«JE NE ME CONSIDERE PAS COMME UN ECRIVAIN»
Entretien avec Mame Gor Ngom, journaliste, auteur de «Billets de salon»
Journaliste diplômé du très prestigieux Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’information (CESTI), Mame Gor Ngom vient de mettre aux rayons des librairies son premier ouvrage, « Les billets de Salon ». Celui-ci a été unanimement salué par le public. Cet amoureux des belles lettres s’est confié au Témoin.
Cher confrère, tu viens de publier ton premier ouvrage. Comment s’est produit le déclic ?
…En tant que journaliste, j’ai très tôt saisi qu’une histoire aussi grave d’accusation de viol contre l’opposant le plus en vue du régime, est une grosse affaire qui va faire grand bruit. Cela, d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte très anxiogène avec une pandémie de la Covid-19 qui aggrave une crise économique et sociale déjà ténue. J’avais l’habitude d’écrire sur toutes les actualités quasi-quotidiennement, mais j’ai tôt pensé que affaire Sonko-Adji Sarr méritait un livre.
Est-ce que ton statut de journaliste à beaucoup pesé sur ce choix
Oui, mon statut de journaliste, qui se nourrit de faits, a été décisif sur ma décision.
Tu rejoins ainsi des confrères comme Boubacar Boris Diop, Pape Samba Kane ou Ibou Fall, pourrais-tu faire le saut en publiant un jour un roman ?
Ah, ce sont de grands confrères qui sont sans doute des références. Je ne me fixe aucune limite. L’écriture, c’est une sensation. J’aime écrire et j’écris sur tout. Tous les genres journalistiques comme littéraires, car au-delà de mon statut de journaliste, je suis avant tout un littéraire qui a fait des études supérieures en littérature. J’ai aussi cette chance de faire de la science politique et les relations internationales qui peuvent m’aider à appréhender l’actualité et la géopolitique. Donc, que cela soit le roman, la poésie ou le genre journalistique, je suis prêt à les «embrasser». C’est une question de temps et d’opportunité.
Peut-on dire que tu as subi l’influence des ainés cités plus haut et qui ont balisé la voie ?
Ces aînés et confrères ne sont pas des influenceurs. Le terme est à la mode. (Rires) Pour être plus sérieux, je ne suis pas influencé et je ne veux pas être influencé. La raison coule de source. Le style, c’est l’homme. C’est pourquoi d’ailleurs, quand j’ai décidé de publier « Billets de salon », je n’ai pas voulu singer d’autres comme l’exceptionnel défunt Alain Agboton auteur de «Xorom Ci». Cependant, dans le cadre du journalisme comme dans le domaine de la littérature, dans la vie tout court, j’ai des références solides. Il est difficile d’essayer de les citer toutes.
Tu as choisi « Le nègre international comme éditeur…
Comme je suis un novice dans ce milieu, j’ai demandé des conseils. Et un ami m’a indiqué «Le Nègre international». Élie, je le connais bien dans le cadre de mes activités professionnelles. Saër Ndiaye, qui est le Directeur éditorial, nous avons même partagé la rédaction du journal, « Le Matin ». Donc, le courant est vite passé. Naturellement. Et je ne regrette pas.
Avec le statut d’écrivain, es –tu disposé à rejoindre les rangs de l’Association des écrivains du Sénégal…
J’avoue que, moi-même, je ne me considère pas comme un écrivain. Je suis un journaliste très passionné par ce métier malgré les difficultés rencontrées ici et là. Donc, je n’ai même pas pensé à cette association. Même si je compte écrire encore des livres. En tant que je journaliste, je constate que celui qui est à sa tête, a fait son temps. Et les changements de dirigeants peuvent à bien des égards être très positifs pour ce genre d’associations quelle que soit la qualité de celui qui est là.
Comment juges-tu la situation de la littérature et de l’édition au Sénégal ?
Je suis impressionné par le nombre de jeunes qui publient des livres. A côté de ces jeunes, il y a de grands écrivains comme Mbougar Sarr qui sont des talents réguliers et qui nous donnent beaucoup de satisfaction même s’ils ne vivent pas au Sénégal. Il y a un certain engouement noté. Malheureusement, pour l’édition, ce n’est pas du tout évident. Le secteur n’est pas bien organisé. J’ai l’impression que les écrivains sont abandonnés à leur sort. Il faut mettre le curseur sur la promotion même si le ministère de la Culture, avec la Direction du Livre, fait des efforts, il faut une véritable politique du livre pour vraiment encourager les initiatives.
En ta qualité d’analyste politique que t’inspire le débat sur le troisième mandat au Sénégal ?
Le débat sur la « troisième candidature » ne devait pas se poser au Sénégal en 2021. S’il se pose, c’est qu’il y a un échec. Évidemment, le président de la République, qui a été élu en 2012, pour mettre les choses à l’endroit et opérer des ruptures, est responsable de cet échec au premier chef. En voulant entretenir la confusion par un « ni oui ni non », il irrigue la tension et laisse planer un doute normal. Cette situation découle d’une crise de confiance. La parole donnée, la parole présidentielle ne vaut plus rien. C’est comme si l’histoire de 2011 est en train de se répéter avec cette débauche d’énergie contre la troisième candidature de Wade. Nous faisons du surplace. J’ose espérer comme beaucoup de Sénégalais et d’Africains, que le président Macky Sall est assez réfléchi pour ne pas tenter le diable.
Ça nous ramène à la Guinée. Quelle analyse en fais-tu ?
En Guinée, on constate aussi un non assimilation des leçons par Alpha Condé, Professeur de son état et opposant historique. Il a appris à ses dépens que la force ne peut pas tout régenter. Le fait de réduire l’opposition à sa plus simple expression, museler la Société civile, embrigader une bonne partie de la presse, mettre à genoux la justice et les institutions, n’a pas empêché sa chute. Une humiliation qu’il pouvait éviter en ayant la tête sur les épaules, en respectant ses concitoyens. Ces images d’un Condé entre des militaires, les yeux hagards, le regard lointain, la mine défaite, sont moches. Hélas, nous sommes nombreux à ne ressentir aucune compassion pour lui. Il a été le bourreau de ses principes. Tant pis pour lui.