SES RECHERCHES SUR LE KARITÉ TIRENT DES MILLIERS DE FEMMES DE LA PRÉCARITÉ
NDIEME NDIAYE, DOUBLE MEDAILLEE D’OR POUR LES INNOVATIONS

Le beurre de karité est dans les rayons des produits cosmétiques des boutiques les plus prestigieuses à travers le monde. Cette percée est portée par une dame : Ndiémé Ndiaye. Elle a affiné la transformation du beurre de karité sans dénaturer ses principes actifs. Les vertus thérapeutiques et adoucissantes de ce produit sont attestées par certains organismes. Cerise sur le gâteau, le beurre de karité est certifié écologique. Depuis, des unités de transformation sont ouvertes au Sénégal et au Burkina Faso où 4.000 personnes sont sur la chaine de valeur. Pour l’invention et pour avoir tiré des milliers de femmes de la pauvreté, Mme Ndiémé Ndiaye a reçu de nombreuses distinctions.
La dame Ndiémé Ndiaye a réussi là où plusieurs inventeurs sénégalais ont échoué. Elle est parvenue à franchir le cap du passage de la valorisation de son invention. Ndiémé Ndiaye apporte une touche particulière à la valorisation du vitellaria paradoxa, plus connu sous le nom de beurre de karité.
A l’instar des auteurs qui ont porté le combat pour la reconnaissance de l’identité africaine, Ndiémé Ndiaye était à la pointe de la vulgarisation et de l’acceptation des vertus d’un produit local à l’international. C’est aussi une manière de revendiquer son africanité. La quête de reconnaissance du beurre n’est pas dissociable de la lutte contre la pauvreté.
Elle l’a affirmé. Son ambition, c’est d’apporter un renouveau dans la transformation de l’amande de karité et aussi favoriser l’émergence d’une activité rentable pour ces dames de la région de Kédougou opérant dans ce créneau.
« Mon ambition, c’est de résoudre des problèmes de transformation en apportant des solutions techniques et technologiques, afin que ces femmes puissent gagner dignement leur vie. C’est ce qui a amené à lancer le concept cosmétique équitable », ne cesse de répéter la panafricaniste à chaque occasion.
Contrairement à beaucoup d’inventeurs africains, Ndiémé Ndiaye est parvenue à baliser la voie de la production industrielle. Elle monte une petite unité de transformation avec 6 machines de presse à froid et jette les bases d’une vraie organisation d’une chaîne de valeur. Des femmes et des jeunes se sont regroupés en association.
C’est ainsi que plus de 2.000 femmes de la région de Kédougou sont impliquées dans la transformation du beurre de karité. Elle a contribué à transformer la vie de milliers de femmes au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso. Elle a sorti des milliers de femmes de la misère.
Ce n’est pas pour rien que la Fondation End humain trafficking (lutte contre la traite des êtres humains) au Wold economic forum de Davos lui a décerné le prix de meilleur chef d’entreprise pour la lutte contre la traite des êtres humains en 2013.
Grâce à l’association mise en place par Ndiémé, au Burkina Faso, le groupement féminin SongtaabaYalgré, entre juillet 2003 et août 2004, a bénéficié de machines qui ont permis d'automatiser, en partie, le processus de fabrication du beurre de karité. Le temps de fabrication a été considérablement raccourci et la pénibilité diminuée. La capacité du groupement qui était de 2 à 3 sacs par jour de production de beurre karité est passée de 6 à 10 sacs », se félicite Mme Ndiaye.
Ruée vers le karité
L’introduction des machines fait passer le nombre de membres de 50 à 2000 femmes, les premières à fabriquer des produits certifiés dérivés du karité. Le prix de l’échange sur le marché va alors connaître une hausse, passant de 1000 FCfa le kilogramme à l’usine à 2500 FCfa. « Cette impulsion a permis au groupement de faire partie des premiers au monde à produire le beurre de karité biologique certifié par Ecocert. Cette certification a contribué à l'augmentation de revenus pour ces femmes », confesse la triple lauréate pour les inventions.
