ON DEVRAIT POUVOIR S'ASSEOIR AUTOUR D'UNE TABLE ET TROUVER DES SOLUTIONS
À l’occasion de la sortie de son nouvel album, « Being », le roi du yella Baaba Maal, livre son regard sur la place de la musique en Afrique, le rôle des réseaux sociaux et la situation dans son pays
Avec une carrière de plus de trente ans et des dizaines d’albums, Baaba Maal revient avec un sept-titres, Being. L’artiste peul, surnommé le roi du yella, aussi fondateur du festival Les blues du fleuve, et ambassadeur des Nations unies dans le cadre de la lutte contre la désertification, s’est adressé, sur la scène de la 15e édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) à Abidjan, à la jeunesse africaine. Il a interpellé les gouvernants sur la nécessité de leur offrir des opportunités sur le continent. Rencontre.
Jeune Afrique : Fondateur du festival Blues du fleuve, dans votre région d’origine, à Podor, vous avez participé cette année au Femua. Quelle est la place des festivals dans le paysage culturel africain ?
Baaba Maal : Le festival prend tout son sens sur le continent africain. Traditionnellement, nous organisions des fêtes où les gens venaient d’un peu partout, se rencontraient dans les villages des uns et des autres. Si aujourd’hui on appelle cela festival, tant mieux ! C’est aussi une façon de discuter et de trouver des solutions à nos problèmes quotidiens.
Lors de l’ouverture du Femua, A’Salfo a affirmé que la culture était le levier le plus sûr pour développer un pays. Comment s’articulent musique et retombées sociales selon vous ?
J’aime beaucoup la vision d’A’Salfo et la manière qu’il a de la consolider. On peut avoir une vision, mais ne pas trouver la démarche qu’il faut pour l’accomplir. Celle d’A’Salfo et du groupe Magic System est formidable. Quand on a une voix, que cette voix nous conduit dans tous les coins du monde, et qu’on a la possibilité de parler de nos continents, de nos pays, de nos communautés, de ce qui nous interpelle, il faut le faire. Et c’est ce qu’ils font. Cet appel doit aussi atteindre les oreilles de nos chefs – les gouvernants, les autorités religieuses ou coutumières, etc.
Il faut que toute la chaîne de décision soit mobilisée pour donner plus de sens à la culture, qui n’est d’ailleurs pas seulement là pour développer le plaisir et la joie de vivre. Elle sert aussi à accompagner des projets de développement, pour convaincre les jeunes de rester chez eux et les encourager à penser que tout est possible sur le continent. Le Femua nous permet de parler de l’Afrique, de nous unir et d’encourager tous les projets de développement.
Ce sont des thématiques que vous abordez aussi dans Being, votre nouvel album. Comment l’avez-vous construit ?
Nous avons repris avec mon ami Mansour Seck nos vieilles méthodes de travail : on s’assied dans une cour ou chez des amis, on note des idées, on écrit des chansons. C’est seulement après avoir élaboré six ou sept titres que l’on s’est dit que Being pourrait devenir un album. Nous étions d’abord dans le plaisir de reprendre nos instruments, de nous asseoir entre amis, de ne pas nous efforcer de vivre, mais de vivre naturellement. Les choses viennent à vous quand vous vous comportez ainsi. Quelqu’un m’a demandé comment cela se faisait que, même lorsqu’on ne comprend pas les langues, l’on ressente les mélodies, les frissons, etc. Tout simplement parce que cela vient du cœur et s’oriente vers d’autres gens qui ont les mêmes sensibilités.