DÉCÈS DE THIONE SECK
L’artiste, leader du Raam Daam et père du chanteur Wally Seck a succombé des suites d’une maladie à l’hôpital Fann de Dakar, à l'âge de 66 ans
Le chanteur sénégalais Thione Seck, membre de la légendaire formation Orchestra Baobab dans les années 1970 avant d'être sacré roi de la musique mbalax, est décédé dimanche d'une maladie à Dakar, à l'âge de 66 ans.
Issu d'une famille de griots, Thione Ballago Seck – de son nom complet – était considéré comme l'un des seigneurs de la musique sénégalaise avec Youssou N'Dour, Omar Pène, Ismaël Lô ou encore son propre fils, Wally Seck, aujourd'hui l'un des chanteurs les plus populaires d'Afrique de l'Ouest.
"Nous sommes tous consternés.Nous avons perdu un grand homme, un parolier, notre grand frère", a déclaré à des médias locaux le plus célèbre d'entre eux, Youssou N'Dour, après avoir réconforté la famille du chanteur à l'hôpital de Dakar où il est décédé dans la matinée.
"Il ne fait pas dans la dentelle, il dit ce qu'il pense et puis c'est tout", a dit de lui son compère Omar Pène, sur la radio privée RFM.I smaël Lô a salué "l'intégrité, la sincérité, la générosité et la piété" du musicien né en 1955 à Dakar.
Chanteur dans les années 1970 de l'Orchestra Baobab, une formation adepte d'une salsa afro-cubaine à la sauce sénégalaise, Thione Seck avait fondé dans les années 1980 "Raam Daam", un groupe de pur mbalax, genre né de la rencontre entre plusieurs rythmes locaux, le chant, le funk, et parfois le reggae.
- "Allô Petit" -
Ses plus grands succès comprennent notamment "Allô Petit" et "Diaga".Ou encore "Orientissime", sorti il y a une quinzaine d'années, sur lequel il effectuait une plongée dans les musiques orientales, indienne et arabe, avec cordes, cuivres, oud, kanun, cithare et tablas.
L'album avait été enregistré tout au long de voyages à Madras, Paris, Londres et Le Caire, avec nombre de musiciens locaux.Thione Seck, élevé dans la tradition musulmane, y brouillait les pistes, entre chant wolof, gammes indiennes, mélopées arabes et le fameux mbalax, toujours là en filigrane.
A Dakar, il avait pendant longtemps animé plusieurs fois par semaine son propre club, le Kilimandjaro.
Les hommages se sont succédé tout au long de la journée. Sur Twitter, l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall a salué le départ d'un "véritable monument de la musique sénégalaise".
"Thione Seck fait partie des artistes héros d'une époque.Libre, énergique, mélodique (...), il a persisté dans la création, passant du traditionnel au moderne, bravant les écueils et l'incompréhension d'une société qui a peu cru à l'art comme mode de vie et moyen de vivre", a souligné El Hadji Hamidou Kassé, conseiller du président Macky Sall pour les affaires culturelles.
Une foule de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes, selon les images des médias locaux, a accompagné sa dépouille jusqu'au cimetière musulman de Yoff, une commune de la capitale, où il a été inhumé dans l'après-midi.
- Faux billets et démêlés judiciaires -
Les dernières années du musicien ont toutefois été ternies par une longue et rocambolesque saga judiciaire. Arrêté en mai 2015 -- un sac contenant "50 millions d'euros", qui se sont avérés être des faux billets, avait été retrouvé à son domicile --, il avait fait neuf mois de détention préventive.
Lors de son procès en mai 2019, Thione Seck avait affirmé avoir été "victime d'un complot" monté par des Gambiens vivant en Suède, qui lui avaient fait miroiter un contrat de 100 millions d'euros pour une série de 105 concerts en Europe.
Il avait obtenu en première instance l'annulation de la procédure car il n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat durant sa garde à vue après son arrestation.Mais il avait été condamné en appel en juin 2020 à trois ans de prison, dont 8 mois ferme.
Son avocat a introduit un pourvoi en cassation et, le 4 mars dernier, deux jours après son 66 anniversaire, la Cour suprême du Sénégal a "cassé et annulé toute la procédure", à nouveau en raison de l'absence d'avocat lors de sa garde à vue, a dit dimanche à l'AFP son avocat, Ousmane Seye.
"Quand je lui ai expliqué que les professeurs de droit enseigneraient cette décision à leurs étudiants en Afrique, il en a été heureux et il m'a dit: +Mon nom est rentré dans l'histoire", a-t-il ajouté.