POUVOIR ET SEXE, UNE HISTOIRE MILLÉNAIRE

Paris (AFP) - Le pouvoir s'accompagne souvent d'une sexualité exacerbée, qui parfois dérape en abus punissables par la loi. A cet égard, la chronique millénaire du lien pouvoir et sexe fourmille d'anecdotes sur les frasques des hommes politiques, de Napoléon à Dominique Strauss-Kahn.
"Depuis la nuit des temps, il y a quelque chose d'érotisant dans le pouvoir", rappelle à l'AFP le psychanalyste Jean-Pierre Winter. Citant Lacan, il ajoute: "Le désir de l'homme étant le désir de l'Autre, vous devenez désirant."
De fait, l'histoire regorge d’anecdotes d'alcôves. César collectionnait les aventures, Napoléon ne pouvait pas passer une nuit seul et chargeait Talleyrand de lui recruter celle qui partagerait son lit d'un soir. Henri IV, surnommé le Vert-Galant, comptait quelque 70 maîtresses. Sans parler des nombreuses conquêtes de Louis XIV, ou de la vie amoureuse des présidents Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Longtemps, John Fitzgerald Kennedy a été présenté comme le président américain au charisme fou avant que ne soit révélée sa sexualité obsessionnelle.
L'Italien Silvio Berlusconi, lui, n'a pas craint de vanter sa virilité en faisant étalage de ses conquêtes, avec des épisodes peu glorieux comme le Rubygate. Condamné à 7 ans de prison pour incitation à la prostitution de mineur et abus de pouvoir, il a été acquitté en appel.
Pouvoir et sexe ne sont pas l'apanage des seuls hommes. "Dans l'histoire, Catherine de Russie ou Élisabeth de Bavière étaient ainsi connues pour avoir beaucoup d'amants. Des amazones aussi hyper sexuées que les hommes", explique à l'AFP Jean-Pierre Friedmann, psychanalyste, auteur de "Du pouvoir et des hommes" et "Du pouvoir et des femmes".
"Le sexe est extrêmement important et il influe beaucoup en politique. On l'a vu à de nombreuses reprises", confiait en novembre 2012 à France Inter, l'ex-ministre UMP Roselyne Bachelot.
Hommes et femmes, mus par la conquête du pouvoir, ont des traits de caractère communs, souligne M. Friedmann: "Ils ont beaucoup sacrifié de choses à leur ambition. Ils sont narcissiques et mégalomanes. Ils pensent que le monde dépend d'eux, qu'ils sont maîtres des autres. Il y a un désir de soumission de l'autre."
- 'Des lois de perpétuation de l'espèce' -
Le psychanalyste voit dans le lien pouvoir et sexe l'expression primaire "des lois de perpétuation de l'espèce", où "les mâles se battaient pour savoir qui était le plus fort et la femme était attirée par le gagnant". "Nous sommes des animaux", dit-il en parlant de notre "cerveau reptilien".
De là à penser que les puissants de ce monde ont une libido hors norme, il y a un pas. Que certains ont franchi à l'instar de Henry Kissinger, ancien secrétaire d'Etat de Richard Nixon, pour qui "le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême".
Jean-Pierre Winter estime lui aussi que "le pouvoir est euphorisant". "Il a un effet viagra."
Pour M. Friedmann, "pouvoir et sexe dépendent des mêmes hormones". "Des personnes extrêmement puissantes (chefs de grandes entreprises, politiques etc.) accumulent une telle tension que seul l'orgasme les détend", ajoute-il. Les endorphines, dites hormones du bonheur, sont secrétées lors d'activités physiques intenses, de douleur ou d'orgasme.
François Krauss, chargé d'études à l'Ifop, relève pour sa part que les "personnes ayant le plus de partenaires extraconjugaux sont surreprésentées dans les catégories supérieures, ayant un capital économique et une réussite professionnelle".
"Le pouvoir, quel que soit le type de pouvoir, suscite le désir chez les autres. C'est vrai dans une entreprise, c'est vrai dans le spectacle -le metteur en scène attire les actrices-, c'est vrai en politique plus encore", observe M. Winter.
Il explique qu'"une des raisons" de cette attirance "se trouve dans l'imaginaire". "Il y a une fascination pour l'homme de pouvoir, qui a celui de tuer. Cet homme est d'autant plus attirant qu'il n'utilise pas ce pouvoir de tuer." "Le désir est toujours articulé à la mort d'une manière ou d'une autre", dit-il.
Le pouvoir s'accompagne-t-il toujours d'une sexualité "débridée"? Pour M. Winter, il ne faut pas généraliser, car "on parle beaucoup de la sexualité débridée de ceux qui défraient la chronique". Une focale dont il convient de se méfier. Le général de Gaulle, homme de pouvoir s'il en est, n'avait d'yeux que pour son épouse Yvonne.
Quant à savoir s'il y a addiction, il n'y croit guère. Il préfère y voir l'expression d'hommes "esclaves de leurs pulsions". "C'est une véritable névrose, une incapacité à se retenir. Mais la différence avec une addiction, c'est que lorsqu'ils ne sont pas en présence de femmes, ils ne sont pas en manque, comme le sont les dépendants de l'alcool."