LES SYNDICATS FONT MONTER LES ENCHERES
L’ANNÉE SCOLAIRE HYPOTHÉQUÉE

Le Sénégal n’est pas encore sauvé d’une année blanche. Le dernier round de négociations entre le Grand cadre et le gouvernement, prévu aujourd’hui a été reporté à demain mardi
dans l’après-midi, le temps de permettre aux bases de fournir leurs réponses à l’issue de leurs assemblées générales de mardi matin. Mais déjà, le Cusems section Abdoulaye Ndoye, qui regroupe l’essentiel des enseignants du moyen secondaire, a décidé de se radicaliser.
Il y a encore de gros nuages sur l’année scolaire. L’espoir né de la dernière rencontre entre le Premier ministre et le Grand cadre est en train de se dissiper. Hier, le Cadre unitaire syndical des enseignants du secondaire (Cusems) dirigé par Abdoulaye Ndoye a rejeté les propositions du gouvernement sur l’indemnité de logement et sur la formation diplomante. Joint au téléphone, le chargé des revendications du Cusems commence par préciser que le Cusems n’est pas membre du Grand cadre. Aliou Gningue annonce le déroulement d’un plan d’action et corse l’addition : débrayage aujourd’hui et Assemblée générale, grève mardi et mercredi. Last but not least, rétention des notes du second semestre. «Sur le cas de la formation diplomante, le gouvernement veut confier cela à une commission et au Sénégal quand on
veut noyer quelque chose, on la confie à une commission», peste Aliou Gningue qui juge inacceptable qu’une indemnité de logement de 200 000 Francs soit ccordée à des fonctionnaires du même grade qu’eux et qu’on veuille le leur refuser.
LE GRAND CADRE EMBRAIE
Pourtant une lueur d’espoir semblait se dégager au terme de la rencontre du vendredi dernier. Quelques enseignants avaient exprimé un satisfécit par rapport aux propositions du gouvernement. Regroupant 35 organisations syndicales, le Grand cadre s’est réuni en plénière samedi 25 avril pour peaufiner le compte rendu de l’audience avec le Premier ministre qui a été envoyé à la base pour appréciation. «Le Grand cadre a réaffirmé son insatisfaction quant aux réponses données par rapport à l’indemnité de logement des enseignants et les ponctions opérées injustement sur les salaires du mois d’avril», écrit Mamadou Lamine Dianté. En conséquence, dit-il « la Plénière décide de poursuivre la lutte à travers un 6ème plan d’action qui se présente comme suit : Rétention des notes du 1er semestre et boycott des conseils de classes et des cellules pédagogiques, Mardi 28 avril 2015 : Débrayage à 9h + AG groupées, Mercredi 29 et Jeudi 30 : Grève totale et des panels ouverts au public dans les différenteslocalités». Mamadou Lamine Dianté et cie font monter les enchères en attendant la prochaine rencontre mardi prochain, dans l’après midi, avec le gouvernement. « C’est nous qui avons demandé le report de la rencontre du lundi et nous avons envoyé le rapport de la rencontre avec le Premier ministre à la base qui va organiser des assemblées générales dans tous les lycées et collèges du pays mardi matin», déclare Dame Mbodj qui ajoute que le Grand cadre est à l’écoute de la base qui va décider de la suite à donner à la lutte.
QUI SONT CES SYNDICALISTES QUI TIENNENT LE PAYS EN OTAGE?
Mamadou Lamine Danté est professeur d’application en Sciences de la Vie et de la Terre. Le coordonnateur du Grand cadre est né en août 1970. Issu de la grande famille Dianté (mandingue) de Doumassou, un quartier de la commune de Kolda, il est marié et père «d’une famille peu nombreuse ».
Abreuvé dans les sciences coraniques, il avait l’ambition d’approfondir ses études en sciences naturelles après l’obtention du Baccalauréat série D, avec la mention Assez bien, au lycée Alpha Molo Baldé de Kolda. Le jeune Dianté dépose ses baluchons à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ucad où il décroche une Maîtrise ès- Sciences Naturelles avec la mention Assez bien, puis le troisième cycle de Biologie Végétale en même temps qu’une formation de deux ans pour le CAES à l’Ecole Normale Supérieure. Studieux, Danté a aussi fréquenté l’Institut des Sciences de l’Environnement, en vue du titre de Dr ès-Sciences de l’environnement, option Biologie Végétale. Devenu syndicaliste par hasard, il dit être de la «génération-martyre victime de l’année blanche au lycée, de l’année invalide et de la session unique à l’université, ainsi que de la réforme introduite à l’Ecole normale supérieure (ENS) en 1995 rendant l’emploi non garanti à la fin de la formation ». Ancien secrétaire à l’organisation et à la mobilisation du Saems jusqu’au congrès d’août 2010, il a été élu secrétaire général, en remplacement de Mbaye Fall Lèye. Aujourd’hui, le Grand Cadre lui colle à la peau à telle enseigne que ses détracteurs l’accusent de s’accrocher au Grand cadre pour exister. « Après la signature du protocole, le Grand Cadre s’est doté d’une charte, d’un code de conduite et d’un bureau dont j’assume mon deuxième et dernier mandat officiel en tant que Coordonnateur national. C’est à ce titre que nous menons la lutte depuis le 17 février 2015 pour exiger le respect des accords jugés réalistes et réalisables par le gouvernement », renseigne-t-il.
