«LA DANSE NOUS APPORTE UNE SOLUTION CREATIVE»
Danseuse et chorégraphe professionnelle, Gacirah Diagne est la présidente de l’Association «Kaay fecc». Très déterminée et engagée pour la promotion de la danse, elle fait dans cet entretien le bilan de 5 jours d’activités en ligne
La 11e édition du festival de danse «Kaay fecc» s’est achevée hier à Dakar. Pour cette année, le festival a innové à travers une édition digitale. Danseuse et chorégraphe professionnelle, Gacirah Diagne est la présidente de l’Association «Kaay fecc». Très déterminée et engagée pour la promotion de la danse, elle fait dans cet entretien le bilan de 5 jours d’activités en ligne
Cette année, Kaay fecc s’est tenu sur un format numérique. Pourquoi ce choix et comment s’est déroulé le festival jusque-là ?
C’était un défi et nous l’avons relevé. Nous l’avons fait en ligne, mais il y avait tout de même une soirée en présentiel. On a voulu justement contourner certaines contraintes, notamment sanitaires et budgétaires. Nous avons donc décidé de faire cette 11e édition via le numérique, c’est-à-dire exposer les créations des compagnies par le biais de la télévision et du réseau social Facebook. On a eu un projet Made in ici (Sénégal-Mauritanie-France) avec la Scène nationale de l’Essonne et la structure Assalamalekoum à Nouakchott. Ils ont joué ici le 2 juin en présentiel. Et c’était un projet qui était sur 2 continents et 3 pays. Le projet devait s’achever en 2020, mais du fait de la pandémie, nous avons été obligés de faire des réaménagements. Aujourd’hui, nous l’avons fait à l’aide du digital, car à un moment donné, seul les danseurs sénégalais et africains étaient à Dakar tandis que les autres étaient empêchés par le confinement. Mais ils ont quand même réussi à travailler à travers un écran. Voilà donc les aspects positifs du digital. Il y a toujours des solutions, et c’est pour dire que voilà tout est possible. Ce format digital est temporaire et c’était aussi une façon de nous adapter à la situation. A 24 heures de la fin, le festival se déroule bien. Au programme, nous avons eu des formations en danse : danse urbaine avec Aïda Camara à la Maison des cultures urbaines (Mcu) et danse contemporaine avec Aminata Sarr, au Centre culturel Blaise Senghor
Comment avez-vous organisé ce festival de façon pratique ?
Pour Facebook, nous avons collaboré avec le partenaire Musik bi, qui est une plateforme digitale et qui offre des activités artistiques. Ce qui est positif avec ce format digital, c’est que nous touchons un nouveau public. Et ce canal de communication nous a permis d’élargir notre cible et d’être suivi par le monde. Cela est une bonne chose, car à travers ce festival nous avons aussi voulu montrer que le Sénégal est une vitrine culturelle en Afrique. Lorsque nous l’organisons ici à Blaise Senghor, nous pouvons atteindre 500 ou 1 000 personnes. Il y a un temps, on avait au moins 1 000 personnes. C’est donc dire qu’à travers le digital, nous avons pu atteindre un grand public parce que nous pensons qu’il est important de montrer toutes ces créativitéslà qui existent et montrer aussi une autre image de l’Afrique, de montrer que nous sommes dans la même dynamique que les autres et que nous pouvons être à la hauteur. Malgré la situation sanitaire, nous sommes parvenus à réaliser quelque chose de grand. Et nous continuerons sur cette lancée.
Pouvez-vous nous parler des résultats de cette année ?
Nous avons eu la visite d’un grand nombre de personnes malgré les circonstances actuelles liées au Covid-19. Et puis, comment ne pas venir à Blaisse Senghor voir le spectacle ? Les gens n’arrivaient pas à comprendre, que non, ils n’allaient pas venir physiquement regarder quelque chose de leurs propres yeux. Nous avons agréablement surpris le public, car les uns et les autres se posaient des questions par rapport au bon déroulement de ce festival. Mais nous avons pu relever ce challenge en diffusant la création artistique et chorégraphique du Sénégal. Nous avons aussi montré ce qui se passe en Afrique et fait comprendre au public que la danse est un art vivant et vecteur de développement.
