34 ARTISTES REPONDENT A L’APPEL «AUTREMENT»
La 13e édition du festival «Gorée Regards sur cours», est ouverte vendredi au centre socioculturel, Boubacar Joseph Ndiaye, en présence des autorités municipales de l’île, des artistes, en partenaires de l’Institut Français au Sénégal
La 13e édition du festival «Gorée Regards sur cours», ouverte vendredi au centre socioculturel, Boubacar Joseph Ndiaye, en présence des autorités municipales de l’île, des artistes, en partenaires de l’Institut Français au Sénégal, s’est articulée autour du thème : «Gorée autrement.»
Cette édition de Gorée Regards sur cours est différente des précédentes. Cette année, les organisateurs ont opté pour moins d’artistes qu’- habituellement en raison de la situation sanitaire. «On a visé cette année les artistes du Sénégal et de la sous-région pour qu’il n’y ait pas de soucis au niveau des arrivées», a expliqué Marina Ricou, présidente de l’association Gorée regards sur cours qui compte désormais parmi les évènements artistiques majeurs du Sénégal. Tout en restant fidèle à sa tradition, Gorée Regards sur cours était placée cette année sous le thème : «Gorée autrement.» Développant les grandes lignes de cette manifestation culturelle initiée depuis 2003, Marina Ricou affirme que le thème de cette 13e édition est vu sur un autre angle, qui est celui du 19e siècle. «Cet évènement amène les artistes à Gorée pour voir l’Ile sous un autre angle qui est l’angle du 19e siècle avec des festivités et un regard un peu plus joyeux. Et cette année, le thème c’est Gorée autrement, parce que, suite au Covid-19, l’année dernière tout avait été arrêté. La Biennale avait été aussi annulée. Et, on s’est dit que si cette année, on ne faisait rien, ça va nous reporter en 2023. Alors, on a monté tout ça en moins de 3 mois, ce qui est un record parce que d’habitude, on met 2 ans.» Durant ces trois jours (les 28, 29 et 30 mai 2021), une atmosphère festive a régné sur l’île, avec des fanfares, des acrobates et des animations tandis que des centaines de visiteurs parcouraient les ruelles à la découverte des cours de maisons où sont exposées les œuvres des artistes sélectionnés. «Cette année, j’ai invité 34 artistes pour cette 13e édition. Des jeunes qui n’ont jamais exposé à Regards sur cours, fraîchement sortis de l’école des arts», a-t-elle indiqué.
Pour sa treizième édition, Gorée s’est enrichie avec des partenariats dont l’Institut Français. Au-delà des expositions qu’il a présentées, le programme comprenait aussi une soirée Jésus Was Black, soirée des étoiles et une invitation au voyage par la chorale Petit Keur de l’Eglise Saint-Charles. Parmi les têtes d’affiche de cet évènement de renommée internationale, Djibril Dramé, artiste visuel, photographe, graffeur, Henry Sagna et bien d’autres jeunes artistes : Fatou Mandoye Mbengue, Amy Celestina Ndione et Aïssatou Ciss. «Pour la première fois, l’Institut Français a décidé de faire 2 choses en parallèle. La première, c’était la restitution de l’atelier de céramique qu’on a menée avec les jeunes filles de la Maison d’éducation de Mariama Ba organisé par le Ban Workshop (Ban qui signifie argile en Wolof). Et ensuite, on a monté une exposition ici dans la salle du centre socioculturel, Boubacar Joseph Ndiaye, avec le photographe sénégalais Djibril Dramé», a souligné Olivia Marsaud, directrice de la Galerie Le Manège et responsable Arts visuels de l’Institut Français du Sénégal.
