Un défenseur des valeurs traditionnelles tire sa révérence
DECES DU GRAND SERIGNE EL HADJI BASSIROU DIAGNE
La communauté Lébou de Dakar observe depuis hier, lundi 25 mars, le deuil avec le décès du Grand Serigne de Dakar, El Hadji Bassirou Diagne. Le notable dakarois s'est éteint à l'âge de 84 ans après avoir occupé pendant plus de 20 ans, les charges de «Serigne Ndakarou». Des charges dans lesquelles, il s'est illustré comme un médiateur à la fois social et politique.
Une page de l’histoire traditionnelle des Dakarois s’est fermée avec le rappel à Dieu de EL Hadji Bassirou Diagne. Le Grand Serigne de Dakar s’est éteint hier, lundi 25 mars, dans les premières heures de la matinée dans une clinique de Dakar, à l’âge de 84 ans. Charismatique et grand tribun, le défunt chef coutumier a vu le jour à Dakar en 1928. Ayant grandi au cœur du quartier du Plateau entre les Rue Felix Faure et Rue de Bayeux, il a ensuite passé la quasi intégralité de sa carrière dans la police avant de s’illustrer ensuite dans la promotion des combats de lutte en devenant le premier promoteur à dégager un cachet de 1 million de Francs Cfa dans l’arène au début des années 70.
Des années après son retrait de cette activité, le décès de Momar Maréme Diop « Grand Serigne de 1970 à 1985) le propulse au devant de la scène coutumière. Le 25 janvier 1986, il est investi au rang de «Serigne Ndakarou» en remportant le choix des 36 «Diambours » (que l’on peut assimiler à des députés représentants les douze Penc ou quartiers traditionnels de Dakar). Mais si son élection comme Serigne Ndakarou a été entériné par les cinq des sept dignitaires constituant la majorité du Conseil supérieur de la collectivité lébou, l’histoire a toutefois suscité de fortes oppositions d’une bonne frange de la collectivité au point de favoriser la naissance d’une tendance se proclamant «légitimiste».
Cette tendance va ouvrir une longue période d’antagonisme entre deux « Serigne Ndakarou», mais aussi de fortes divergences au sein de la communauté dakaroise. L’avènement de l’alternance contribue même à les exacerber avec la volonté de Président Abdoulaye Wade de vouloir «réparer une injustice » en se rangeant dans le camp des «légitimistes » et réhabilitant Ibrahima Diop Momar Maréme le reconnaissant Grand Serigne de Dakar.
El hadji Bassirou Diagne, que d’aucuns désignaient comme un fervent souteneur de Abdou Diouf et même «parrainé» par ce dernier, n’était pas toutefois en disgrâce encore moins mis à l’écart des sphères de l’Etat. Le président de la République d’alors n’hésitait pas à louer ses services en lui attribuant la charge d’ «Ambassadeur itinérant». Dans ces charges, le Grand Serigne n’avait pas manqué de faire prévaloir son rôle de médiateur politique mais aussi social durant les grandes consultations électorales au vu de ses appels.
Les journées de prières communément appelées « sarakhou Ndakarou », qui étaient organisées annuellement pour la paix et la concorde dans le pays, ont été pour le notable dakarois, une occasion de délivrer des messages en direction de ses concitoyens. Les « Gouvernements parallèles » ou légitimistes qui ont contesté sa légitimité et dirigés successivement par les défunts Grand Serigne Feu Mame Youssou Diop, El Hadji Libasse Diop, Ibrahima Diop et Massamba Koki Diop, décédé il y a quelques mois, n’ont jamais altéré sa volonté d’œuvrer pour la réconciliation définitive de la collectivité.
Il l’a réitéré lors du décès du Serigne Ndakarou Massamba Coky en invitant les membres de la « grande famille Léboue à se donner la main », et à continuer à œuvrer dans l’unité et la concorde pour le plus grand bien de notre pays. « Mon oncle Massamba Koki Diop, Grand Serigne de Dakar, et moi-même échangions régulièrement des cadeaux», confiait –il. Cette dynamique de réconciliation sonne en tout cas comme un pressant appel d’une communauté qui n’a jamais été aussi divisée que durant ses 28 années.
Après la diffusion de la nouvelle de la disparition du Grand Serigne El Hadji Bassirou Diagne, de nombreuses personnalités religieuses, coutumières et étatiques se sont rendues dans sa demeure de la zone B. La levée du corps prévue ce mardi 26 mars à 11h à l’hôpital Principal sera suivie de la prière mortuaire à la Zawia El Hadji Malick Sy de l’avenue du Président Lamine Guéye de Dakar et son inhumation au cimetière de Yoff.