PATRON DE LA POLICE PAR DÉFAUT
L’impossible choix du fait des problèmes de compétence et de probité qui gangrènent la hiérarchie policière

Abdoulaye Niang est le nouveau directeur général de la Police. Les autorités, qui l’ont choisi par défaut, ont eu toutes les peines du… pays pour trouver un successeur à Codé Mbengue à cause des problèmes de compétence et de probité qui gangrènent la hiérarchie policière. Un véritable drame. Bref, les certificats de bonne vie et mœurs sont en rupture à la Police.
Abdoulaye Niang est le nouvel homme fort de la Police. Nommé hier Directeur général, le commissaire de police divisionnaire de classe exceptionnelle, ancien patron de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) succède à Codé Mbengue à ce prestigieux poste. Adjoint de l’ex-Directeur général depuis octobre 2012, il est finalement officialisé à la tête de la Police. Tout est bien qui finit bien, soupireront sans doute les autorités qui ont passé au peigne fin les Cv et les mœurs de toute la hiérarchie policière. Ces dernières heures, les hautes autorités de la République se sont trituré les méninges. Ils ont pesé et soupesé leur décision avant de nommer Abdoulaye Niang à ce prestigieux poste. A contrecœur.
Le Conseil national de la sécurité a été un moment harassant. Stressant. Il a eu toutes les peines pour trouver un Dg de la Police qui fait l’unanimité. La succession de Codé Mbengue a recélé une part de drame et de stupeur au plus haut sommet de l’Etat. Dans une administration normale, il aurait dû avoir l’embarras du choix. Pendant plus de vingt-quatre heures, le président de la République et ses collaborateurs ont fouillé tous les dossiers pour trouver un patron au prestigieux poste de Dg de la Police nationale.
Malgré une abondance de biens, l’autorité constate que les hauts gradés ont des carrières embourbées dans des dossiers incommodes. Elle a fait le tour de la hiérarchie policière. Le constat, «sidérant», est le même : une bonne réputation et la compétence ne jalonnent pas leur longévité dans la gestion des affaires policières. De Ibrahima Diallo à d’autres sommités de la Police, la réputation des pressentis ne correspondait pas au profil de l’emploi. A l’image de Ibrahima Diallo dont la nomination a été étouffée dans l’œuf par une série de révélations de la presse sur sa gestion jugée trouble, ses autres collègues ne revendiquent guère une moralité plus affirmée pour prétendre à ce poste. Tous les plans échafaudés ont finalement volé en éclats.
Etrange dans un pays qui a formé des commissaires divisionnaires de tout acabit. Incompréhension aussi, surtout que la Police dispose de ressources humaines aguerries et aussi de qualités célébrées dans tous les commissariats.
En fin de compte, le président la République a officialisé Abdoulaye Niang. Faute de mieux ? Bien sûr ! Il dispose du profil et de l’image les moins écornés dans l’establishment des limiers secoués par la rupture des certificats de bonne vie et de mœurs. Pressées par des questions de sécurité nationale, les autorités ne pouvaient pas laisser le poste vacant pendant 48h. Il a donc atteint le sommet de la Police malgré des «errements» qui tachent sa longue carrière. A la lisière de sa retraite (dans deux ans), sa gestion de l’Ocrtis, qui serait entachée «de fautes», aurait dû l’éliminer de la short-list des pressentis à la fonction. A l’interne, les autorités ont prévu de lui remonter les bretelles et de le mettre sous pression pour rétablir l’autorité de la Police.
Anna Sémou Faye, zappée
Mais, il est retenu par défaut sur insistance du ministre de l’Intérieur qui n’a pas voulu avaliser la nomination d’un civil à la Direction générale de la Police. L’idée a été étudiée devant la difficulté à dénicher le profil idéal. Vu la guéguerre qui existe entre la Police et la Gendarmerie, Pathé Seck, gendarme à la retraite, n’a pas voulu envenimer les relations entre les deux corps en mettant une personne étrangère à cette fonction.
Dans les couloirs de la Place Washington, d’autres noms ont été agités pour remplacer Codé Mbengue. Les Commissaires Mamadou Diop et surtout Ana Sémou Faye entre autres avaient aussi tenté l’Etat. La nomination de Mme Faye, au-delà de son grade, était dans l’air pour donner une couleur féminine à la fonction. Mais, des réticences ont été relevées chez les policiers qui seraient misogynes pour accepter d’être sous les ordres d’une dame. Echaudé, l’Etat n’a pas voulu prendre le risque lié à l’insubordination dont elle pourrait être victime. Même s’il était face à un casse-tête inédit et étreint par le constat général : la compétence et la probité sont mises au pas au sommet de la Police.
Dans sa longue quête de patron de la Police, l’Etat a aussi voulu promouvoir de jeunes cadres de ce corps «compétents avec une probité morale» reconnue. Encadré par les statuts de la Police, il a dû abandonner cette idée pour se contenter de ses ressources actuelles comme l’indique la Loi.
Aujourd’hui, l’Etat va s’atteler à la révision des textes de la Police. Limitées dans leurs choix, les autorités vont dépoussiérer les dispositions relatives à la nomination au poste directeur général pour éviter d’être confrontées à une autre difficulté. Pour diriger la Police, il faut être Commissaire divisionnaire de classe exceptionnelle ou Commissaire divisionnaire âgé de 50 ans avec deux ans d’ancienneté à ce grade. A défaut d’un civil. Aujourd’hui, ces critères ne constituent plus un gage de sécurité pour l’Etat.