Comment se fait le changement de perception ?
Le changement de perception se fait lentement. D’abord, c’est en continuant de montrer des contenus de qualité, qu’ils soient issus du patrimoine ou des nouvelles formes de danse, que nous allons progresser en ce sens. Ensuite, en offrant des contenus auxquels le public s’identifie. Le statut de l’artiste, qui reconnaît le danseur-chorégraphe comme un travailleur exerçant une profession, va y contribuer également. Mais en même temps, nous avons démontré que la danse est un art vivant et qu’il faut de la chaleur humaine.
Quels sont les moments forts de ce festival ?
Les moments forts (rire). Bon, tout est fort bien sûr pour nous dans cette programmation parce que nous avons des jeunes, des chorégraphes émergents, des chorégraphes confirmés. Nous avons une diversité parce que nous présentons la danse traditionnelle, la danse hip-hop, la danse contemporaine et nous diffusons le patrimoine culturel. En effet, il s’agit de danses du terroir, notamment de Kolda, Ziguinchor, Thiès, Kaolack et Dakar. Nous avons aussi voulu montrer qu’il n’y a pas que Dakar, mais qu’il y a aussi des artistes de talent dans les 14 régions du Sénégal. Et c’est ce que nous avons essayé de montrer à chaque édition. C’est donc une diversité artistique, géographique qui a été proposée comme contenu.
Parlant de diversité de contenu, quel a été le thème de cette année ?
En général, on essaye soit de projeter un film, soit de faire une discussion autour d’un thème qui est lié à la danse. Donc là, on a deux activités un peu annexes qui sont la discussion dont le thème de cette année s’intitule «Patrimoine, innovation et normalité», c‘est-à-dire à partir du patrimoine, est-ce qu’on peut aller vers l’innovation ? Qu’est-ce qui devient normal ? Quel est le lien entre patrimoine, innovation et normalité ? Est-ce qu’on peut aller vers l’innovation ? Comment on crée une tradition ? Nous avons fait intervenir Moctar Ndiaye, président du Festival international des arts et savoir-faire traditionnels africains, un homme épris du patrimoine culturel africain. On a aussi fait intervenir une autre chorégraphe qui est du Congo, Prisca Ouya, et un autre danseur et chorégraphe, Jorge Puerta Armenta (Colombie). Nous avons eu cet échange sur l’application Zoom, et ça va passer à la télé et sur Facebook également.
Qui sont les participants à ce festival ?
Il y a les pays africains comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Rwanda, le Mozambique, la Mauritanie, le Congo et le Sénégal. Mais il y a eu aussi la France, la Colombie et l’Allemagne. Ce sont des pays que nous avons voulu inviter depuis des années. Il y a le Rwanda qui devait y participer en 2017, la Côte d’Ivoire en 2019. Toutefois, nous avons eu quelques soucis financiers et logistiques. Grâce au digital, nous avons transcendé ces barrières-là et travaillé avec ces compagnies pendant 5 jours.
La danse étant un art vivant, que pourrait-elle nous apporter dans ce monde de chaos ?
La danse nous apporte une solution créative. Elle nous permet de continuer à faire ce qu’on fait, mais de le montrer autrement. Sinon, on baisse les bras et les danseurs vont aller faire autre chose et tout s’arrête. Mais c’est impossible, l’art ne peut pas s’arrêter, sa continue et ça va continuer et on va s’adapter aux circonstances parce que les solutions, elles sont toujours là. La solution, elle est là. Elle est technologique. La danse est perçue autrement au regard de la société. Mais c’est toujours un combat et nous avons notre rôle à jouer.