«IL Y A UNE AME ARTISTIQUE A SORANO QUI N’EXISTE PAS AU GRAND THEATRE»
L’annonce par le chef de l’Etat de la réhabilitation du théâtre national Daniel Sorano semble venir à son heure. C’est du moins l’avis de son directeur Sahite Sarr Samb.

L’annonce par le chef de l’Etat de la réhabilitation du théâtre national Daniel Sorano semble venir à son heure. C’est du moins l’avis de son directeur Sahite Sarr Samb. Dans cet entretien qu’il a accordé à L’As news, il revient sur les maux de l’infrastructure qu’il dirige, l’avènement duGrand Théâtre qui semble prendre le monopole, mais également les impacts du coronavirus dans leurs activités.
Comment se porte le théâtre Daniel Sorano en cette pandémie de coronavirus ?
Avec la pandémie et les mesures qui ont été prises par les hautes autorités, Sorano n’a pas fonctionné cette année, par rapport à notre clientèle bien sûr. Mais à l’interne quand même depuis la reprise, nous sommes en atelier artistique. Et les troupes artistiques aussi travaillent à l’interne. Mais par rapport à l’ouverture pour le grand public, ce n’est pas encore d’actualité. Sorano reste toujours fermé à cause de la pandémie.
Peut-on évaluer le manque à gagner avec cette absence d’activités ?
Le fait de ne pas se produire a impacté sur nos chiffres d’affaires. Cela a même impacté sur notre image. Mais plus sur le chiffre d’affaires car nous n’avons pas de recettes cette année. Et cela compte pour à peu près 13% sur notre budget de fonctionnement. Ce qui est estimé en valeur absolue à peu près à presque 80 millions de fcfa.
La réhabilitation de Sorano a récemment été évoquée par le chef de l’Etat. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
C’est une excellente nouvelle. D’ailleurs, on se félicite vraiment de cette clairvoyance du président de la République. Il avait instruit cette réhabilitation aux différents services de l’Etat depuis 2016. C’est un rappel qui vient à son heure parce que réhabiliter le site nous permettra d’avoir un outil de travail performant, conforme à nos missions, mais surtout à nos ambitions. Sorano est cinquantenaire comme vous le savez. Ce théâtre a presque même 56 ans depuis sa création. Et jamais, il n’a eu une grande réhabilitation. Le matériel qui est là est d’une vétusté réelle. Ce qui pose parfois des problèmes de sécurité. Nous essayons tant bien que mal, avec nos propres ressources, de faire face. Mais vraiment, il nous faut un appui fort de l’Etat pour nous permettre de réhabiliter le bâtiment, mais aussi un rééquipement qui soit aux normes internationales et conformes à nos ambitions. C’est dans ce sens que depuis les instructions du chef de l’Etat, nous avons commis un cabinet avec qui nous avons fait l’étude de faisabilité pour cette réhabilitation qui a deux (02) composantes. Il y a la réhabilitation et l’équipement. Les deux ont été évalués dans les détails à peu près à trois milliards cinq cent mille Fcfa.
On évoque souvent une subvention annuelle de l’Etat. Recevez-vous toujours cette somme ?
Nous la recevons parce que c’est un théâtre de l’Etat, un démembrement de l’Etat. Sorano, son statut, c’est un établissement public à caractère industriel et commercial qui est sous la tutelle administrative du ministère de la Culture et de la Communication. Il est surtout sous la tutelle financière du ministre chargé des Finances. Donc, nous recevons comme tous les établissements publics une subvention. Cette subvention est surtout une subvention d’exploitation. D’ailleurs, cela explique le pourquoi de ce retard de réhabilitation. Sorano n’a jamais bénéficié d’une subvention d’investissement qui lui permettrait en tout cas de prendre en charge régulièrement ses problèmes récurrents d’investissements, de réhabilitation d’outils de travail. Nous parvenons à prendre une petite partie de cette subvention d’exploitation pour pouvoir faire un peu d’investissements. C’est ce que nous faisons. Et cette subvention est actuellement de 500 millions.
Quelles sont les autres activités qui permettent à la structure de tenir ?
Les autres activités, ce sont nos recettes. Nous avons des recettes à travers les salles de spectacles, mais également des recettes avec les produits dérivés, c’est-à-dire l’exploitation des trois troupes que nous avons. Il s’agit de l’ensemble lyrique traditionnel qui a surtout cet ancrage populaire qui est tourné vers l’intérieur du pays, le ballet national ‘’La Linguère’’ pour les tournées à l’étranger, mais aussi des spectacles que nous faisons ici au Sénégal, et la troupe nationale dramatique. Donc, l’exploitation de la production de ces troupes nous permet de faire un certain nombre de ressources, à côté des ressources de la salle. Ce sont ces ressources que nous n’avons pas eu cette année, compte tenu de la situation de la Covid-19.
A vous entendre, il y a des activités qui se poursuivent toujours ?
Oui, il y a des activités qui sont faites intra muros, mais aussi extra muros. Dans les activités intra muros, c’est nous, nos activités dans nos programmations artistiques à l’intérieur des locaux de Sorano, mais aussi à l’extérieur de Sorano. S’y ajoutent maintenant les activités qui sont portées par des organisations privées à qui nous louons la salle. Ce qui est l’appui que nous faisons pour l’animation culturelle de la ville de Dakar, sinon même du Sénégal de manière générale, en vue d’appuyer aussi ces troupes. Les locaux de Sorano doivent aussi être à la disposition de tous les acteurs culturels.
Avec l’avènement du Grand Théâtre, Sorano semble perdre du terrain. Qu’est-ce qu’il faut pour redonner à ce lieu la place qu’il a toujours occupée ?
Souvent, je pense aussi que cette équation est mal posée. Avec le Grand Théâtre, nous ne sommes pas du tout en compétition parce que nous relevons tous de l’Etat. C’est une bonne chose aussi même. Et il faut se féliciter qu’on puisse l’avoir. Il y a même des spectacles qui sont organisés au Musée des Civilisations Noires. Donc, c’est une excellente chose d’avoir plusieurs infrastructures. Par contre, quand on pose la question, il faut bien savoir que l’identité de Sorano n’est pas celle du Grand Théâtre. Sorano est un théâtre avec des troupes artistiques qui sont à l’intérieur, c’est-à-dire des troupes de l’Etat. Je vous ai parlé de la troupe nationale dramatique, du ballet national « La Linguère » et aussi de l’ensemble lyrique traditionnel. Ce qui n’existe pas au Grand Théâtre. Donc, je peux dire qu’il y a une âme artistique à Sorano qui n’existe pas au Grand Théâtre. C’est un théâtre du point de vue bâtiment. Mais ici quand même, c’est un théâtre national, avec ses troupes qui ont participé à faire connaître le Sénégal depuis les indépendances. Mais aussi qui ont eu à participer à la décentralisation de l’action culturelle à l’intérieur du pays. Voilà ce qui fait notre différence avec le Grand théâtre. Mais aussi on est complémentaires, car parfois, nous avons des programmes que nous menons ensemble. Et il faut s’en féliciter aussi.