Comme au Burkina Faso, des sites de production et de formation voient le jour dans la région de Kédougou en 2013, précisément dans le village de Madina Kénioto. « Les activités autour de ce site ont un impact direct sur 104 femmes et 5 jeunes qui travaillent directement sur le site, et a abouti indirectement à la création de 2833 « emplois verts » pour les femmes sur toute la chaine, depuis le ramassage jusqu'à la vente des noix, en passant par le dépulpage, la cuisson et le séchage », confie Ndiémé Ndiaye.
Conservation des principes actifs
La mécanisation de l’extraction n’a pas eu d’effets contraires sur la conservation des vitamines A, B, E, F, etc. Les principes actifs pour la chevelure, les allergies de la peau et la revitalisation des muscles sont conservés. La technologie utilisée a neutralisé l’odeur du beurre de karité qui n’a pas perdu ses propriétés originelles malgré une intervention anthropique. Les organismes spécialisés dans le contrôle des produits cosmétiques n’ont pas émis de réserves sur les effets contraires.
Sinon attester la qualité du produit qui a reçu l’onction des organismes de certification reconnus sur le plan international. Il fallait ainsi s’attendre à des distinctions. Ndiémé Ndiaye a, en effet, été primée deux fois au Salon international des inventions de Genève en 1996 et 1998.
Par la suite, elle remporte la médaille d’or au Salon mondial des inventions à Séoul en 2002. La panafricaniste deviendra, 5 ans plus tard, la lauréate de l’Union européenne de femmes inventrices, en 2007, à Berlin, alors qu’en 2009 la Première dame de la République démocratique du Congo, Olive Kabila, lui décerne le prix d’Excellence de la femme noire performante.
Persévérance
Ndiémé Ndiaye sait transformer des contraintes en opportunités. Elle sait aussi tirer des enseignements de ses échecs. La marche vers la modernisation de la transformation n’était pas un long fleuve tranquille. Elle a souvenance du fiasco du montage d’une petite unité de savonnerie à Dakar pour faciliter l’écoulement de karité des femmes de Kédougou. Elle s’était retirée pour repartir sur le bon pied.
« Mon esprit de battante m’a animé pour revenir à la charge. Cependant, avec davantage de précaution et de vigilance. Dans la vie, il faut prendre les coups comme des leçons », conseille la double médaillée d’or dans le magazine « Amina ». La lauréate du prix de la femme noire performante poursuit son bonhomme de chemin.
Le défi de la pérennisation
Elle passe plus de temps en Suisse. Elle est fréquente au Sénégal et se rend régulièrement dans des zones de collecte. La pérennisation de la valorisation de ce produit local a un prix. Il faudra plus d’investissements pour éviter que ces milliers de femmes ne retombent dans la pauvreté.
« Ce projet a le potentiel de contribuer non seulement au bien-être des femmes et des familles africaines, mais aussi et surtout de sortir des milliers de personnes de la pauvreté endémique », soutient-elle. Ce n’est pas seulement la viabilité de la production qui l’intéresse. Cette dame veut concilier la rentabilité économique à la protection de l’environnement. Elle est consciente que la dégradation des écosystèmes forestiers met en sursis cette activité. Elle ne le cache pas.
Elle le clame. « Je suis une militante écologiste acharnée et je crois à mon continent, « l’Afrique », notre mère qui nous a donné tout ce dont nous avons besoin comme ressource tant naturelle qu’humaine.
Il suffit juste de développer, transformer, valoriser et commercialiser ce qu’on appelle la « chaine de valeur », avec un espace bilatéral inversé du Sud au Nord pour créer des emplois du village à l’international », revendique Ndiémé Ndiaye. La qualité d’un beurre de karité dépend du terroir de provenance.