LE DILEMME DES LANGUES OFFICIELLES EN AFRIQUE
Plusieurs pays veulent rendre leurs langues nationales officielles, au même titre que le français ou l’anglais. Une démarche délicate qui demande du temps
Certains pays Africains sont en train de doter leurs langues nationales du statut de langue officielle au côté des langues dites de la colonisation. C’est le cas du Rwanda, de l’Afrique du Sud, du Lesotho, de Madagascar, du Burundi ou encore de la Tanzanie. Le débat est aussi présent au Mali sur fond de tension diplomatique avec la France.
Mais les linguistes préviennent que ce genre de décision, motivée par des dimensions politiques, peut créer de l’exclusion entre les populations au sein d’un même pays. Car la langue contribue à l’intégration sociale.
Le linguiste Sénégalais Seck Mamarame travaille au laboratoire de linguistique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il salue "la promotion et la valorisation des langues nationales africaines".
Pour lui, "nos langues nationales, tant qu’elles resteront des langues de communication à l’intérieur des groupes, ne pourront pas se développer et être au même niveau que les langues occidentales. Il y a ce besoin de promouvoir les langues nationales et d’en faire des langues d’éducation, des langues de commerce."
Influence linguistique
Au Mali, un projet de loi est en cours pour faire du bambara la langue officielle du pays au côté du français. Certains réclament même que ce soit à la place du français.
C’est un mouvement qui se développe dans plusieurs pays, estime Seck Mamarame. "C’est en fait un sentiment général qui se développe en Afrique dans les anciennes colonies de la France. Celles-ci veulent se séparer de l’influence culturelle, linguistique, diplomatique et économique de la France."
Mais son collègue, le linguiste et écrivain rwandais François-Xavier Gasimba, prévient que cela ne doit pas se faire de façon brutale pour éviter d’exclure ceux qui ne parlent pas la langue choisie désormais comme officielle. Par exemple le bambara dans le cas du Mali. "Il ne faut pas exercer la violence vis-à-vis des langues dites de la colonisation, il faut plutôt une attitude de tolérance. Si une décision est prise de façon brutale, il va y avoir une sorte de frustration et d’exclusion", note François-Xavier Gasimba
Pas de changements brutaux
Dans plusieurs pays africains, les langues nationales cohabitent en effet avec le français ou l’anglais en tant que langues officielles. François-Xavier Gasimba évoque ainsi le cas du Rwanda.
Il rappelle que "le Kinyarwanda est depuis bien longtemps une langue nationale et aussi c’est une langue officielle à côté du français mais aussi de l’anglais. Et tout récemment, on a ajouté le swahili. Il faudrait œuvrer pour la convivialité des langues."
Précisons qu’une langue officielle est celle dont on se sert dans l’administration et dans tous les services officiels d’un Etat. Au niveau extérieur, elle est une langue de coopération dans le domaine politique, culturel et économique.
La langue nationale est, quant à elle, considérée comme propre à une communauté ou un groupe ethnique et sert pour les communications internes au sein de ce groupe.