FAFACOUROU, LA NOSTALGIE D'UN PASSÉ GLORIEUX
L'ancienne capitale du canton de Guimara a joué un rôle central dans l’histoire du Fouladou, notamment de Médina Yoro Foulah. De cette époque révolue, il ne reste plus que des souvenirs que des récits tentent de maintenir vivaces
Le souvenir de l’ancien chef de canton de Guimara, Mamadou Amadou Diallo, plus connu sous le nom de Mamadou Balèdjo, est encore vivace dans la mémoire collective des populations de Fafacourou, un village historique situé dans le département de Médina Yoro Foulah. C’est grâce à lui que les premières infrastructures sociales de base, comme le dispensaire, la route Kolda-Vélingara via Fafacourou et Badion et l’école élémentaire, ont été construites en 1947. Pour asseoir son règne, Mamadou Balèdjo avait tissé de bonnes relations avec les personnes jugées dangereuses à cause de leur pouvoir mystique pour en faire des amis. Cela lui permit de rester à la tête du canton jusqu’à l’accession du Sénégal à l’indépendance, en 1960, qui mit fin à la chefferie. Il avait été nommé chef de canton de Guimara, vers 1936, par son oncle, Abdoul Diallo, qui était chef du cercle du Fouladou qui couvrait les cantons de Kamako, Mamboa, Patinkivo et Guimara, avant d’être confirmé, deux ans plus tard, par l’Administration coloniale française. Le canton de Guimara qui avait pour capitale le village de Fafacourou correspond à l’actuel arrondissement de Badion et de Fafacourou et s’étendait jusqu’en Gambie. « Mamadou Balèdjo était un fin diplomate, un homme courtois, travailleur et serviable. À son arrivée, en guise de cadeaux, il a payé de la cola à tous les notables considérés comme dangereux du fait de leur puissance mystique pour en faire des amis et des parents. C’est pourquoi il n’a jamais eu de problèmes jusqu’à la fin de son règne. Il a toujours partagé ses repas avec les populations. Il les invitait à venir manger avec lui dans la cours de sa maison », déclare Samba Kandé, frère du chef de village et ancien Président du Conseil rural de Fafacourou.
Mamadou Balèdjo était aussi un fin diplomate et un grand négociateur ; ce qui lui permit d’intégrer les villages de Saré Waly, Belki, Saré Diawando et Saré Seyni- qui faisaient partie de la Gambie- au Sénégal. « Mon père était un homme intègre, un grand patriote et un fin diplomate qui aimait le travail. Il a beaucoup fait pour les populations de Fafacourou où il a installé un poste téléphonique et créé un dispensaire et une école. Durant son règne, il y a eu des problèmes entre la Gambie et le Sénégal et grâce à ses bons offices, il a pu récupérer une demi-douzaine de villages qui se réclamaient de la Gambie pour les intégrer dans son canton », déclare Elhadj Bassirou Diallo, fils de l’ancien chef de canton de Guimara, ancien fonctionnaire international à la retraite et frère de l’ancien Gouverneur de Kaolack, Bocar Diallo.
Village de Fafacourou entre exode rurale et émigration clandestine
Le village de Fafacourou a été créé, vers 1895, par Malang Kandé, Koura Dada, Demba Egué et Yéro Bina, venus de Bakor, une petite localité située à mi-chemin entre Kolda et Fafacourou. Ils ont été emprisonnés à deux reprises par l’Administration coloniale qui était opposée à la création de ce village. « La création de Fafacourou ne fut pas de tout repos. À chaque fois que les quatre fondateurs construisaient leurs cases, l’Administration coloniale qui était basée à Sédhiou envoyait des gens venir les détruire et les arrêter pour les enfermer à Sédhiou », déclare ce notable de Fafacourou.
Le nom de Fafacourou vient de fafadje (en langue pulaar), un arbre semi aquatique qui pousse au bord de l’eau. Le village a été érigé en chef-lieu de canton, vers 1936, par l’Administration coloniale française et compte, aujourd’hui, un millier d’habitants. Il souffre à cause de son enclavement, du chômage des jeunes et du manque d’électricité. L’exode rural, l’émigration clandestine et les motos « Jakarta » constituent pour ces jeunes, les seules solutions pour sortir des affres de la pauvreté et du désespoir. Durant les deux dernières années seulement, plus d’une dizaine d’entre eux ont perdu la vie en tentant de traverser le désert du Sahara ou la mer Méditerranée. Les cadres originaires de Fafacourou ne sont pas non plus épargnés par cet exode. Et comme les difficultés ne viennent jamais seules, le marché hebdomadaire, construit en 1975 et qui devait booster le commerce et soutenir l’économie locale, ne fonctionne presque pas à cause de l’enclavement. Les taxis-brousse qui assuraient le transport entre Kolda et Fafacourou ne s’aventurent plus sur cet axe à cause du mauvais état de ce tronçon.