CES CHANSONS QUI LUI RESSEMBLENT
GASANDJI, CHANTEUSE CONGOLAISE
C’est à quelques heures de sa prestation de ce soir à l’Institut français, pour les besoins du festival Only French au Sénégal, que la chanteuse congolaise Gasandji s’est offert un tête-à-tête avec quelques journalistes de la presse quotidienne. Auteur d’un album qui porte son nom et où elle se met à nu, c’est dans la bonne humeur et parfois entre deux éclats de rire que l’artiste a accepté de regarder dans le rétroviseur : son parcours, la musique, quelques-unes de ses rencontres, et aussi cette relation particulière qu’elle entretient avec son pays d’origine, la République démocratique du Congo (Rdc), un pays auquel elle reste très attachée et qui la tient aux «tripes», même si elle n’y va pas très souvent.
Si ses parents ne tenaient pas vraiment à ce que Gasandji mène une vie d’artiste, rêvant peut-être d’une fille médecin, en blouse blanche et stéthoscope à la main, ou d’une profession disons…quelque peu plus «sérieuse» comme on dit, c’est un peu comme s’ils l’y avaient eux-mêmes poussée. Il faut dire que l’on est assez mélomane à la maison et que l’on écoute un peu de tout : de la rumba congolaise à la variété française. Ses premières notes viennent sans doute de là. Ensuite, comme elle dit, Gasandji se laissera aussi tenter par le jazz et par la soul.
Le parcours de l’artiste est assez intéressant. A 15 ans, Gasandji était plutôt hip-hop, comme tout le monde ou presque, et surtout par défi. A cet âge-là, «on s’arrange souvent pour faire exactement tout le contraire» de ce que disent papa et maman. Ensuite, c’est le jazz qui la rattrapera : «C’est une musique que j’ai écoutée, puis oubliée, et qui m’est ensuite revenue», dit la chanteuse, qui avoue tout de même, entre deux éclats de rire, que certains jazz peuvent être «très ennuyeux».
LokuaKanza : la rencontre
Dans la musique, il faut souvent savoir commencer, ou alors fait-on d’agréables rencontres, de celles qui donnent parfois l’impression de vous être tombées dessus. LokuaKanza lui a comme qui dirait fait cet effet-là. Gasandji raconte d’ailleurs que sa carrière a plus ou moins commencé alors qu’elle assurait ses premières parties de concert à lui. LokuaKanza lui apprendra par exemple qu’elle était plutôt douée pour tout ce qui est mélodie. L’histoire ne s’arrête pas là puisque c’est lui qui produira son tout premier album. La première fois où la jeune femme mettra donc les pieds dans un «vrai studio», ce sera avec lui, et Gasandji se souvient encore des premières leçons du maître : «LokuaKanza m’a appris comment on écrivait une chanson, par quoi il fallait commencer…»
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce n’est pas parce LokuaKanza a su l’accompagner, que Gasandji a tout eu les doigts dans le nez, loin de là. A Gasandji, l’album qui porte son nom, elle consacrera 3 longues années, avant de pouvoir enfin le sortir, mais en indépendante. L’explication est assez simple : «La musique est un milieu compliqué», surtout quand on s’appelle Gasandji et que l’on se retrouve plus ou moins «dans une niche», à faire «de la musique que l’on n’entend pas 24h sur 24 à la radio». Mais ce sont des situations comme celles-là qui vous ne laissent pas le choix ou qui vous obligent à «vous prendre en main».
Si on la présente volontiers comme «chanteuse», peut-être parce que c’est son métier après tout, Gasandji a surtout l’impression que la musique est une sorte de flèche de Cupidon. Ensuite accusera-t-on le destin pour ne pas dire la Providence, surtout quand on l’entend dire qu’elle a le sentiment que «le Ciel (lui) a donné quelque chose». Mes chansons, dit-elle de manière à la fois très poétique et très lucide, «sont comme des prières. Je cherche le bonheur et je cherche aussi à être en paix avec les autres (…) Mon album parle de moi, et de façon tellement intime »… Dedans il y a ce titre, Maman ne m’a pas dit, «chanson d’amour » ou chanson sur le manque», mais surtout chanson écrite pour une maman qu’elle n’a pas vraiment connue. «Je ne m’en souviens pas vraiment, dit Gasandji, je n’avais que 2-3 ans quand je l’ai perdue».
Le Congo, entre sentiments confus
Aujourd’hui, Gasandji vit à Paris, même si ses racines sont au Congo, un pays où la chanteuse a encore de la famille, mais qu’elle a dû quitter en suivant les pas d’un père expatrié au Gabon. Que reste-t-il donc de cette histoire ou de ce lien ? Rien de très «physique» avoue-t-elle, peut-être parce qu’elle n’y va pas très souvent…Mais ce n’est pas comme si rien de tout cela ne comptait: «C’est dans mes tripes» dit Gasandji, et on ne peut que la croire. Parce que quand elle parle de la République démocratique du Congo (Rdc), ce pays qui lui inspire parfois quelques sentiments plus ou moins confus, le ton est toujours très passionné. Voilà un pays riche, dit-elle, avec tellement de «jeunes très créatifs qui ont vraiment envie de faire bouger les choses…Et à côté, la souffrance : on est entre l’énergie et le chaos, et toutes ces choses-là me reviennent comme un boomerang. Je suis à la fois heureuse et triste».
Gasandji tient tout de même à cette précision : «Que ce soit au Congo, en Afrique ou en France, je ne suis pas imprégnée des questions politiques». L’artiste est d’une lucidité parfois déconcertante : «Je pense que les hommes politiques ne changeront pas, et que c’est notre manière à nous de voir le pouvoir, qui renversera la vapeur. Moi je veux surtout pouvoir parler aux gens, leur apprendre à dire non, et aussi pouvoir dire à quelqu’un : tu es capable de changer les choses».
Et s’il y a un endroit où l’artiste se sent vraiment bien, c’est sur scène. Et même avec plusieurs années d’expérience, Gasandji a encore le trac. Elle n’en aurait pas qu’elle se poserait des questions. « Et on ne triche pas sur scène, sinon ça se voit».
Gasandji, en toutes lettres
En langue Pendé, la langue de son père et de sa mère, Gasandji, c’est «celle qui éveille les consciences». Et détrompez-vous, ce n’est pas un nom de scène. «C’était le prénom de mon arrière-arrière-grand-mère» précise la chanteuse congolaise. Un héritage pas toujours très facile à porter dit Gasandji : «J’essaie juste d’être à la hauteur de ce que mon nom veut dire». La chanteuse avoue tout de même qu’elle ne maîtrise pas encore tous les secrets de la langue : «pas très facile» dit-elle. Gasandji chante plutôt en lingala, parce que c’est «plus fluide».
Equation capillaire
La coiffure de Gasandji est assez spéciale pour qu’on la remarque : la boule à zéro ou le crâne rasé, «coiffé d’une seule natte». L’histoire remonte à une dizaine d’années, alors que Gasandji sort d’une «période plutôt compliquée» de sa vie. Ce sera son armure à elle ou sa tenue de «combat». Ensuite elle apprendra que l’on retrouvait cette coiffure au Cameroun ou dans un pays comme l’Ethiopie, où ce sont surtout des garçons non encore initiés qui la portent. Et quand on lui dit parfois que sa coiffure a plutôt tendance à l’enlaidir, Gasandji répond à qui veut l’entendre que la beauté, ce n’est pas une question capillaire, et que la beauté passe surtout par «ce que l’on est».