ABDOULAYE NDOYE, LE PLUS DUR À CUIRE
Le patron du Cadre unitaire syndical de l’enseignement du moyen secondaire est Professeur d’histoire et de géographie en service au lycée des Parcelles Assainies. Abdoulaye Ndoye a également fait une capacitation au Japon. Lébou bon teint, il très tôt porté sur les principes de justice, d’équité. C’est en 1998 qu’il a rejoint l’enseignement et se dit digne héritier de Mamadou Mbodj, l’actuel coordonnateur du M23. Abdoulaye Ndoye est crédité d’une bonne réputation, mais il est qualifié d’un « jusqu’au bouttiste à la limite carré ». «C’est un homme généreux qui a fait de la défense des valeurs son combat. Vous l’entendrez souvent parler de justice, de transparence et d’équité», confie Aliou Gningue, le chargé des revendications du Cusems. Née en 1966 à Dakar, Abdoulaye Ndoye est marié et père d’une fille. C’est au terme d’une assemblée générale qu’il a été porté à la tête du Cusems. Poste que lui dispute Dame Mbodj.
DAME MBODJ : «LE CUSEM M’APPARTIENT»
En fonction au collège Limamoulaye de Guédiawaye, ce professeur d’anglais qui a fait ses premières armes à Sédhiou, est un syndicaliste chevronné. Né le 24 juillet 1960 à Géoul, il a fait des études à Kébémer et au lycée Malick Sall de Louga avant de rejoindre l’université Gaston Berger de Saint Louis. Bombardé conseiller pédagogique du département de Sédhiou en 1998 sous André Sonko, le jeune Dame Mbodj y séjournera jusqu’en 2004. Au plan syndical, il a été porte-parole des étudiants de Saint Louis, membre fondateur du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaires dont il fut le chargé de revendication en 2003. Dame Mbodj fera un crochet en Angleterre et aux Etats unis pour parfaire sa formation. L’ancien représentant de l’Ugb à l’Union des étudiants du Sénégal est marié et père d’une fille qui étudie au lycée public de Géoul. D’après lui, le Cusems, coordonné par Mamadou Mbodj avec comme porte-parole Mbaye Fal Leye, n’était pas un syndicat mais un Carde unitaire des syndicats de l’enseignement secondaire (Cusems) et regroupait le aems de Mbaye Fall Leye, l’Ues de Gougna Niang, le syndicat des professeurs du Sénégal de Marième Dansokho et le Snems de Mamadou Mbodj. C’est donc après la «trahison» de Mbaye Fall Lèye qui a intégré le Conseil économique social de Me Wade que le Cadre unitaire a volé en éclats pour donner naissance à l’organisation syndicale Cadre unitaire syndical de l’enseignement secondaire dont le sigle appartient à M Mbdoj. Opportuniste, il dit avoir sécurisé le sigle Cusems au Bureau sénégalais des droitsd’auteurs (Bsda).
NEGOCIATION SUR FONDS DE DISCORDE
Dame Mbodj et Abdoulaye Ndoye se disputent le Cusems. Le premier est membre du Grand cadre tandis que le second n’en est pas. Tous les deux participent aux négociations avec le gouvernement au nom de la même chapelle syndicale. Autre incongruité qui fait grincer des dents, c’est la participation de Awa Wade (Uden) et Mariama Dansoko (Sypros) aux négociations du Grand cadre, alors que leurs syndicats, membres de l’Useq (Union syndicale pour un enseignement de qualité) ont déjà signé un accord avec le gouvernement. D’après nos sources, l’Useq regroupe le Saes de Seydi Ababacar Ndiaye, le Sudes de Diaouné, l’Uden de Awa Wade le syndicat de Fatou Bintou Yaffa et le Sypros de Mariame Sakho Dansokho. Certains membres du Grand cadre ont même proposé leur exclusion des réunions du Grand cadre.