«Dans les pas d’un Jésus Noir»
Djibril Dramé a passé plusieurs années à Los Angeles. Voilà pourquoi la langue anglaise sonne souvent dans les titres de ses séries photographiques. C’est le cas avec «Jésus was Black». Les Rastafaris, en pleine Jamaïque coloniale, dessinent le visage de Dieu, le représentent noir «Négus Christ» et font allégeance à l’Empereur d’Ethiopie. Un acte d’émancipation et de création, qui se retrouve ici, dans ce travail photographique de Djibril Dramé, a fait savoir Olivier Marsaud. Et d’ajouter que «le titre, Jésus était noir, et non pas Jésus est noir, sousentend qu’il est devenu blanc. En absence de descriptions et de représentations précises, la figure d’un Jésus blanc est une construction culturelle et historique». «Je me suis dit, c’est vrai, il se peut que Jésus ait été noir. J’ai voulu montrer, à travers cette figure sacrée, comment l’homme noir a été mis à l’écart et oublié de l’histoire», explique Djibril Dramé. Poursuivant ses propos, il précise : «Mes modèles, je les ai choisis grâce à la lumière que j’ai vue en eux. Je suis quelqu’un de très spirituel. Tous les quatre photos sont noires mais viennent d’environnements très différents. Yashua Shalom est américain mais pour moi, il ressemble à un Sénégalais. Il est venu en vacances au Sénégal et n’est jamais reparti. Baye Ndiaga Diouf vient de la banlieue de Diameguène Sicap Mbao qui est l’endroit où moimême, j’ai grandi, et où je me suis forgé. Fallou est né à New York et il est venu s’installer à Dakar. Un retour aux sources pour lui. Et Ibrahima est un jeune photographe de Thiès qui est souvent mon assistant sur des projets commerciaux. Sa principale qualité est d’être un olympien», a détaillé M. Dramé. Pas question, pour ce dernier, d’être dans la provocation. «J’ai habillé ces différents corps noirs du même vêtement léger, celui d’un berger, d’un homme aux semelles de vent, qui respecte la nature et ses semblables. C’est un marchand d’humanité et de partage, mais surtout de paix. La recherche de cette paix est au centre d’une grande partie de mon travail», dit-il. Les photographies respirent la quiétude mais aussi la détermination dans les regards. Peu d’éléments extérieurs troublent la neutralité des paysages, sauf sur celui où un bidon plastique rappelle l’humanité à la réalité. «Sur cette image, j’ai choisi de positionner Ibrahima en Messie pour la protection de notre bien commun, le littoral.» Pour le reste des photos accrochées au mur, les hommes semblent flotter au cœur des éléments : l’air, la terre et bien sûr, l’eau.
«A Gorée, c’est l’union qui fait la force»
Parallèlement à ses travaux qui répondent, selon elle, au thème de cette année, Aïssatou Ciss, 28 ans, photographe, présente 4 photos qui se complètent. «La première photo parle un peu de cet avis qu’on peut avoir dans la vie, les questions qui se posent, l’identité, la liberté. Il y a Ramadan, qui est un portrait qui raconte un peu l’histoire d’un garçon qui vit une présence et une absence.» Après, on a L’identité mondiale qui parle un peu du Covid car, ici à Gorée, c’est une petite communauté. Donc le Covid était un peu le moment pour les gens de se réunir et se soutenir mutuellement. Enfin, on a Résistance, un thème sur le Covid qui s’inscrit sur la même série qu’identité mondiale, raconte-t-elle. Elle a décidé de mettre son art au service de sa communauté. «A Gorée, l’union fait la force. Donc j’ai voulu montrer ce côté», a-t-elle ajouté.
«Relation entre l’homme et la nature»
De l’autre côté, Fatou Mandoye Mbengue, issue de la promotion 1998 de l’Ecole nationale des beaux-arts de Dakar, est native de Bargny. Bouleversée par des moments difficiles de son existence, elle s’est lancée dans l’art. «Dès mon plus jeune âge, je me suis passionnée pour les dessins, les couleurs et la nature. Mon travail consiste à faire des séries de bain pour créer une relation entre l’homme et la nature. Alors, j’ai décidé de transformer ces tourbillons en œuvres d’art.»