MANDELA, POURSUIVRE LE CHEMIN DE LA LIBERTE
POINT DE VUE - Par Vieux SAVANE
"Je ne doute pas un seul instant que lorsque j'entrerai dans l'éternité, j'aurai le sourire aux lèvres", écrivait Mandela en 1997. Sûr que cette sublime intuition s'est actualisée puisqu'il est certainement heureux là haut, là bas, dans un coin bleu de la nation arc-en-ciel, porté par l'extraordinaire hommage planétaire qui lui a été rendu et que vient de clôturer son inhumation hier, dimanche, dans son village natal de Qunu, auprès de ses parents et de ses trois enfants.
A l'issue d'une cérémonie empreinte d'émotion en présence d'environ 450 invités triés sur le volet parmi lesquels le prince Charles, les anciens Premiers ministres français Lionel Jospin et Alain Juppé, la célèbre présentatrice américaine Oprah Winfrey, les acteurs Forest Whitaker et Idris Elba, qui incarna son personnage dans le récent film tiré de sa vie, Mandela est donc retourné à son éternité, sous un soleil voilé surplombant les paysages venteux du Transkei.
Et nous étions nombreux, à des milliers de kilomètres de là, à voir et à entendre en direct, à travers la magie de la télévision, les poignants témoignages qui avaient auparavant ponctué la cérémonie d'hommage avec notamment l'émouvant adieu prononcé par Ahmed Kathrada, son vieil ami et camarade de détention à la prison de Robben Island . "J'avais vu à l'hôpital un homme impuissant et réduit à l'ombre de lui-même et l'inévitable s'est produit", a-t-il raconté d'une voix chevrotante. Et en guise de dernier adieu à son frère et mentor, il n'a pu s'empêcher de confier son désarroi : " Ma vie est face à un vide et je ne sais plus vers qui me tourner."
L'une des petites-filles du défunt, Nandi Mandela, s'est par contre appesantie sur les qualités humaines de son grand-père qui a pu leur donner une présence affectueuse qui a manqué à sa progéniture, happé qu'il était par les exigences de la lutte contre l'apartheid. Ainsi a-t-elle observé : « Il préférait les histoires qui lui permettaient de se moquer de lui-même , mais il était aussi un grand-père strict, attaché à la discipline, qui nous préparait à la vie ».
S'adressant directement à lui, elle lancera : « Tu vas nous manquer, Tatamkhulu. Ta voix sévère quand tu n'étais pas content de nous va nous manquer. Ton rire va nous manquer... ». Pour sa part, le président Jacob Zuma a indiqué qu'avec la mort de Mandela, "c'est la fin de 95 glorieuses années d'un combattant de la liberté, d'un serviteur humble et dévoué du peuple d'Afrique du Sud, d'un puits de sagesse, d'un pilier de force, d'une lumière d'espoir". Toutefois, lui a-t-il déclaré comme un serment : "Tu resteras la lumière qui nous guidera".
Le défi de l'après Mandela réside justement dans le fait de savoir si les idéaux de paix, de réconciliation et de justice pour lesquels il s'est battu vont lui survivre. Conscient de cela, l'archevêque Desmond Tutu qui, alors que tout donnait l'impression d'un acharnement thérapeutique sur un vieil homme malade, réclamait qu'on laisse Mandela partir tranquillement, interpellait déjà dans un prêche ses fidèles : "De quel mémorial pensez-vous que Mandela aurait besoin". Et de répondre en disant que cela ne saurait être un mémorial en pierre. Le seul mémorial qui corresponde à Mandela, soutenait-il et qui le ferait rayonner de cet éclatant sourire qui faisait que « tout le monde tombait amoureux de lui », comme le soulignait Joyce Banda, la présidente du Malawi, est de voir les Sud africains parachever son œuvre de réconciliation.
Assurément, Mandela est devenue une idée, une figure inspirante, un esprit auquel on a désormais recours, à l'instar d'un espoir auquel nul obstacle ne peut résister. En effet, comme le confiait le héraut de la lutte contre l'apartheid, " l'espoir est au combattant de la liberté ce que la bouée de sauvetage est au nageur : la garantie qu'il ne se noiera pas, qu'il restera à l'abri du danger".
Et cet espoir est de poursuivre le long chemin de la liberté puisqu'il s'agit de chérir, comme y invitait Madiba, "l'idéal d'une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble, dans l'harmonie avec d'égales opportunités"