’infrastructure et d’énergie. Cependant, son ascension a été brutalement interrompue par des accusations d’escroquerie et d’infractions douanières
Condamné à trois mois de prison avec sursis et à une amende de 2,5 milliards de FCFA, Khadim Bâ est accusé d’avoir détourné des fonds confiés par des investisseurs pour des opérations commerciales. Cette affaire, qui implique également son père, Amadou Bâ, soulève des questions sur les pratiques financières dans le milieu des affaires sénégalais. Malgré ses réalisations, Khadim Bâ doit désormais faire face à une crise de confiance qui pourrait entacher durablement sa réputation.
Lat Diop, du sommet de la LONASE à la prison
Lat Diop, ancien directeur de la Loterie Nationale Sénégalaise (LONASE) et ministre des Sports, est une figure respectée de l’administration sénégalaise. Son parcours, marqué par des postes prestigieux dans des institutions financières internationales, témoigne de son expertise et de son engagement envers le développement du Sénégal.
Cependant, son implication présumée dans des détournements de fonds et des pratiques de blanchiment d’argent a conduit à son inculpation. Accusé d’avoir reçu des milliards de FCFA lors de son mandat à la LONASE, Lat Diop nie les faits et dénonce une procédure politique. Son avocat souligne l’absence de preuves matérielles et dénonce une violation des procédures judiciaires. Lat Diop, qui préparait une candidature aux élections législatives, voit sa carrière compromise par ces accusations. Ses demandes de liberté provisoire sont jusque-là refusées.
Une justice en marche ou un règlement de comptes politique ?
Les affaires Farba Ngom, Tahirou Sarr, Samuel Sarr, Khadim Bâ et Lat Diop illustrent les tensions entre la lutte contre la corruption et les soupçons de règlements de comptes politiques. Alors que certains voient dans ces procédures une avancée majeure pour la transparence et la reddition des comptes, d’autres dénoncent une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Des accusations qu’avaient anticipées M. Ousmane Diagne, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, le Pool judiciaire et financier (PJF) lors de l’installation du PJF au mois de septembre 2024. Selon lui, c’est un organe juridictionnel à compétence nationale institué au sein de la Cour d’appel et du Tribunal de Grande Instance (TGI) hors classe de Dakar « pour réprimer les infractions à caractère économique et financier ». Ecartant ainsi le règlement de compte politique. Alors que les procès se poursuivent, l’opinion publique reste divisée. La justice sénégalaise a désormais la lourde tâche de faire la lumière sur ces dossiers complexes, tout en préservant sa crédibilité et son impartialité
La question qui se pose maintenant : qui sera le prochain sur la liste ? Moustapha Diop, le député-maire de Louga et ancien ministre de l’Industrie sous l’ancien régime, empêtré dans une sordide affaire de détournement de deniers publics impliquant l’agent du Trésor Tabaski Ngom ? Ou encore le député-maire de Mbao et ancien ministre de l’Environnement Abdou Karim Sall, mouillé jusqu’au cou, en intelligence avec l’ancien patron des Eaux et Forêts, Baidy Ba, dans une transaction douteuse attribuant à la société QVS 185 ha dansla forêt classée de Thiès ? Voire !
Ces affaires, marquées par des accusations de blanchiment, de détournements et de corruption, révèlent une volonté affichée du Président Bassirou Diomaye Faye de lutter contre l’impunité. Cependant, dans un contexte politique tendu, elles alimentent aussi les soupçons de règlements de comptes. Alors que la machine judiciaire s’emballe, le monde des affaires retient son souffle, se demandant qui sera le prochain à tomber sous le coup des investigations. Une chose est sûre : la reddition des comptes est en marche, mais à quel prix ?